Publié il y a 3 ans - Mise à jour le 08.12.2020 - corentin-migoule - 3 min  - vu 578 fois

SAINT-CHRISTOL-LÈS-ALÈS Les élèves du lycée Prévert sensibilisés par un dessinateur engagé

Fabrice Erre, qui a travaillé pour Spirou, anime le blog "Une année au lycée" sur le site web du journal Le Monde. (Photo Corentin Migoule)

Dans le cadre de la semaine de la laïcité, l’établissement Saint-Christolen a accueilli Fabrice Erre, lui-même professeur d’histoire-géographie, en disponibilité d’au moins un an pour se consacrer à sa deuxième passion : la bande dessinée.

L’auteur, qui est aussi un dessinateur hors-pair, a donné une conférence à une centaine d’élèves ce mardi. Une sensibilisation sur la liberté d’expression, le pouvoir de la satire et les dangers du complotisme était notamment au programme.

« Y a-t-il un sujet que vous vous refusez de traiter ? » La question en provenance d’un jeune membre de l’assistance était au cœur des débats ce mardi matin au lycée Jacques-Prévert de Saint-Christol-lès-Alès. « J’ai une démarche un peu différente de celle de Charlie Hebdo car à la différence des dessinateurs de presse, le dessinateur de BD a un regard plus humoristique, sur des sujets plus légers qui ne visent pas forcément à défendre une cause. Donc non je m’interdis rien, mais j’évite de m’engager sur des sujets pour lesquels je ne suis pas totalement sûr de mes convictions », rétorquait précautionneusement Fabrice Erre.

Ce temps d’échanges entre les élèves de l’établissement Saint-Christolen et l’auteur-dessinateur intervenait à la suite d’une conférence menée par le dernier cité, conjointement organisée par Yvan Tournier et Franck Martinez, deux professeurs du lycée Prévert. Ainsi, installés dans la spacieuse salle polyvalente de l’établissement, plus de cents lycéens toutes classes confondues, répartis en deux groupes afin d’être en adéquation avec le protocole sanitaire, ont tour à tour été sensibilisés sur des sujets sociétaux majeurs tels que la liberté d’expression ou les dangers des très en vogues théories du complot.

Et le conférencier du jour connaissait son sujet puisque cet hyper-productif a scénarisé la bande-dessinée intitulée Le Pouvoir de la satire, parue en 2018, et s’est récemment intéressé de près aux dérives conspirationnistes en livrant le 2 octobre dernier avec Jorge Berstein, Les Complotistes : tout s’explique, même n’importe comment. Dans ce dernier ouvrage dont l’écriture s’est achevée en mai 2020, le duo aborde la notion d’épidémie sans nommer le coronavirus sur lequel il « n’avait pas encore assez d’éléments pour être suffisamment précis. »

En temps de crise, le complotisme gagne du terrain

Face à des élèves particulièrement attentifs et dont il a retranscrit les habitudes comportementales dans l’album Une Année au lycée : guide de survie en milieu lycéen, ce professeur d’histoire-géographie, qui s’est octroyé une année de disponibilité pour se consacrer pleinement à son deuxième métier, voyait dans le complotisme « une entrée alternative pour la jeunesse vers l’information. » C’est ainsi qu’il met en exergue, avec Jorge Berstein, son caractère dangereux en racontant l’histoire d’un prof complotiste qui apprend à un élève à le devenir.

Fabrice Erre, après avoir donné des exemples d’événements propices à l’émergence de théories complotistes, a rappelé l’antériorité du phénomène qui s’est établi au XIXe siècle, prêtant alors à la franc-maçonnerie une influence déterminante dans le déclenchement du processus révolutionnaire. Le scénariste de BD, qui collabore avec le quotidien Le Monde, hébergeur de sa série Une Année au lycée, a également pris soin de détailler son processus créatif, celui de l’élaboration d’une planche de BD qui débute par « un transfert de ce qu’on a dans la tête vers la retranscription des gags à l’encre de Chine avant qu’ils ne soient informatisés. »

Autoportrait réalisé en quelques minutes par Fabrice Erre. (Photo Corentin Migoule)

Parce que l’humour est le domaine dans lequel il « se sent le plus à l’aise », le dessinateur s’est épanché sur le pouvoir de la satire, processus notamment usité au début du siècle dernier, lors de débats ayant débouché sur le vote, le 9 décembre 1905, de la loi de séparation des Églises et de l'État. « Si on enlève un petit morceau de la liberté d’expression, ne risque-t-on pas de l’amoindrir de façon irrémédiable ? », interrogeait par ailleurs Fabrice Erre.

« En théorie, on peut parler et rire de tout. Il existe selon moi un espace no-limit de la liberté d’expression », réagissait-il au moment de projeter à l’écran un dessin issu de son dernier album. Et d’ajouter prudemment : « Mais on établit des frontières à cet espace car on a besoin de limiter cette liberté d’expression. Ne serait-ce que pour ne pas empiéter sur celle des autres. »

Avant de conclure son intervention, l’auteur faisait parler son admirable coup de crayon (de feutre en l’occurrence) pour réaliser, en moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire, un autoportrait qu’il s’empressait d’offrir aux élèves d’une classe de Première STMG (*).

Corentin Migoule

* Sciences et technologies du management et de la gestion.

Corentin Migoule

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