Publié il y a 4 ans - Mise à jour le 24.08.2019 - philippe-gavillet-de-peney - 6 min  - vu 202 fois

FEUILLETON DE L'ÉTÉ Septième épisode de "L’Été de la miséricorde"

Chaque samedi de l'été, à 11h30, Objectif Gard vous donne rendez-vous avec votre saga estivale.
(Photo : Philippe Gavillet de Peney/Objectif Gard)

(Photo : Philippe Gavillet de Peney/Objectif Gard)

Durant l'été, Objectif Gard vous propose de découvrir pendant huit semaines un feuilleton inédit qui se déroule au cœur du Gard ! Le septième épisode est à lire maintenant...

Aujourd'hui c'était dimanche et hormis l'infatigable Juan, qui s'était levé aux aurores et était depuis longtemps affairé dans le potager, le restant de la maisonnée sortait tout doucement de sa torpeur nocturne. Il était un peu plus de 9 heures et le soleil tapait déjà fort. Échevelée et les yeux encore bien lourds, assise seule dans la cour autour de la table en fer forgé, Julia sirotait avec délectation son premier café de la journée. Un petit mistral bien agréable venait caresser ses bras et son visage.

Un moment propice à la réflexion et à l'introspection que la jeune enseignante mit à profit pour faire le point sur sa vie et les nombreux changements qui l'avaient agitée ces derniers temps...

Au centre de ses préoccupations : Juan ! Sérieusement échaudée par son expérience avec le père des enfants, la jeune femme craignait de s'emballer au sujet du bel Espagnol même si elle ne doutait pas de sa franchise et de son honnêteté. Son désormais amant la couvrait de tendresse et multipliait les petites attentions. Il lui avait aussi clairement fait comprendre qu'il n'envisageait pas de retourner vivre seul dans sa maison à Tornac et qu'il désirait plus que tout au monde s'engager à ses côtés dans une nouvelle vie.

« Pourvu que ça ne soit pas trop beau pour être vrai », songea l'enseignante qui ne parvenait pas à s'imaginer que Juan ne disparaisse de sa vie aussi vite qu'il ne l'avait investie mais qui avait réservé sa réponse. Elle tergiversait encore car si son cœur et la passion disaient oui, la raison et la crainte de faire une bêtise l'engageait à la prudence.

Une idée lui trottait dans la tête depuis un moment et elle décida de ne pas procrastiner plus longtemps. Elle décida de convoquer sur le champ un informel conseil de famille. Elle voulait en avoir le cœur net avant de s'engager plus avant auprès de Juan. « Tim ! Sam ! Descendez, il faut qu'on parle ! »

Le temps de dévaler bruyamment le vieil escalier qui menait à leur chambre et les duettistes se présentaient déjà au garde à vous, un peu inquiets du ton martial de cette convocation matutinale.

« Tu es fâchée après nous ? On a fait des bêtises ? », interrogea Tim.

« Mais non mes trésors d'amour ! Tout va bien. Vous êtes adorables mes crevettes ! Comme nous sommes une famille, je voulais vous demander votre avis concernant Juan. Je veux que vous soyez sincères et que vous ne cherchiez pas à me faire plaisir en me disant ce que vous pensez que j'attends de votre réponse. C'est bien compris ? »

« Pas tout mais un peu, résuma spontanément Sam. Mais c'est quoi la question ? »

« Mais quelle est la question ? » 

« Si toi non plus tu ne sais pas, ça va être compliqué ! », rétorqua la gamine qui n'avait compris que sa mère venait de la reprendre. Julia ne put s'empêcher d'éclater de rire. «  Je voudrais que vous me disiez ce que vous en penseriez si Juan vivait avec nous ici... »

Sam dégaina la première : « Et après tu vas te marier ? Chouette ! Tu m'achèteras une belle robe pour aller à la noce ? Moi, je suis d'accord ! »

« On n'en est pas là. On verra ça plus tard ! Et toi Tim, tu en penses quoi ? »

« Ben, de toute façon il vit déjà ici. En plus il t'aide et il est gentil avec toi. Moi je suis d'accord. Il me l'a déjà demandé et je lui ai dit... »

« Ah, je vois que ces messieurs complotent derrière mon dos et que vous avez déjà décidé de mon sort », coupa Julia, faussement indignée mais soulagée de la réaction des enfants et ravie au fond d'elle-même que Juan ait fait la démarche de tâter le terrain auprès de son fils. « Il doit vraiment tenir à moi », se dit-elle, quelque peu rassérénée.

Le bruit d'une voiture brisa le silence. Un Combi Wolkswagen gris fit une entrée remarquée dans la cour en franchissant le portail laissé grand ouvert. Il s'immobilisa et en descendit un grand escogriffe barbu d'une quarantaine d'année suivit aussitôt par une femme, d'un petit fox-terrier et de deux enfants qui devaient avoir peu ou prou l'âge de Sam et de Tim.

« Ben celui-là, il ne s'en fait pas! », songea Julia avant de revenir à de meilleurs sentiments devant les regards implorants qui pointaient vers elle.

« Bonjour ! Nous sommes désolés de cette intrusion intempestive mais nous nous sommes perdus. Nous voulions rejoindre le site de baignade de La Madeleine mais notre GPS nous a conduit tout droit ici », débita d'un trait le chef de cette pacifique tribu d'envahisseurs en goguette.

« Vous n'êtes pas très loin, c'est vrai mais ce n'est pas ici. Je vais vous expliquer », répondit Julia qui n'eut pas le temps de mettre sa promesse à exécution. Un grand cri venait de résonner au fond de la cour. « Tintin ! » Penchés au-dessus du vieux puits, les quatre gamins semblaient en scruter le fond. En trois enjambées, les adultes avaient rejoint la marmaille.

Julie s'aperçut aussitôt que la lourde plaque de fer qui bouchait l'accès du puits avait été déplacée. Suffisamment en tout cas pour que le fox-terrier soit tombé au fond. « Mais qui a bougé cette plaque ? » interrogea Julia.

Le visage penaud de Timéo lui donna une partie de la réponse qu'elle attendait. « Mais pourquoi as-tu  fait ça ? »

« À cause des feuilles de figuier que nous avons balayé l'autre jour avec Sam. Ça faisait un gros tas. On a tout jeté au fond et j'ai mal remis la plaque... »

En un tournemain le barbichu termina de dégager entièrement la pesante tôle et l'on aperçu enfin mieux le Tintin à quatre pattes, le museau pointé vers le ciel et qui, à grand renfort d'aboiements désespérés, implorait qu'on veuille bien venir tirer de la mauvaise posture dans laquelle il s'était placé.

Sam alla chercher de l'aide auprès de Juan que les cris et les aboiements avaient alerté. Rapidement, ce dernier déploya une échelle métallique à l'intérieur du puits. Par chance elle était assez longue. Après s'être assuré de la stabilité de son installation précaire, Juan descendit prudemment les barreaux sous le regard très attentif d'un aréopage qui n'en perdait pas une miette.

Et il ne lui fallut pas plus de deux minutes pour atteindre le fond, à peine plus pour remonter, fier comme un Artaban, avec le quadrupède dans une main et encore deux supplémentaires pour réajuster soigneusement la plaque sur la margelle du puits. Quant au Tintin en question, s'il avait enfin regagné le plancher des vaches, il n'avait pas perdu son temps durant son cours séjour effectué au fond du puits. Au moins aussi fier que son sauveur, il tenait dans sa gueule ce qui semblait être un morceau de bois informe qu'il brandissait comme un trophée et que s'empressa de lui retirer Juan.

Centre-ville d'Anduze (Photo Tony Duret / Objectif Gard)

« Oh, merci, vous l'avez sauvé ! Vous êtes génial ! », s'épancha enthousiaste la mère de la famille d'estivants dont on n'avait jusqu'alors pas entendu la voix.

Tandis que les enfants s'attardaient auprès de la boule de poil, Juan en profita pour faire le charmant : « Génial ! C'est ça ! C'est ce que ma femme dit tous les jours à tout le monde. N'est-ce pas chérie ? »

« Ma femme ! Quelle femme ? Tu vas bien vite en besogne mon torero... », songea Julia qui ne put s'empêcher de sourire à cette évocation et se garda bien de le contredire publiquement.

« Tiens l'homme génial, pendant que j'explique à ces gens comment aller à La Madeleine, pourrais-tu génialement activer tes jambes géniales pour aller génialement chercher le broc de citronnade qui est dans le frigo. Tout ça nous a donné soif ! »

« Pas de problème ! Quand on a du génie on peut se contenter parfois de n'avoir que du talent », pérora Juan, un tantinet hâbleur. Désaltérés et rassurés sur leur itinéraire, Tintin et sa clique réintégrèrent rapidement le Combi qui, après un savant demi-tour dans la cour passa le portail dans l'autre sens et partit vers de nouvelles aventures en klaxonnant à tout va.

Un tintamarre inhabituel qui attira Marthe qui fit à son tour son entrée dans la fumée du pot d'échappement des ex-naufragés de la route. « Et ben ma galinette, ils en font du tintouin tes Parisiens ! Qu'est-ce qui se passe ? »

« Marthe, ce ne sont pas des Parisiens mais des Jurassiens et ils ne sont pas à moi. Ils se sont perdus. Ils cherchaient leur chemin. »

Avec un air sombre étrangement renfrogné et soucieux qui contrastait avec son humeur badine habituelle, Juan interrompit les deux femmes.

« Julia, il faut que je te parle tout de suite ! C'est important. »

Contagieuse, l'inquiétude gagna Julia à un tour. « Qu'est-ce qu'il y a ? C'est grave ? Dis-moi. Tu peux parler devant Marthe. Je n'ai rien à cacher. »

Tirant de sa chemise le morceau de bois remonté par Tintin, Juan acquiesça : « Comme tu veux. C'est toi qui voit... Voilà, je n'y connais pas grand chose en médecine mais bien plus en bois et en animaux et ce morceau de bois n'est pas en bois mais... en os. Et, en tant que chasseur, je peux te dire qu'il ne s'agit pas d'un os d'animal... Je pencherais pour un os humain. Peut-être un morceau de tibia... »

« Tu es sûr de toi ? »

« Sûr, non. Encore une fois je ne suis pas médecin légiste mais ça m'en a tout l'air ! »

« Il faut tirer ça au clair. Je vais appeler les gendarmes qu'ils viennent voir ça. »

« Ne fait pas ça ma chérie, je t'en supplie, ne fait pas ça !, prononça Marthe, le visage décomposé, visiblement bouleversée et toute tremblante. Asseyons-nous, moi aussi il faut que je te parle... » (à suivre la semaine prochaine, même jour, même heure)

Philippe GAVILLET de PENEY  

Philippe Gavillet de Peney

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