CULTURE Joris Brantuas a fait ça : produire du vide dans un entrepôt nîmois !

Joris Brantuas
- Photo Yannick PonsAdossé au musée des Beaux-arts de Nîmes, au sein de l’ancienne fabrique de vélos Tendil rachetée par le promoteur nîmois Habitec, Joris Brantuas présente ses immenses peintures. Le vernissage de son exposition Produire du vide avait lieu ce mardi 17 juin.
« Sous couvert de l’art, il a salopegé tous les panneaux du département, qu'on le fasse payer », écrit Patrick sur Facebook.
Bien sûr, il a commencé par taguer « Joris Brantuas a fait ça » un peu partout sur les murs d’Avignon jusqu’à Nîmes. À la façon de Dürer, qui apposait parfois cette phrase sur ces œuvres « Albertus Dürer noricus faciebat », autrement dit « Albrecht Dürer a fait ça ». Mais Joris Brantuas a taggé ça, et tout le monde l’a vu dans la région. « Vous voulez un nom, en voilà-un ! », semble-t-il dire.
Des vélos aux grandes toiles
Cette phrase est en elle-même une œuvre d’art et une signature qui interpelle. Et puis, avec son collègue X.Braguette, ils ont collé des autocollants partout à Paris. Aujourd’hui, grâce à Catherine Guilbot, l’artiste expose en plein centre de Nîmes, derrière le musée des Beaux-arts au sein de l’ancienne fabrique de vélos Tendil située au 21 de la rue Ruffi.
L’entrepôt, à l’origine, était un site industriel désaffecté avant d’être reconverti en garage de quartier pour voitures. Les emplacements numérotés sont encore visibles au sol. Un lieu brut, de 600 m², aux plafonds impressionnants de métal et de bois, qui résonne parfaitement avec les grandes toiles suspendues d’un artiste comme Brantuas.
Ses toiles sont confectionnées à partir de matériaux de construction. Le châssis est fait de linteaux et de voliges assemblées. La toile, des tissus pour vêtements achetés sur les marchés. « Parce que tout simplement, tout ça, c'est défini par une contrainte qui est d'essayer de réduire les coûts au maximum afin de pouvoir peindre au maximum », confie l’artiste.
Habitec mécène
Née d'un père architecte et d'une mère diplômée des Beaux-Arts, la Nîmoise Karen Winkler a naturellement vu dans cet espace une potentialité artistique. Une première exposition, Figures de style, y est organisée en partenariat avec des artistes nîmois et l’IFC, une école de formation nîmoise. C’est à cette occasion que l’artiste Joris Brantuas découvre le lieu et propose rapidement une nouvelle exposition. Le bâtiment s’impose alors comme un espace temporaire dédié à la création, en attendant un futur projet immobilier.
Car ce site, idéalement situé à quelques dizaines de mètres des arènes bimillénaires romaines, accueillera une résidence d’environ 50 logements sur quatre étages, un projet en attente de purgation des recours juridiques. Mais en attendant le début du chantier, Karen Winkler met ces lieux à disposition des artistes, dans une démarche culturelle.
Né à Lille, Joris Brantuas a grandi à Alès avant de suivre l’école d’art à Nîmes, où il vit encore aujourd’hui. Mais pas de posture revendiquée : « Je n’ai pas envie qu’on me voie comme l’artiste du coin. Quand je regarde dans le miroir, je vois Joris. » Dans son parcours, l’art a fait irruption naturellement, sans projet de carrière, comme une évidence, une continuité de la liberté familiale. Un premier espace dans lequel il s’est réfugié.
Artiste libre, il cherche une sorte de finesse, un endroit où il pourra créer en étirant les règles, trouver où il va se positionner, son art et lui. « La liberté, je crois que comme le fou du roi à la cour. Ou l'enfant… Ce sont aussi des gens qui vont créer des surprises ou des courts-circuits. C'est-à-dire qu'un monde social est organisé par certaines règles et l'artiste va essayer de jouer avec ces règles. Et donc, d'un point de vue de l'organisation, il va toujours falloir un cadre et ces personnes-là vont toujours essayer de l'élargir », explique l’artiste.
L'art est un jeu
Trouver des interstices dans la ville et y glisser son art. « Je ne suis pas contre l'autorité. C'est juste que je joue comme un gamin. Alors oui, ce n'est pas complètement dans les clous d'un point de vue légal, mais cela a toujours existé. Le graffiti, c'est comme les mauvaises herbes dans une ville. Au début, c'est mal vu jusqu’à ce que ça fleurisse. »
Et il s’amuse beaucoup. Dans les années 2010, il est sorti de son atelier afin d’utiliser la performance comme moyen d’expression. « Je suis entré déguisé en bite ou en vagin dans des musées, que j'arrosais parfois de champagne. Je faisais la manche aussi. Et j'aimais bien trouver des choses. L'art, pour moi, c'est comme un jeu », sourit Joris. Un jour de tag, il s’est fait arrêter par la police, « j'ai pris 500 balles, je n'ai même pas couru », raconte le gardois.
Sous les grands châssis tendus de tissus bruts et colorés, l’exposition de Joris Brantuas s’ouvre comme une invitation à penser la peinture autrement. Pas comme un objet figé, mais comme un geste inscrit dans une histoire collective, urbaine, matérielle, voire existentielle. « L'art, pour moi, c'est comme un jeu. Ça, c'est très Fluxus. C'est comment je peux intégrer plein de choses de mon existence. Comment je peux prendre plein d'anecdotes de ma vie ou des choses qui se passent et l'intégrer dans une espèce de forme artistique », martèle l'artiste.
Car si la peinture reste son mode d’expression principal, il est aussi connu pour ses inscriptions dans l’espace public. « Joris Brantuas a fait ça », c'est la formule taguée ou autocollée, dans un geste hérité de Dürer : « C’est une phrase ouverte. Les gens ne comprennent pas forcément, mais ce n’est pas grave. Ce n’est pas de la communication », indique le graffeur.
Ce rapport libre à la signature, il le revendique comme un détournement joyeux : « Tu veux un nom ? Je t’en donne un. » Mais aussi comme une manière de rester indépendant, loin des dossiers, des institutions et des stratégies de visibilité. Joris Brantuas ne cherche ni la gloire, ni la reconnaissance. Il agit dans les marges, là où fleurissent les mauvaises herbes : sur les murs, dans les interstices, au dos des panneaux urbains. Il cherche l’amour et il sème… « On me demande souvent si c’est politique. Non. C’est juste une façon d’exister, un peu comme un enfant, un clown ou un fou. »
Plus d’infos sur l’artiste : ICI
INFORMATIONS PRATIQUES
Vernissage en présence de l’artiste : 23 rue Ruffi, Nîmes
Exposition ouverte du mardi 17 juin au dimanche 27 juillet 2025
Du vendredi au dimanche de 11h à 18h
Sur rendez-vous au 06 35 53 47 17
Entrée libre