FAIT DU JOUR Covid-19 : comment les relais routiers s'adaptent-ils ?
Depuis le 23 septembre et jusqu'au 7 octobre, les horaires d'ouverture des débits de boissons, restaurants et commerces alimentaires de tout le Gard sont limités de 6h à minuit. Mesure prise par la préfecture pour lutter contre la propagation du covid-19. Au relais routier Ô 64, sur la RD 6086, à Pouzilhac, cette restriction pose problème pour les chauffeurs les plus matinaux.
Pierre, Pierrot pour les intimes, est chauffeur routier depuis 17 ans pour une entreprise privée. Il lui arrive de s'arrêter au relais routier de Claudia Potier et de son mari, Georges Mallen, à Pouzilhac. Lundi soir, il a passé la nuit dans son camion garé sur leur grand parking. Il doit reprendre la route à 5h le lendemain. Petit hic : les nouvelles mesures préfectorales imposent au relais routier de n'ouvrir qu'à 6h. C'est donc sans avoir pu prendre sa douche, aller aux toilettes et se brosser les dents qu'il a redémarré son poids lourd. "Pas le choix ! je m'arrêterai à la prochaine station", lance-t-il en haussant les épaules.
Claudia Potier, la gérante du relais routier, se charge d'ouvrir le portail dès 5h pour permettre aux chauffeurs de sortir: "On n'est pas contre les règles mais il y a peut-être un manque de souplesse. Mais c'est tellement compliqué avec le covid déjà." Elle ajoute : "Si c'était l'été encore, ils pourraient se débarbouiller dehors mais là, on rentre dans l'hiver, il fait froid." Seuls les conducteurs partant à après 6h pourront profiter d'un petit-déjeuner et accéder aux sanitaires.
"Les chauffeurs sont compréhensifs mais ils se sentent encore pénalisés après le confinement", poursuit Claudia. Est-ce que ces mesures vont inciter ces hommes de la route à s'arrêter dans un département d'à côté pour bénéficier de tout le confort nécessaire le matin ? "Possible, avance la gérante. Ceux qui auront encore des kilomètres sur leur carte électronique iront au suivant."
Entre 50 et 70 chauffeurs s'arrêtent au Ô 64 chaque semaine
Ça l'embête d'autant qu'elle conçoit le routier comme un lieu "familial", où chacun doit profiter d'un certain confort même loin de la maison. À l'opposé des murs blancs et impersonnels, la salle à manger est garnie de symboles gardois allant du taureau à la croix camarguaise. Et même des photos des petits enfants ou encore de Claudia quand elle était invitée à l'Élysée au déjeuner des grands chef. "Parfois, je m'invite à table avec les chauffeurs et on blague. Chacun parle de sa région, c'est un voyage autour de la France", raconte la gérante, qui en 6 ans, a su fédérer ses habitués.
En moyenne, elle accueille entre 50 et 70 chauffeurs par semaine qui consomme sur place et dorment dans leur camion sur le parking. Tous les matins, Claudia se lève à 4h du matin pour préparer la journée et surtout le départ des routiers. "Au moins, avec ces mesures, je me lèverai une heure plus tard", plaisante-t-elle.
"Tant qu'ils n'imposent pas la fermeture à 22h au lieu de minuit, ça va, sinon ce serait catastrophique"
À Nîmes, au bord de l'autoroute A9, au centre routier Km Delta qui accueille une centaine de chauffeurs par soir, c'est le même problème : l'ouverture prévue à 5h30 du matin est repoussée à 6h depuis les nouvelles mesures préfectorales. "On perd 30 minutes d'ouverture. Il y en a qui retardent leur départ mais d'autres ne peuvent pas faire autrement", constate Sylvain Thirion, mari de la gérante, qui poursuit : "Tant qu'ils n'imposent pas la fermeture à 22h au lieu de minuit, ça va, sinon ce serait catastrophique."
Du côté de la Fédération nationale des transporteurs routiers (FNTR), il n'y a pas eu de remontées particulières de la part des chauffeurs. "Ça a toujours été un peu le cas quand on prend la route à 4-5h du matin. Rares sont les routiers qui ouvrent avant 6h", nuance Claude Roux, secrétaire régional de la FNTR et directeur technique d'une société de transport de Vénéjan.
Mais il comprend le sentiment de "rejet" des chauffeurs concernés : "Déjà au début du confinement, la FNTR était montée au créneau car les conducteurs ne pouvaient pas se restaurer, ni se laver, les bâtiments étaient fermés... On avait contacter les autoroutes Vinci et les stations. Tout est rentré dans l'ordre au bout d'une semaine." Reste à savoir si la mesure restrictive prise par la préfecture du Gard sera reconduite au-delà du 7 octobre.
Marie Meunier
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