Publié il y a 1 an - Mise à jour le 09.08.2022 - corentin-migoule - 3 min  - vu 1460 fois

HISTOIRE DE PONTS Viaduc du Luech : l'ouvrage qui a relié les Cévennes à la capitale

Chamborigaud et Le Chambon se partagent le viaduc du Luech. (Photo Corentin Migoule)

Durant tout l’été, Objectif Gard vous propose ses nouvelles rubriques. Tous les mardis, la rédaction revient sur l’histoire d’un pont (ou d'un viaduc) mythique du département. Le viaduc du Luech, qui lie les communes de Chamborigaud et du Chambon, en est un. Inscrit aux Monuments historiques depuis 1984, l'ouvrage, étroitement lié au passé minier de la région, a ouvert les Cévennes à la capitale.

D'aucuns ont pris l'habitude de le nommer "viaduc de Chamborigaud". C'est une erreur. "On ne peut pas l'appeler ainsi car il va de la commune de Chamborigaud à celle du Chambon. On est tous chauvin, mais après on se fait un peu tirer les oreilles par les habitants du Chambon", avoue Marie-Thérèse Bonnefoy, adjointe au maire de Chamborigaud. Les Chambonnards ont raison de s'approprier une partie de cet ouvrage historique. Six des 29 arches qu'il comporte - soit le côté nord - sont situées sur leur commune.

Le viaduc, construit en maçonnerie classique par 200 ouvriers de 1865 à 1867 sous la maitrise d'œuvre de Charles D'hombre, a donc pris le nom de la rivière qui coule (lorsqu'elle n'est pas à sec) au dessous de lui : le Luech. "Le viaduc du Luech, ce sont des pages et des pages d'histoire écrites à son sujet", prévient Marie-Thérèse Bonnefoy, farouchement attachée à la ligne ferroviaire en qualité de présidente du comité de défense des services publics en Hautes Cévennes.

Le viaduc du Luech permet de relier Nîmes et Clermont-Ferrand par le train. (Photo Corentin Migoule)

Chamborigaudois pur jus, l'écrivain qu'est Jean-Pierre Chabrol s'est intéressé de près à l'ouvrage. Il lui a même écrit un poème qu'il a lu lors des 100 ans du viaduc commémorés en 1967, dans lequel l'auteur s'adresse directement à l'édifice, lui collant âme et parole : "Tu es un peu courbé, mais c'est de naissance parait-il. Toujours bon dos, et quelle enjambée mon cousin!" Dans son style caractéristique, l'écrivain cévenol dépeint à merveille les critères du viaduc, lequel, long de 384 mètres et haut de 46 mètres (des dimensions équivalentes à celles du Pont-du-Gard), est en effet courbé. Une courbe de 200 mètres de rayon qui limite sérieusement la vitesse des trains au pied d'une rampe de 25%.

Car c'est bel et bien par mesure d'économie que ce qui deviendrait le viaduc du Luech a été préféré à un édifice beaucoup plus ambitieux qui évitait de donner à la ligne le tracé sinueux que l'on connaît aujourd'hui. D'après la revue La vie du rail parue le 19 novembre 1967, l'ouvrage cévenol a tout de même coûté la bagatelle de 570 000 francs-or, soit 800 millions d’anciens francs. Le contexte de l'époque est celui d'un bassin minier alésien en plein essor, matérialisé par l'ouverture d'une première liaison ferroviaire reliant Alès à Beaucaire en 1840. Le charbon est alors transporté vers la vallée du Rhône, où il est conduit jusqu'à Toulouse via le canal du Midi, ou bien vers Marseille par le Rhône. L'année suivante, cette liaison se prolonge de 16 kilomètres de la capitale des Cévennes à La Levade.

Vue aérienne du viaduc du Luech sur lequel passe toujours le train. (Capture d'écran Youtube)

Une décennie plus tard, en 1855, une voie ferrée reliant Clermont-Ferrand à Issoire est ouverte. C'est avec sa naissance que germe l'idée de joindre l'Auvergne aux Cévennes, et au-delà, Paris à la Méditerranée. La région rompt définitivement avec son isolement. Merci au viaduc du Luech ! Et, bien qu'il n'assure aujourd'hui plus qu'une liaison entre Nîmes et Clermont-Ferrand, il n'a rien perdu de son caractère incontournable aux yeux de Marie-Thérèse Bonnefoy : "On voit bien que plus ça va, plus on aurait besoin de laisser les voitures de côté en prenant le train. Pour ça il faut des gares, surtout dans nos petits villages cévenols."

Majestueux, l'édifice se fond dans ce paysage aux rudes crêtes, déroulant à ses pieds la verte vallée (lorsqu'elle n'est pas jaunie par la sécheresse) du Luech. La vigueur de ses piliers de pierre et la finesse de son front arqué lui ont sans doute permis de se faire une place - depuis 1984 - dans le classement des Monuments historiques. Parce qu'il n'a rien perdu de sa valeur patrimoniale, l'ouvrage sera le théâtre de la deuxième édition du festival Les arches (relire ici). Décédé l'an dernier des suites du Covid, le regretté Jacky Dédet, ancien secrétaire de mairie de Chamborigaud, auteur d'une magnifique exposition de photos à l'effigie de cette fierté locale à l'occasion de ses 150 ans célébrés en 2017, aurait aimé en être.

Corentin Migoule

Corentin Migoule

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