CRUVIERS-LASCOURS Grap'Sud, une économie circulaire en quête de processus vertueux
Dans une ambiance morne autour du marché du vin, le groupe Grap'sud poursuit ses investissements en lien avec son époque. Chaudière autonome pour ne presque plus dépendre du gaz, recyclage de l'eau, pose attendue de panneaux solaires, l'entreprise de distillation prend son époque à bras-le-corps sur les 50 hectares du site indutriel de la Gardonnenque.
Ils communiquent peu mais effectuent un travail de fond. À l'occasion de la visite des conseillers régionaux, Aurélie Génolher et Fabrice Verdier, président et directeur de Grap'Sud ont exposé leur stratégie en matière environnementale. Et ce, malgré un contexte compliqué pour la vigne et ses produits dérivés. "C'est notre faiblesse, on dépend à 100% de la vigne, entame le président, Denis Mayol, également président de la cave coopérative de Saint-Géniès-de-Malgoirès. Et en matière de perspectives économiques, on est inquiets, même si l'arrachage ne sera sans doute pas à la hauteur de ce qu'on pouvait craindre."
Président et directeur (Frédéric Guinle) rappellent ainsi la mission de la distillerie Grap'Sud, "collecter les produits de la vinification pour les valoriser à 100%. Si possible, dans le cadre d'une économie circulaire vertueuse." La distillerie collecte ainsi annuellement 86 000 tonnes de marc, 16 000 m3 de lies, 8 000 m3 de vin, ou encore 80 000 m3 de jus de raisin et 4 000 tonnes de dattes. Et se charge de les transformer, selon la matière première, en alcool de bouche, alcool pour les biocarburants, acide tartrique (utilisé comme conservateur), huile de pépins de raisins, polyhénols (à forte teneur en anti-oxydants) très présents comme compléments alimentaires, sucres de fruits, engrais ou compost liquide, etc.
Sur la saison 2023-2024, les 150 collaborateurs (dont la moitié sur le site de Cruviers) et 1 200 adhérents de Grap'Sud ont porté le chiffre d'affaires à 71 millions d'euros. "On a lancé de la vodka, un gin vieilli, de l'huile de pépins de raisins", explique Frédéric Guinle. Ceci à côté de l'absinthe ou de l'alcool de menthe produits depuis plus longtemps. "On développe aussi des produits identitaires pour des tiers. Notre activité est plutôt bien équilibrée entre les diverses productions. Notre raison d'être est de rendre service à nos adhérents et à la filière."
Pourtant, la réflexion de l'entreprise coopérative va plus loin. Elle continue, ainsi, d'investir 3,5 M€ par an sur un site qui pourrait apparaître comme vieillissant. Et entame sa conversion écologique. "Nous allons bientôt mettre en marche une chaudière bio-masse, pour laquelle nous investissons 7 M€ (dont 30% de subventions), explique Frédéric Guinle. Elle possède une capacité de 12 tonnes par heure et couvrira tous les besoins du site." Un nouveau bâtiment a même été construit uniquement pour l'abriter, dont le toit n'a été fait qu'une fois la chaudière installée par une grue, en trois parties.
Outre sa taille, la chaudière possède une originalité réclamée par Grap'Sud : seuls 20% de son combustible seront composés de bois. Le reste sera prélevé via la matière première traitée par Grap'Sud. Ainsi, la chaudière consommera, à 60%, de la pulpe de raisin, et des tourteaux de pépins pour 20%, auxquels s'ajoutent les 20% de plaquettes de bois. "On produit 7 000 tonnes de pulpe par an, on en prend la moitié pour la chaudière." Si l'investissement est lourd, il sera très vite retabilisé : Grap'Sud fera ainsi chuter de 90% sa consommation de gaz naturel. Soit une économie d'environ 700 000 € par an.
Deuxième acte qui montre l'implication de l'entreprise, "nous allons réduire de moitié notre consommation d'eau par rapport à 2020, continue d'expliquer Frédéric Guinle aux deux élus régionaux. On en utilise 200 000 m3 par an actuellement. Mais, avec le retraitement, on se dit qu'on va peut-être même être excédentaire." Un acte écologique militant "qui n'a pas de motif économique", souligne le directeur de Grap'Sud, l'eau gardant un tarif abordable pour l'entreprise, qui investit donc plutôt pour anticiper d'éventuelles difficultés sur l'approvisionnement.
Autre projet, à 1,8 M€, Grap'Sud souhaite "améliorer les performances de l'outil de dépolllution" qui se charge de "la compression mécanique des vapeurs". L'eau économisée équivaudrait à 23 000 m3 par an et 3 000 tonnes de CO2 ne partiraient plus vers l'atmosphère.
Enfin, l'entreprise souhaite implanter un parc photovoltaïque sur le site de Cruviers-Lascours "en ombrière, en toiture, en champ solaire. 24 000 m2 de panneaux sont à installer à Cruviers, soit environ 30% des besoins du site", détaille le directeur. En sachant que l'implanitation industrielle tourne 24h/24, 5 jours sur 7. La décision sera prise fin 2025, pour une réalisation entre 2026 et 2028. L'entreprise ne manque pas d'espace pour développer ses ambitions : le site industriel proprement dit couvre 10 hectares, dont seulement un hectare est bâti. Mais bassins de décantation et zones d'épandage, en descendant vers le Gardon, représentent 40 hectares supplémentaires.
De quoi envisager "deux autres projets en réflexion" : la création éventuelle d'un méthaniseur "mutualisé, au service de l'industrie, de l'agriculture et des collectivités du territoire. L'École des Mines d'Alès a étudié le sujet pour savoir s'il existe un gisement suffisant à proximité, annonce Frédéric Guinle. Et nous réflechissons aussi à un site de recyclage des bio-déchets." Grap'Sud a sondé l'agglo d'Alès sur le sujet, afin de fournir, à partir de ces rebuts, "des amendements organiques qui permettent de lutter contre la pauvreté des sols".
Président et directeur du site voient, dans cette démarche, "une mission d'intérêt général" dans laquelle ils souhaitent "associer les élus pour servir le territoire". Association, partenariat, sont des mots que Grap'Sud exploite aussi à travers son accord avec l'autre grand groupe distillateur en France, et particulièrement dans le sud : UDM (union des distilleries de la Méditerranée), dont le siège est à Vauvert. "Une union logistique, industrielle et commerciale" est née. Avant une éventuelle fusion, pour faire face aux concurrents italiens, espagnols et même chinois ? Le directeur laisse planer un doute, et détaille : "C'est un projet conçu pour saturer les sites et être un référent sur les marchés de l'Europe et du monde." Déjà l'ébauche d'un projet industriel commun...