Publié il y a 2 ans - Mise à jour le 09.06.2022 - francois-desmeures - 5 min  - vu 635 fois

FAIT DU SOIR La 5e circonscription, un territoire à prendre

Les quatre candidats majeurs de la 5e circonscription, Jean-Marie Launay (RN), Léa Boyer (LR), Catherine Daufès-Roux (Ensemble) et Michel Sala (Nupes). (Photo Yannick Pons / Objectif Gard) - Yannick Pons

Chaque soir de la semaine, à 21 heures, Objectif Gard passe au crible l’une des six circonscriptions du Gard en vue des Législatives (12 et 19 juin). Ce mercredi, au tour de la 5e circonscription, dont la structure démographique évolue rapidement et qui possède une députée non élue sur son nom. 

Il fut un temps où le résultat de la 5e circonscription du Gard aurait laissé peu de place au doute. Créée pour les législatives de 1988 - après le choix mitterrandien d'atténuer la défaite socialiste de 1986 en imposant une proportionnelle - la "cinquième" a toujours atterri dans l'escarcelle socialiste, à deux exceptions près. La première, à la faveur de l'immense vague créée par la Droite en 1993.

Membre du RPR, Alain Danilet avait alors été élu face au sortant et maire du Vigan, Alain Journet, avec 108 voix d'écart. En 2017, la déconfiture du Parti socialiste et l'espoir placé par certains de ses membres dans le mouvement d'Emmanuel Macron avait fait glisser Olivier Gaillard d'une étiquette à l'autre. Si la victoire n'était pas socialiste, elle en avait la saveur. D'ailleurs, Olivier Gaillard a rapidement quitté La République en marche, démissionné de son poste de député et laissé la place à Catherine Daufès-Roux, bien plus macroniste que lui. Depuis, s'il n'apporte officiellement son soutien à personne, il a parrainé Jean Lassalle à la Présidentielle et le candidat local du mouvement du Béarnais, Antoine Capaldi, est un ancien adjoint de Sauve. Lors de la Présidentielle d'avril, le Rassemblement national a créé la surprise en arrivant en tête, aux premier et second tour.

Catherine Daufès-Roux dans les locaux d'Objectif Gard (DR)

Députée depuis le 28 juin 2021, Catherine Daufès-Roux ne s'est donc pas confrontée directement au suffrage universel lors des Législatives de 2017. La sortante fait remonter son engagement politique à "1981, l'année de mes 18 ans, et mon premier vote pour François Mitterrand". Une conviction profonde pour celle qui se considère "toujours de Gauche sur certains sujets" mais dénonce le fait qu'il "y a plusieurs gauches désormais", dont une accusée d'avoir abandonné la laïcité. En 2007, soutien de Dominique Strauss-Khan, elle quittait le PS pour le Modem, en désaccord avec la désignation de Ségolène Royal comme candidate à la Présidentielle car "je suis social-démocrate".

Michel Sala et sa suppléante Irène Lebeau, à Anduze ce jeudi midi, après avoir tracté au marché (photo François Desmeures / Objectif Gard)

L'autre gauche dont parle la sortante est incarnée sur la circonscription par Michel Sala, maire de Saint-Félix-de-Pallières, candidat issu de la France insoumise pour la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes). À 67 ans, le candidat justifie d'un engagement politique de longue date, "depuis mes 20 ans" et "toujours du même bord", une Gauche plus radicale que le Parti socialiste.

Dans le secteur bancaire où il a travaillé, jusqu'à conseiller les collectivités locales, il fut aussi syndicaliste à la CFDT puis à Solidaires. "Cinq ans de Macron en plus, ce n'est pas possible", entame l'édile, qui relève que "22% des gens de notre territoire vivent en dessous du seuil de pauvreté" sur la circonscription et que, globalement, "l'aide alimentaire explose dans le Gard".

Léa Boyer faisait aussi campagne à Anduze, ce jeudi matin (photo François Desmeures / Objectif Gard)

Loin de l'agriculture, il est une jeune femme qui s'installe pourtant bien dans le paysage. Après avoir été élue conseillère départementale en 2021, l'Alésienne Léa Boyer revient pour une deuxième candidature à la députation sous la bannière des Républicains. En 2017, elle obtenait plus de 10% des suffrages exprimés, sans grande notoriété et alors que la Droite dite classique subissait son premier coup de semonce à la suite de l'affaire Fillon.

Pas si mal, d'autant que la jeune femme de 28 ans a mené une réelle campagne de terrain, "avec mes tripes", haranguant les passants sur les marchés et placardant la circonscription de ses affiches. En 2015, en entrant dans la cour des grands pour les Régionales, elle n'a pas hésité sur la couleur, notamment "parce qu'on m'avait toujours enseigné la valeur travail. Mais, dans la famille, la politique n'était pas un sujet de base".

Jean-Marie Launay, au centre, candidat RN sur la 5e circonscription, avec son suppléant Owen Godard (à gauche) et Julien Sanchez, maire de Beaucaire (photo Corentin Migoule / Objectif Gard)

Chez Jean-Marie Launay, candidat pour le Rassemblement national, la politique a, en revanche, commencé très jeune : ses parents étaient déjà au Front national. À peine plus âgé que Léa Boyer, il s'était écarté du débat au début des années 2000 -  l'engagement parental pouvant être difficile pour les enfants quand il est aussi marqué - avant que l'élan ne revienne en 2012, à l'occasion de son adhésion au RN. Avec Marine Le Pen arrivée en tête dans la circonscription aux 1er et 2e tour de la Présidentielle, le Nîmois se sent pousser des ailes. "Il y aura forcément une inconnue sur la mobilisation, reconnaît celui qui est conducteur de travaux dans le civil. Mais les projections sont plutôt bonnes." Et ce même si l'électorat RN est traditionnellement moins mobilisé pour les Législatives.

Enclavement, pauvreté, mobilité, installation d'agriculteurs

Parmi ces quatre candidats majeurs (*), les priorités se recoupent parfois. Mais les solutions sont plutôt éloignées. "L'enclavement et le risque de pauvreté, dominent chez Jean-Marie Launay, et la lutte contre la retraite à 65 ans. Il faut créer des emplois dans cette circonscription. C'est positif, il n'y a plus d'exode massif. Mais personne de nouveau ne s'implante non plus", soutient le candidat RN. "Le territoire est une vraie mosaïque, constate Catherine Daufès-Roux. Caveirac, c'est du péri-urbain ; La Grand-Combe et Bessèges, c'est du post-industriel ; et il faut aussi penser aux agriculteurs et viticulteurs. Il ne faut rien laisser de côté."

"La mobilité est essentielle sur la circonscription, insiste Léa Boyer qui l'a beaucoup parcourue récemment. Il y a le covoiturage d'Alès Agglo, il faut un transport en commun pour la Vaunage. On nous demande d'être écologistes mais les gens sont bien obligés de prendre leur véhicule." La candidate LR souhaite aussi mettre en avant le sujet des déserts médicaux  et "des médecins de l'ARS qui pourraient revenir travailler sur le terrain".

L'abstention comme arbitre ?

La défense "de nos traditions" reste une priorité de la plus jeune de ces quatre candidats. Sans surprise, la candidat Nupes Michel Sala avance la lutte contre la pauvreté et le soutien aux services publics comme priorités - sujets que le RN a tenté de ravir durant la Présidentielle - ainsi que "l'installation de jeunes agriculteurs. J'ai croisé des petits maraîchers. Il faut qu'on ait des outils pour les installer", insiste le candidat de Gauche.

Si un sujet unit ces candidats, bien loin des réflexes anciens, c'est sur l'absence de consignes de vote au second tour en cas d'élimination prématurée. D'abord, et avant tout, parce qu'ils se voient tous qualifiés, quand ce n'est pas élu. Pour Jean-Marie Launay, il est "trop tôt pour se prononcer, même si je pense qu'il n'y aura pas de consigne".

"Je n'y vais pas pour perdre, affirme Léa Boyer. Et ne donnerai pas de consigne : les gens sont suffisamment responsables." "Personnellement, je voterais blanc", avance Catherine Daufès-Roux en cas de duel Nupes/RN. "On aura sans doute le même positionnement qu'à la Présidentielle, suppose Michel Sala, pas une voix au RN. Je ne pense pas qu'on aille au-delà. Mais ça n'arrivera pas", lance le maire de Saint-Félix dans un sourire.

Reste l'inconnue de l'abstention, qui pourrait jouer des tours aux candidats et, surtout, donner lieu à un duel quand il faut 12,5% des inscrits pour se maintenir. La situation serait alors classique pour cette 5e circonscription, qui n'a jamais vu de triangulaire. Entre-temps, les scores du RN ont grimpé à la faveur de l'insertion de plaines dans la circonscription cévenole. Mais dans le même temps, l'abstention, qui était de 32,81% au premier tour des Législatives 2002, est montée à 49,89% au premier tour de 2017. Duel Droite-Gauche ? RN face à Ensemble ? Nupes contre RN ? La 5e circonscription est décidément un cœur à prendre.

François Desmeures

francois.desmeures@objectifgard.com

* Les sept autres candidats de la circonscription sont Didier Mérand (divers), Frédérique Bozec (Reconquête !), Agnès Olinet (extrême-Gauche), Catherine Rocco (écologistes au centre), Nathan Casano (divers, Allons enfants), Antoine Capaldi (Résistons !) et Annie Brasselet (Droite souverainiste).

François Desmeures

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