CHAMBORIGAUD Théo, tatoueur en noir pour une clientèle bigarée

Théo, dans l'accueil de sa boutique qui pourra servir pour des expositions artistiques ou des ateliers
- François DesmeuresDans le tatouage depuis 7 ans, Théo a finalement ouvert un salon dans ce qui n'est pas à proprement parler la première zone de chalandise de son activité. Mais l'engouement pour son domaine est devenu tel qu'il ne manque pas de clients et se plaît à renouveler ses dessins, même s'il ne souhaite - pour l'instant - travailler qu'en noir. Rencontre.
La boutique est un peu cachée dans cette ligne droite qui traverse Chamborigaud. Mais Théo, 33 ans, s'en satisfait, parce que les temps ont changé. "Je voulais quelque chose de clair. Pas comme il y a 20 ans, avec de la musique punk-rock à fond. Je voulais un accueil blanc, et une arrière-boutique pour travailler." L'accueil pourra servir à afficher des artistes, et à y développer des activités culturelles. La patte de l'artiste local s'exprime à l'arrière.
Après des études de graphisme en Haute-Savoie, Théo est parti compléter sa formation par une école d'illustration, à Nantes. "Et j'ai découvert le tatouage avec un ami qui avait aussi arrêté l'école. C'est une forme d'art qui m'a toujours intéressé." C'était il y a 7 ans. "De fil en aiguille, sans jeu de mot, sourit-il, je suis retourné à Annecy, et j'ai bossé en salon chez un ami tatoueur." Et un nouveau projet de vie se met en place, avec sa compagne. "On voulait aller vivre en Ariège et, finalement, on s'est arrêté en route."
Chamborigaud n'était pourtant pas sur le tracé le plus évident entre Haute-Savoie et Ariège. Mais la région a fait son petit effet. "On a acheté un terrain et construit deux logements insolites dessus." Puis, Théo s'est mis à la recherche d'un pas de porte. "Il n'y a pas trop de locaux, ici. Heureusement, j'ai rencontré la petite-fille du propriétaire du magasin, et elle a accepté. Mais c'était resté fermé pendant un moment !"
"On n'a jamais vu une moyenne d'âge aussi élevée pratiquer le tatouage"
Dans le tatouage, ce qui intéresse Théo, "c'est principalement le dessin, explique-t-il. Et puis, socialement, on rencontre plein de gens de tous les horizons. Ils se livrent, vous racontent leurs projets perso, voire des moments très émouvants." Les modèles qu'il dessine permettent "de se rappeler d'un moment, d'une personne... Il y a évidemment un côté esthétique, mais on le fait aussi pour mémoire." Une mémoire très présente sur le corps même de Théo, qui se fait tatouer "dès que je pars en voyage".
"La clientèle du tatouage a évolué énormément en 15 ans, analyse Théo. Mais on n'a jamais vu une moyenne d'âge aussi élevée le pratiquer. Et, ici, peu de gens iraient à Nîmes ou Montpellier pour se faire tatouer. J'ai, donc, des clients du village et d'une vingtaine de kilomètres à la ronde." Avec un choix radical : des tatouages en noir, parfois inspirés des collages que Théo pratique par ailleurs. "Mais je peux me lasser très rapidement d'un seul style. Peut-être qu'un jour, j'en aurai marre du noir... J'aime bien évoluer."
Au coeur des Cévennes, il existe néanmoins un risque de ne plus avoir personne à tatouer, par manque de population. Ou d'avoir des mois plus compliqués si l'argent rentre peu. "Ici, on s'est rendu compte qu'on n'avait pas les mêmes besoins qu'ailleurs, riposte Théo. Dans mon premier mois et demi de travail, j'ai très bien commencé. Il me suffit de gagner le minimum pour être bien et ne pas se restreindre." Et si les nouveaux tatouages devenaient moins nombreux, il reste toujours les clients - et il n'en manque pas... - qui viennent recouvrir un ancien tatouage qu'ils ne souhaitent plus. Avec un nouveau...