Née en 1941 dans la Pologne d’aujourd’hui, alors sous le Reich nazi, Lena Vandrey a passé la majeure partie de sa vie en France. « Elle a tourné le dos à l’Allemagne à ses 18 ans, lors de l’hiver 1959/1960, pour une première décennie d’exil parisien, relate sa compagne Mina Noubadji-Huttenlocher. Puis elle a découvert les hauts-plateaux désertiques du Gard. » C’est dans notre département, entre Lussan et Barjac, puis à Bourg-Saint-Andéol, en Ardèche toute proche, que Lena Vandrey « a trouvé la lumière », affirme Mina Noubadji-Huttenlocher.
Tout au long de sa vie, son œuvre a été marquée par « l’obsession de la reconstruction et de la réhabilitation », explique-t-elle. Autodidacte, profondément libre, Lena Vandrey utilise toutes sortes de matériaux et de techniques pour composer une œuvre engagée, faussement naïve, ou d’une naïveté blessée, perdue, où les anges, les Amazones ou encore la Shoah reviennent comme des motifs. Aussi mannequin, poétesse, elle participe aux mouvements féministes de son époque pour redonner une place aux femmes dans l’histoire à travers son art, né pour une grande partie en France et dans notre région, où elle a vécu jusqu’à sa mort il y a sept ans.
« Il y a une force et une intensité remarquables dans le travail de Lena Vandrey », souligne la conservatrice départementale Lucienne Del’Furia, qui y perçoit « l’émotion, la fragilité, la beauté plastique ». Un art qui laisse entrevoir « l’engagement de cette femme et sa profonde humanité », rajoute-t-elle. Sa générosité aussi, à travers celle de Mina Noubadji-Huttenlocher, qui a multiplié ces dernières années les donations de la prolifique œuvre de l'artiste dans plusieurs musées du Sud de la France, la dernière, de 55 oeuvres, cette année au musée de Bagnols. C’est une partie de cette donation, et des oeuvres du fonds départemental, qui sont exposées au musée Albert-André.
« Cette donation n’a rien d’extraordinaire, j’ai voulu répondre au vœu de Lena qui souhaitait que son œuvre restât en France, le pays qui a accueilli son exil », affirme Mina Noubadji-Huttenlocher. D’autant plus dans un musée comme celui de Bagnols qui, « depuis sa création en 1954, vise à rendre l’art accessible à tous », rappelle l’adjointe au maire Michèle Fond-Thurial.
Cette exposition, qui clôt le cycle art brut tenu en 2025 dans les trois musées de la Conservation départementale, sera visible jusqu’à février 2027. « Elle inaugure aussi la nouvelle salle d’exposition temporaire du musée Albert-André, qui accueillera des expositions annuelles, et un nouveau parcours semi-permanent, mis en place pour quatre ans, pour montrer le plus d’œuvres possibles », précise Lucienne Del’Furia. L’exposition Lena Vandrey est donc aussi une formidable occasion de (re)découvrir les trésors du musée de Bagnols, signés Matisse, Marquet ou encore Van Dongen.