Publié il y a 1 an - Mise à jour le 03.06.2022 - anthony-maurin - 6 min  - vu 1621 fois

FAIT DU JOUR Choisir sa corrida en feria : chacun ses goûts, mais des goûts pour chacun

Le paseo de la première corrida à Nîmes cette saison (Photo Anthony Maurin).

Une partie des toros de Garcia Jimenez (Photo Anthony Maurin).

La feria de Pentecôte à Nîmes se passe certes dans les rues mais elle débute, avant tout, dans les arènes. C'est dans cet amphithéâtre bimillénaire que huit spectacles (dont la course camarguaise d'hier soir) se déroulent pour cette édition 2022.

Certains parient entre eux sur l'avenir de telle ou telle course, d'autres ont secrètement noté les toros observés aux corrales pour dire, le moment venu, leurs favoris quand quelques uns parlent de leurs gènes, de l'ancienneté de leur fer ou du savoir-faire de l'éleveur. Ça, c'est pour les toros. Pour les piétons, il en va naturellement de même ! Qui ne s'est jamais dit qu'untel allait sans doute triompher et qu'il ne fallait pas rater cette sortie a hombros ? Qui n'a pas été le "fan" d'un maestro ? La feria, dans les arènes, c'est aussi ça.

Portée par l'aficion et son fondement moral, la corrida existe encore. En ce premier jour de tradition espagnole, faisons un point sur les forces en présence et sur les spectacles à aller voir. Tout ce qui va suivre est subjectif, donc n'y voyez pas d'obscurantismes mais plutôt une simple sélection argumentée par les propos de votre serviteur-aiguilleur.

Une partie des toros d'El Parralejo (Photo Anthony Maurin).

Ce vendredi est peut-être la tarde pour laquelle les toros sont le mieux présentés. Passons sur le graphisme du fer de l'élevage d'El Parralejo, un brin grivois, mais n'oublions pas de parler de ces toros. Créée en 2007 et ayant fait sa présentation à Madrid en 2015, cette ganaderia aux origines Domecq via Jandilla est faite pour le succès des toreros tout en gardant du bois sur les têtes des toros. Ce fer fera par ailleurs sa présentation en France. Pour affronter ces toros natifs de Huelva, Curro Diaz, Juan Leal et El Rafi. Le premier, de Linares, est un orfèvre du toreo. Des lignes pures et élancées, des courbes rondes et très naturelles. Les deux autres, les jeunes loups, tous les deux Français, se tireront la bourre dans un autre registre. L'Arlésien Juan Leal se met dans les cornes et développe une tauromachie de domination. Le Rafi situe pour l'instant ses intentions entre ses deux compagnons. Une course à voir. Vraiment et sans chauvinisme.

Curro Diaz ici en 2019 (Photo Archives Anthony Maurin).

Passons rapidement sur la corrida portugaise du soir avec João Moura Caetano, Marcos Tenorio Bastinhas, Léa Vicens et Juan Manuel Munera qui devront défiler devant des toros d'Irmãos Moura Caetano. Deux points positifs pour aller à la course. D'une, la présence des forcados (troupe de courageux qui stoppent le toro en s'accrochant à ses cornes afin de l'immobiliser et de le faire rentrer au toril), de deux, cela fait plus de 20 ans qu'il n'y avait pas eu de corrida portugaise dans les arènes en nocturne !

Andrés Roca Rey en septembre denier (Photo Archives Anthony Maurin). • Anthony MAURIN

Le samedi, corrida de Garcia Jimenez. Des toros venus de Salamanque, mais aux souches sanguines dominées par du Domecq via Jandilla comme ce fut le cas pour la corrida de vendredi. Face à eux, Jose Maria Manzares. D'Alicante, sa lignée familiale ne l'a pas empêché d'être connu et reconnu par son talent propre. Il n'a plus rien à prouver et il aime triompher dans la cité des Antonin. À ses côtés, un autre torero de force. Andrés Roca Rey a pris son alternative ici, dans nos arènes, mais il n'y triomphe que rarement, il est temps que les choses changent et qu'il fasse chavirer le bateau ivre. Plus âgé de deux ans que ce dernier torero, Alejandro Marcos sera tout de même le troisième du cartel. Il se présente à Nîmes et comme la tradition le veut, il confirme son doctorat pour l'occasion. On le connaît peu mais c'est une excellente raison pour venir le voir, car l'an passé il a coupé en moyenne deux oreilles par corrida.

Solalito ici en septembre dernier (Photo Archives Anthony Maurin). • Anthony MAURIN

C'est à partir du dimanche que l'aficion absorbera des courses par jour. En matinée, la novillada de la Cape d'Or de la peña Antonio Ordoñez. Une corrida avec des toros non pas de quatre ans, mais de trois ans pour des toreros dont l'apprentissage se poursuit. En premier, chef de lidia, Solalito, un Nîmois qui connaît bien les lieux et l'enjeu qui va avec. Solal est un bon torero et il aura à coeur de faire de son mieux devant son public. Alvaro Burdiel, ne nous cachons pas, est un Sévillan qui a débuté l'an passé dans la catégorie et dont nous ne connaissons presque rien, il se présente à Nîmes et a toréé dix novilladas. La surprise du chef est la présence de Lalo de Maria. Un jeune (natif de Montpellier ne lui en voulez pas) qui a une belle histoire avec les arènes de Nîmes. Ne jugez que son toreo en fin de course, pas ses parents, pas sa jeunesse. Il a des choses à vous montrer et il compte bien vous les faire voir sous tous les angles. La novillada de la Cape d'Or est toujours un bon moment pour l'aficion. Il s'y passe des choses, les jeunes veulent se montrer sous le meilleur jour et les novillos de Roland Durand, s'ils sortent comme l'an dernier, contribueront au spectacle.

Pablo Aguado ici en 2019 (Photo Archives Anthony Maurin).

Pour la tarde, la corrida sera artistique. Déjà, grâce aux toros de Jandilla qui assurent la qualité d'un bétail nécessaire et choisi sur le volet. Pourquoi ces toros ce dimanche ? Pour leur régularité, leur homogénéité, leur noblesse et leur manière de coopérer avec les toreros. Morante de la Puebla sera d'ailleurs le chef de lidia de cette course aux étoiles. Il ne laisse personne indifférent mais n'ouvre que rarement les grandes portes des arènes de première catégorie. Certains diront qu'une passe de leur chouchou suffit à étancher leur soif de toreo lent. En tout cas cela fait six ans qu'il n'est pas venu à Nîmes ! Juan Ortega a mis du temps à sortir de l'ornière mais depuis deux ans il montre à l'aficion une manière de toréer qui plaît. Une dose de verticalité mesurée, un soupçon de ceinture arrondie et une vision du temple qui lui est propre. Enfin, Pablo Aguado a son petit fan club à Nîmes et dans le sud. Aguado n'est pas venu à Nîmes depuis le début de la crise Covid, il manque aux sensations de feria et il se dit que le Sévillan serait la relève que les Morantistes attendaient depuis longtemps...

Léa Vicens en 2020 (Photo Archives Anthony Maurin). • Anthony MAURIN

Dernier jour de feria et ultime matinée. Comme toujours, place aux chevaux. La corrida équestre a son public, un public qui n'est, de manière générale, pas celui d'une corrida classique. Ici, le spectateur va venir voir du dressage et peut oublier le fondement de cet art équestre. Le toro sort dépointé et sans grand danger pour les montures. C'est d'ailleurs pour cela qu'on voit durant ce genre de spectacle une véritable course à l'armement artistique. Parfois aussi, le public ferait bien de regarder attentivement ce que les centaures font et la manière dont ils le font ! Bref. La grande dynastie de Hermoso de Mendoza sera réunie avec le père Pablo en chef de lidia et le jeune Guillermo pour fermer la marche. Lea Vicens, nîmoise et récemment sortie en triomphe des arènes de Madrid, complète le cartel. De belles cavaleries, des tauromachies différentes donc peu de chance de s'ennuyer.

Alejandro Talavante en septembre dernier lors de son retour au centre de la piste durant la corrida goyesque d'Arles (Photo Archives Anthony Maurin). • Anthony MAURIN

Clôture de feria avec une corrida Champagne ! Là aussi, la qualité et la régularité du bétail devraient assurer la bonne tenue de cette course finale. Ceux de Victoriano del Rio sont des enfants du sang de Juan Pedro Domecq y Díez. Ils se livrent dans les muletas des toreros et gardent une mobilité attrayante en ayant bien souvent, de la force au cheval. Face à eux, l'enfant chéri de Nîmes, El Juli. Oui, il a pris son alternative ici il y a bien longtemps. Oui, il est critiquable sur de nombreux aspects de sa tauromachie mais semble revenir à une pureté qu'on lui préfère largement. Le Juli reste le Juli, un passionné, un vrai maestro qui connaît tout des toros. Ne vous en faites pas, il ne faillira pas. Alejandro Talavante est lui aussi dans une bonne forme depuis son retour aux affaires. Sa tauromachie se reconnaît parmi les autres, son sens du rythme aussi, sa douceur de toréer lui procure des gestes efficaces et une sérénité recherchée. Pour sa présentation et donc sa confirmation d'alternative, Tomas Rufo sera le détonateur de la corrida de clôture. Il est né un an après que le Juli ait pris son alternative dans les arènes de Nîmes. Même si le nombre de corridas torées par ses soins en 2021 n'est pas fou, deux, il a tout de même réussi à couper la bagatelle de huit oreilles et une queue !

Dans le désordre mais tentons les paris... Non, pas moyen d'y arriver alors venez le plus souvent possible. En tout cas et vous l'aurez compris, sauf pour les aficionados a los toros, les purs des purs, tout le monde y trouvera son compte. Si vous aimez les chevaux, optez pour la portugaise en nocturne ou plus simplement la corrida de rejon de lundi matin. Si vous aimez la bataille sans tomber dans l'excès, choisissez la corrida du jeudi, ou celle du lundi soir. Si vous appréciez l'art sous toutes ses coutures, préférez plutôt les courses samedi ou de dimanche après-midi. Et si vous voulez aider la tauromachie de demain, venez à la novillada car c'est ici aussi que l'on a besoin de vous !

Billetterie, 4, rue de la Violette BP 61480 - 30017 Nîmes CEDEX 1. Tél. 0 891 701 401 ( 0,225 euro TTC/min ).

Anthony Maurin

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