Publié il y a 3 mois - Mise à jour le 31.08.2024 - Propos recueillis par François Desmeures - 6 min  - vu 1125 fois

MIALET Jean-Luc Gadreau : "L'Assemblée du Désert est une expérience à vivre"

Jean-Luc Gadreau, lors de l'Assemblée du Désert 2023

- François Desmeures

Voix des émissions protestantes sur France Culture et responsable éditorial de la Fédération protestante de France, Jean-Luc Gadreau rend compte en direct de l'Assemblée du Désert depuis sa prise de fonction en plein Covid, en 2020. Il revient, pour Objectif Gard, sur l'événement en lui-même qui se tiendra ce dimanche 1er septembre à partir de 10h30 à Mialet, la singularité du protestantisme cévenol et le dynamisme de sa religion à notre époque. 

Jean-Luc Gadreau ce samedi 31 août, au mas Soubeyran • François Desmeures

Objectif Gard : Comment devient-on responsable éditorial de la Fédération protestante de France ? 

Jean-Luc Gadreau : J'ai une double casquette : j'ai été pasteur en paroisse pendant plus de vingt ans. Mais ma première formation, c'est journaliste. Après le bac, j'ai fait une école qui formait aux métiers de radio, télé, etc. Puis, je suis devenu pasteur. Au moment où l'ancien responsable éditorial est décédé, d'autres personnes ont assuré le poste temporairement. Puis, la fédération est venue me chercher ayant connaissance aussi de cela, et ça tombait à un moment propice pour moi où j'allais arrêtrer d'être pasteur en paroisse pour travailler sur le développement et la communication pour la fédération baptiste. Le projet m'a beaucoup plu : à l'époque, on était déjà passé d'un culte radio à un temps de méditation biblique. Mais ça ne fonctionnait pas, l'audience était en train de baisser sérieusement, la relation avec France Culture était questionnée parce qu'ils souhaitaient qu'on fasse autre chose. Il y avait donc le projet de reprendre l'émission pour développer autre chose. Le défi m'a plu. 

Comme pasteur, où avez-vous exercé ?

Mon premier poste, c'était à Royan, en Charente-Maritime. Après, je l'ai été en région parisienne, sur Boulogne-Billancourt ; puis, un peu plus de dix ans à Poitiers. 

La foi protestante était une tradition familiale ?

Pour moi, oui, parce que je suis le petit dernier de ma famille de quatre. Entretemps, après la naissance de mon frère et avant la mienne, mes parents sont venus à la foi protestante. Ils n'étaient pas du tout chrétiens, il y a eu une démarche de conversion de leur part. Donc, moi, je suis né dans une famille protestante. Plus tard, mon père est devenu pasteur. Moi, je ne voulais pas le devenir ! Mais il y avait souvent des pasteurs qui passaient à la maison aussi, qui me disaient "toi, tu deviendras pasteur aussi"... Ça s'est fait dans un deuxième temps où j'ai vraiment senti un appel, quelque chose en moi qui m'a fait aller dans ce sens. 

Jean-Luc Gadreau, lors de l'Assemblée du Désert 2023 • François Desmeures

En dehors de l'animation du dimanche sur France Culture, quelles sont vos activités à l'année ?

J'ai une délégation dans le monde de la culture pour la fédération protestante. J'ai aussi, dans ma vie, pas mal d'engagement artistique : je suis musicien, j'ai joué dans beaucoup de groupes de musique, j'ai écrit plusieurs bouquins, ainsi que le cinéma, depuis 2012, où j'ai intégré les jurys oecuméniques du cinéma. Aujourd'hui, je suis président de l'association qui gère ça en France. Je coordonne, pour les protestants, l'organisation du festival de Cannes au jury oecuménique. Au mois d'octobre, je serai juré au festival de Varsovie, etc. Et j'écris toutes les semaines sur les sorties de film, en essayant de jeter un regard "protestant", humaniste, en repérant les films où il existe des questionnements. Et puis, je sors un bouquin de cuisine le 4 octobre, À table avec la bible : je reprends les livres de la Bible et, à chaque fois, je propose une recette en lien avec une émotion subjective - la mienne - face à ce livre. Je mets en parallèle une recette de cuisine qui déclenche le même type d'émotion et d'état d'âme. Avec un meilleur ouvrier de France fromager et un vice-champion d'Europe de pâtisserie et meilleur apprenti de France pour les gâteaux, et un expert vin. 

Vous qui avez une vision nationale de la foi protestante, quel regard portent les autres obédiences protestantes sur les Cévennes ? L'histoire singulière, qui fait la fierté d'ici, n'est peut-être pas perçue de la même manière ailleurs...

Je ne suis pas sûr, effectivement, qu'elle soit perçue par tout le monde. Il y a, parfois, une méconnaissance historique un peu triste, à mon avis. C'est un de mes "dadas" de parler de ce lieu, du Musée du Désert, de l'assemblée, notamment à des jeunes ou à ceux qui n'en ont pas connaissance. Pour ceux qui savent cette histoire, il y a un côté touchant et marquant. Moi, je suis Charentais, où l'histoire protestante est très forte et marquée, aussi, par des pasteurs ou des hommes venus d'ici. J'ai été pasteur à Royan, dans une maison de prières qui doit être une des seules à subsister au sein du protestantisme. Ce sont des lieux qui avaient été construits par les frères Gibert, qui venaient des Cévennes pour partager la "bonne nouvelle" notamment dans la Charente-Maritime. La Charente a d'ailleurs aussi été un lieu de Désert, ça me touche beaucoup. Dans le Musée du Désert, dans le mur des Galériens, il y a un "Gadereau", qui semble-t-il est un parent très éloigné. Et beaucoup de gens, du côté de mon père, sont partis au Canada, aux États-Unis, etc. 

La foi cévenole est-elle singulière ? 

Je pense que l'attachement à l'histoire est très fort ici. Peut-être qu'une dimension culturelle s'ajoute à la foi, plus fortement qu'ailleurs. C'est mon regard et ce que je ressens en discutant avec des gens d'ici. L'ancrage est très fort et il existe une forme de fierté à faire partie de cette histoire. Qui est belle, d'ailleurs, même s'il ne faut pas en rester là. Ça forge une façon de vivre qui dépasse le cadre de la foi. 

"Il y a un côté très émouvant pour un protestant d'être ici, au coeur de son histoire"

Votre première assemblée du Désert ? 

Je la connaissais en tant que pasteur mais je n'y étais jamais venu. En plus, je viens plutôt d'une culture évangélique, par mon père au départ. Puis, j'ai été pasteur baptiste. Bien qu'ils soient aussi dans cet ancrage historique, je n'avais jamais eu l'occasion de venir. C'est en prenant le poste que je suis venu pour la première fois. Et maintenant, j'en emmène d'autres parce que je trouve que c'est un endroit vraiment à visiter. L'Assemblée est une expérience à vivre. 

Votre première édition, en 2020, était donc sans public... 

C'éatit effectivement très particulier, une première expérience sans qu'il n'y ait personne. C'est bizarre. 

Jean-Luc Gadreau profite du culte pour s'entretenir avec une partie des intervenants de l'Assemblée • François Desmeures

L'Assemblée reste très vivace ici. Quel regard portent les autres régions protestantes sur l'événement ?

Il y a un côté très émouvant pour un protestant d'être ici, au coeur de son histoire. Ma seule tristesse ou déception autour de ça, je trouve que, tout en gardant l'aspect historique, qui est essentiel, il faudrait arriver aussi à fédérer et impliquer des jeunes dans l'organisation, pour que la transmission puisse vraiment se faire. C'est l'impression que j'ai. Il y a déjà beaucoup moins de monde qu'avant - le Covid n'a pas aidé - mais il faut absolument que ça demeure. 

De la part des auditeurs des émissions protestantes de France Culture, l'Assemblée du Désert est-il un moment attendu ?

Par les protestants, oui, très clairement. Dans la grille de rentrée de France Culture, l'événement est ancré. De la part des auditeurs hors protestantisme, je ne saurais pas dire. Mais on essaie d'en parler... Et puis, les auditeurs de Solae (*) sont extrêmement larges, c'est l'ensemble des auditeurs de France Culture. Je vois constamment des retours de personnes qui ne sont absolument pas liées au protestantisme, ni même parfois à la religion. Mon envie n'est pas de parler aux protestants, même si ça en fait partie, c'est de rejoindre le plus de monde possible et amener quelque chose lié à la foi protestante. 

Existe-t-il des équivalents à l'Assemblée du Désert ailleurs en France ?

L'équivalent auquel je pense, d'une certaine façon, ce serait plutôt dans le nord de l'Italie, avec les Vaudois et l'alliance vaudoise. D'ailleurs, on trouve des musées protestants qui travaillent avec celui d'ici, et des commémorations en exétrieur. En France, je ne crois pas. Il existe de grands rassemblements et de grandes conventions dans le milieu évangélique, mais qui n'ont pas cette teneur historique. 

Pensez-vous que la religion protestante conserve cette image plus "maléable", plus facile à adapter aux transformations de son temps ?

Je le crois. Notre lien à la société est une forme d'ouverture. Même s'il y a beaucoup de débats internes, des guerres internes, des courants différents, etc. Mais globalement, il y a un intérêt pour la culture, au sens large du terme, et une forme d'ouverture, d'adaptation. Ça se voit un peu partout. Moi, à travers le courant baptiste, je me rattache à des gens comme Luther King, qui ont marqué leur temps non pas en se repliant sur eux-mêmes mais, justement, en s'impliquant dans la société. À l'Assemblée du Désert, on est dans une célébration ultra-codifiée, ses hymnes, ses psaumes, etc. Parce que c'est lié à l'événement. Mais il est très chouette de voir, dans le protestantisme, dans la forme, les évolutions. Notamment ce qui est lié au courant évangélique ou par les apports culturels liés à la migration.  

(*) le nom du rendez-vous protestant du dimanche matin sur France Culture

Propos recueillis par François Desmeures

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