Publié il y a 2 ans - Mise à jour le 24.06.2022 - marie-meunier - 4 min  - vu 1692 fois

TAVEL Maguy Roudil, viticultrice touchée par la grêle : "Il fallait de l'eau, pas des glaçons"

Plusieurs souches ont fait ce qu'on appelle une apoplexie foudroyante dans les terres de Maguy Roudil. Phénomène qui n'arrive normalement qu'en juillet-août. (Marie Meunier / Objectif Gard)

Dans la nuit de jeudi à vendredi, de forts cumuls de pluie étaient annoncés sur le Gard. À Tavel, il n'est finalement tombé qu'un millimètre de précipitation. Par contre, un violent épisode de grêle de 10 minutes a traversé une partie du Gard rhodanien, vers 11h aujourd'hui. Au grand désarroi de Maguy Roudil, viticultrice depuis 34 ans, qui exploite 14,5 hectares de terres sur le vignoble du premier rosé de France.

"Il fallait de l'eau, pas des glaçons", soupire-t-elle. Il y a encore deux jours, la viticultrice s'inquiétait fortement pour ses vignes, très impactées par la sécheresse. Ses parcelles ont encore pris un coup ce matin après l'épisode de grêle : "100% de l'appellation Tavel est touchée. À des endroits, il n'y a plus de feuilles, les grains sont éclatés. Il y a entre 30 et 80% de pertes." Depuis l'épisode météorologique, la viticultrice enchaîne les déclarations à son assurance, à la chambre d'agriculture et à la cave coopérative. "Il ne manquerait plus qu'une invasion de sauterelles et on aura tout eu", enrage-t-elle. Ça se comprend, en dix minutes, elle a perdu une grosse partie de sa récolte et un an de travail.

Les grappes de Maguy Roudil touchées par la grêle : des raisins ont éclaté. (photo Maguy Roudil)

"Paysans, esclaves du temps, tonne souvent Maguy. Nous les agriculteurs, nous sommes les premiers à voir le climat qui change." Il faudra attendre encore deux jours pour évaluer la totalité des dégâts. La viticultrice espère qu'il n'y aura pas de vent pour pouvoir traiter et ainsi sauver ce qui peut l'être, "sinon, c'est comme une blessure ouverte, ça risque de s'infecter". Déjà en juin 2020, un fort orage de grêle s'était abattu sur la commune voisine de Lirac et avait provoqué de gros dégâts dans les vignobles.

Une mortalité grandissante des souches

Grêle, sécheresse... Le dérèglement climatique et les épisodes météorologiques extrêmes sont de plus en plus fréquents. Chaque saison, il faut s'adapter. Si 2021 a été une année exceptionnelle pour le raisin, 2022 s'annonçait déjà compliquée. "Alors qu'entre janvier et juin 2021, il était déjà tombé 223 millimètres de pluie, sur la même période en 2022, on ne compte que 117 millimètres", déplore la viticultrice. Sur les six premiers mois de 2020, c'était 134 millimètres et Maguy s'était retrouvée avec 30% de récolte en moins. Et il n'y avait pas eu de grêle...

De nombreuses feuilles sont jaunies à cause du manque d'eau et la chaleur. (Marie Meunier / Objectif Gard)

Avant cet orage, la situation était déjà compliquée. Les pluies d'hiver, particulièrement importantes, n'ont pas été suffisantes fin 2021-début 2022. Il n'y a pas eu de pluies de printemps non plus. Conséquence ? Beaucoup de plants présentent des feuilles jaunies. Les apex (extrémités des rameaux, ndlr) ralentissent leur croissance, alors que le phénomène n'arrive qu'en août normalement. Pire, certains pieds de vigne ont déjà fait ce qu'on appelle une apoplexie foudroyante, phénomène qui ne se produit qu'en juillet-août également. "C'est comme une crise cardiaque. En un ou deux jours, la souche jaunit puis sèche. Les raisins déjà présents sont vidés de leur jus et sont comme brûlés ainsi que le feuillage", montre Maguy, déplorant une mortalité grandissante des souches.

Une dérogation exceptionnelle pour irriguer les vignes

Le manque d'eau attire déjà les sangliers qui viennent chercher des raisins, "alors que d'habitude, ils attendent au moins qu'ils soient mûrs", déplore la viticultrice tavelloise. En temps normal, il est interdit d'irriguer les 900 hectares de l'appellation Tavel. Une dérogation exceptionnelle a été accordée pour éviter le stress hydrique de la vigne et de trop grosses pertes à la prochaine vendange. Encore faut-il être équipé d'un système d'irrigation, ce qui n'est pas le cas de Maguy, qui songe sérieusement à l'installer.

"Le climat change. Nous les agriculteurs, nous sommes les premiers à le voir", indique Maguy Roudil. (Marie Meunier / Objectif Gard)

Jusqu'à cet épisode de grêle, la viticultrice jonglait pour tenter de limiter les dégâts liés à la sécheresse. Elle taillait peu, laissant un certain nombre de feuilles afin de préserver les grappes du soleil. Elle tombait certains raisins pour que les jeunes plants survivent. Elle laisse enherbé pour garder l'humidité mais pas trop longtemps pour que l'herbe ne soit pas en concurrence avec les vignes : "C'est une saison compliquée, très technique", avoue-t-elle. Beaucoup de ses efforts ont été ruinés en quelques minutes ce vendredi matin.

Reste à espérer qu'il pleuve davantage pour que les vignes épargnées donnent quelque chose. Par manque d'eau et à cause de la chaleur, les plants peuvent couper l'alimentation en eau aux raisins pour elle-même survivre. "Les grains deviennent de plus en plus petits, on se retrouve avec moins de volume, donc moins de récolte et tout est concentré. Comme quand on met du sel dans un verre d'eau et qu'une grande partie s'évapore", explique Maguy Roudil.

La situation n'est pas idéale économiquement, car les viticulteurs en cave coopérative sont payés au kilo. Et cela peut aussi impacter la qualité du vin : "On ne peut pas se permettre de produire des vins durs. Il faut qu'ils soient frais en utilisant uniquement les neuf cépages et les trois terroirs de l'appellation", conclut-elle. Reste à savoir ce qu'il en est chez les autres viticulteurs de l'appellation...

Marie Meunier

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