Publié il y a 29 jours - Mise à jour le 03.11.2024 - Propos recueillis par Thierry Allard - 5 min  - vu 351 fois

L’INTERVIEW Didier Gustin : « "Johnny, libre dans ma tête", c’est un film, mais au théâtre »

Didier Gustin

- Pauline Brooks

L’imitateur et acteur Didier Gustin, qui habite dans l’Uzège depuis quelques années, ouvre la quatrième édition des Toqués du Rire ce mercredi 6 novembre à l’Ombrière d’Uzès avec son spectacle « Johnny, libre dans ma tête ».

Un spectacle sur Johnny Hallyday mis en scène par Éric Bouvron, où imitation, comédie et chanson s’entremêlent. Interview.

Objectif Gard : Pour commencer, revenons sur la genèse de ce spectacle, d’un côté fan de Johnny au point de vouloir le faire revivre ?

Didier Gustin : En fait, je suis un peu comme tout le monde, ma vie a été constellée de chansons de Johnny de mon enfance jusqu’à sa mort et encore aujourd’hui. J’ai trouvé que quand il est mort, il y a eu un hommage national, mais que l’hommage des médias était un peu léger pour une star comme lui. Donc je me suis dit que si je ne pouvais pas faire une émission de télé, je pouvais faire un spectacle, et j’ai trouvé l’idée d’un Johnny qui ne veut pas mourir, et qui vient dans ma tête pour monter un spectacle avec tous ses copains. J’en ai parlé à Éric Bouvron, qui est un copain de longue date, metteur en scène qui a eu plusieurs Molière. On vient de deux univers très différents, lui dans un côté culturel, et moi plus d’un côté has been. Il est venu à la maison, et on a mis un an et demi à écrire le spectacle.

Vous avez dit le mot, has been, vous en jouez pas mal de ce côté-là. Est-ce qu’en faisant revivre Johnny, vous vous faites revivre vous, en tout cas votre carrière ?

J’ai lu une phrase dans un journal, que je reprends, qui disait qu’avec ce spectacle, on se ressuscite l’un l’autre. Didier Gustin ressuscite Johnny, et inversement.

Johnny a été beaucoup imité, pas que par vous, au point que parfois on a le sentiment qu’on imite un imitateur en train d’imiter Johnny. Comment on aborde cette imitation en 2024 ? On la renouvelle ?

Non, on l’imite comme on l’imitait avant. Ce qui est rigolo aujourd’hui, c’est de l’imiter tel qu’il était : un mec blagueur, super gentil, généreux.

Vous l’avez connu ?

Pas du tout, je l’ai juste rencontré une fois. Mais quand on a monté ce spectacle, je me suis jeté sur les biographies, lu les articles, écouté les interviews de lui et d’autres qui parlaient de lui, et à chaque fois qu’on creusait, on ne trouvait que du bon, ou des anecdotes incroyables. Il ne fallait pas lui dire : « tiens, tu as une belle moto », sinon il te la donnait. C’était quelqu’un d’ultra généreux.

Il y a quand même un aspect performance dans ce spectacle.

Oui, mais ce n’est pas le sujet. Le sujet, c’est l’histoire de ce road-movie entre Johnny et moi. C’est l’histoire, les musiciens, et l’imitation qui vient appuyer le propos. En ce sens-là, il y a une performance dans le spectacle, le spectacle n’est pas une performance en soi.

« On est sur un espèce d’ovni, à mi-chemin entre le concert, le théâtre, la comédie musicale »

Plus largement, comment on aborde un spectacle d’imitation à l’heure des stand-ups ? On en voit moins qu’avant, les imitateurs ont moins la cote.

Complètement. La formule que j’utilise dans ce spectacle, c’est raconter une vraie histoire d’amitié, qui fait 1h40. D’ailleurs, souvent les spectateurs me disent : « on a adoré votre film… euh votre spectacle ». C’est la façon dont c’est mis en scène, Éric Bouvron met en scène de façon à faire travailler l’imaginaire du public, et quand on sort, on ne sait pas si on a vu un film ou une pièce. On n’est plus au théâtre français, on est plus proche de Caubère que du stand-up. Le stand-up est tellement loin de ça, c’est : je monte sur scène, je prend un micro et je raconte des vannes, sans histoire. La tendance a l’air de bouger, on voit Arthus, qui fait un carton énorme, avec du stand-up où il y a quand même des sketchs dedans. Je pense que le stand-up c’est très bien, mais ça ne montre pas les qualités d’un comédien, ça montre juste qu’il est drôle. Le rire c’est sympa mais ça ne dure pas, ce n’est pas une émotion. Ce que les gens aiment c’est être bousculés, touchés, il faut qu’il y ait une vraie histoire derrière.

Qu’il y ait du fond.

C’est ça, et que le fond soit bon. Ce qu’on a voulu faire, c’est un film, mais au théâtre. Alors il y a de la musique, avec des musiciens qui jouent aussi la comédie. On est sur un espèce d’ovni, à mi-chemin entre le concert, le théâtre, la comédie musicale.

Le spectacle "Johnny, libre dans ma tête" ouvre les 4e Toqués du rire, ce marcredi à Uzès • Pauline Brooks

Ce spectacle tourne déjà, vous avez déjà des retours positifs ?

On n’a que des retours positifs, même des bikers, le groupe de motards que Johnny avait fondé avec son garde du corps. Ils sont 15 000 en France, le patron, Joe, est venu avec le plus grand collectionneur de Johnny de France, et ils ont adoré le spectacle, et depuis ils en font la pub.

C’est une validation.

Oui, c’est une validation, et ce qui est intéressant aussi, c’est de voir le public de Versailles, venu aux écuries de Bartabas dans le cadre du mois de Molière, des gens venus uniquement pour du théâtre, on a joué deux fois et le public était en délire à la fin. C’est un spectacle pour toutes les générations, et qu’on aime Johnny ou pas, qu’on le connaisse ou pas ça ne change rien puisqu’il y a une histoire, on raconte quelque chose.

« Un has been, c’est un artiste entre deux succès »

Vous allez jouer à domicile, à quelques kilomètres de chez vous, c’est un sentiment particulier ?

Je suis content, Lara Mauger (l’organisatrice des Toqués du rire, NDLR) me fait une fleur en m’invitant au festival. J’avais envie de jouer dans cette salle, mais c’est compliqué. Mais grâce à elle et au maire, je joue enfin à l’Ombrière. C’est une satisfaction de pouvoir jouer dans de bonnes conditions, enfin à domicile.

Ce spectacle va tourner sur Paris en janvier au théâtre de Passy. Et Avignon ?

Oui on a le projet, on est dessus. Les dates commencent à venir. Comme ça faisait longtemps que je n’étais pas venu, c’est le côté has been, il faut presque prouver à nouveau que c’est bien. Les gens peuvent ce dire : « lui, c’est un vieux machin qui va chanter du Johnny, laisse tomber », et quand ils viennent ils se disent que c’est formidable, donc le bouche-à-oreille se fait gentiment. Ça fait boule de neige tranquillement, on en est à une bonne quarantaine de dates de prévues, et je pense qu’on va le jouer pendant trois ou quatre ans.

Vous allez finir par ne plus être un has been alors ?

J’ai une formule, je dis qu’un has been, c’est un artiste entre deux succès. Johnny a été has been, dans sa carrière il y a des moments où il s’est cherché, et puis il est revenu avec un autre album, et c’est valable pour beaucoup. C’est ce qui est formidable dans ce métier, c’est que du jour au lendemain, vous pouvez changer de carrière, car soit vous avez créé quelque chose, soit quelqu’un pense à vous, et c’est reparti. C’est pour ça qu’il faut se méfier des has been, car souvent ce sont ceux qui vont compter demain.

« Johnny, libre dans ma tête », par Didier Gustin, mise en scène Éric Bouvron, le mercredi 6 novembre à 20h30 à l’Ombrière d’Uzès. Billetterie ici.

Propos recueillis par Thierry Allard

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