Publié il y a 1 an - Mise à jour le 11.04.2023 - Corentin Migoule - 4 min  - vu 4555 fois

ALÈS Embaucher un mécanicien est-il devenu mission impossible ?

centre auto Roady

Au centre auto Roady Alès, l'outillage des mécaniciens a été remplacé lorsque les locaux ont été rénovés.

- Corentin Migoule

À Alès, le jeune directeur commercial d'un centre auto fait face à des difficultés de recrutement de mécaniciens qui freine le développement de son activité économique. Il craint qu'il en soit de même pour bon nombre de ses confrères.

À chaque fois qu'un client s'approche de l'entrée du magasin, l'affiche placardée sur les portes automatiques coulissantes se laisse entrevoir sans mal. Et elle est sans équivoque. "Nous recrutons un mécanicien", peut-on lire sur cette feuille blanche affublée du logo du centre auto Roady. Basé au centre commercial Les Allemandes, avenue d'Alsace, à Alès, le centre a été repris il y a un peu plus d'un an par Tony Diat et son associé alors qu'il était au bord de la rupture.

"On a conservé la totalité des emplois et on a même embauché une alternante", se réjouit le dernier nommé, qui a contribué à remettre à neuf le local à la faveur d'un lourd investissement de plusieurs centaines de milliers d'euros. Depuis, les clients sont au rendez-vous et le centre auto s'est même taillé une jolie réputation. En pleine expansion, voilà que l'activité de l'entreprise alésienne est freinée par un facteur limitant : le recrutement "impossible" de nouveaux mécaniciens. 

centre auto Roady
Au centre auto Roady Alès, l'outillage des mécaniciens a été remplacé lorsque les locaux ont été rénovés. • Corentin Migoule

"On a le sentiment que c'est impossible de trouver de la main d'œuvre sur Alès", se désole Tony Diat, qui n'était pas sujet aux mêmes difficultés dans le centre héraultais qu'il gérait précédemment. Actuellement, le centre auto alésien Roady emploie sept personnes entre le magasin et l'atelier de réparation de véhicules. Deux mécaniciens travaillent à plein temps, un autre, âgé d'une cinquantaine d'années bien tassée, est en cours de requalification et passe la moitié de son temps de travail au magasin.

"Idéalement, il m'en faudrait deux de plus avant l'été", précise le directeur commercial, dont la première campagne de recrutement, lancée il y a plus d'un an, est restée vaine. En effet, sur son bureau, la pile de CV reçus au cours de l'année écoulée n'est pas très haute et se résume à une petite dizaine de candidatures. "Le peu de CV qu'on reçoit, ce sont des personnes qui n'ont jamais fait de mécanique, ou alors simplement le week-end à la maison", déplore Tony Diat.

tony diat
Tony Diat, 33 ans, souhaiterait développer le centre auto Roady Alès mais n'y parvient pas par manque de main d'oeuvre qualifiée.  • Corentin Migoule

Au milieu des quelques CV, plusieurs demandes de stage en inadéquation avec l'offre, des carrossiers, ou encore "un intérimaire qui voulait 2 000 € net sinon il ne se présentait pas à l'entretien". Les meilleurs profils, rares à en croire le trentenaire, ont été reçus mais "n'ont pas donné suite à l'issue de l'entretien" ou ont simplement fait "tamponner leur papier Pôle emploi pour percevoir le chômage"

En plus des plateformes traditionnelles telles qu'Indeed, Pôle emploi et Smart recruiters, le centre auto a pourtant eu recours aux réseaux sociaux via des annonces monétisées sur Facebook, toujours sans succès. "J'ai l'impression que beaucoup de gens ne veulent plus travailler", s'exaspère le directeur commercial, qui en est presque à regretter d'avoir investi dans la capitale des Cévennes. 

Pôle emploi
Les offres dans le secteur de la mécanique auto ne manquent pas sur le site Pôle emploi. • Capture d'écran Pôle emploi

À l'entendre, le cas de Roady ne serait pas isolé. Plusieurs confrères seraient dans le même cas. Récentes ou plus anciennes, les offres d'emploi au poste de mécanicien s'affichent en effet par dizaines sur Indeed et Pôle emploi notamment. "Ceux qui arrivent à trouver ont recours au débauchage", prévient Tony Diat, qui y a lui-même songé avant d'y renoncer par principe. 

D'après l'enquête Besoin de main d’œuvre 2022 publiée par Pôle Emploi, le métier de mécanicien automobile fait partie des dix professions où le taux de difficulté à recruter est le plus élevé. Et le bassin alésien n'échappe pas au phénomène, en dépit d'une offre de formations qui semble être au rendez-vous, puisque se former à la mécanique automobile, du CAP au BTS en passant par le Bac Pro, est une possibilité offerte par plusieurs établissements scolaires alésiens, dont JBD, La Salle et le Purple Campus. 

Mais où passent donc ces jeunes une fois formés ? Pas chez Roady Alès visiblement, bien que la voie de l'alternance soit également plébiscitée par le directeur commercial. À mesure que le temps passe, le dernier nommé abaisse ses critères d'exigence. Car l'impossibilité de recruter pourrait mettre en péril l'équilibre de l'atelier de réparation. "S'il y en a un qui tombe malade ou qui part en vacances, je dois négocier avec l'autre pour qu'il ne prenne pas ses jours de repos habituels. Ça tire sur la corde", analyse celui qui a fait ses armes dans la grande distribution.

"On arrive à une phase où on stagne"

Pour mener à bien son opération recrutement, le centre auto devra se montrer sous son meilleur profil. Ainsi, le salaire du prochain mécanicien de Roady, déterminé en fonction des compétences et de l'expérience, sera "forcément au-dessus du Smic", complété par "des primes" et "la possibilité d'acheter n'importe quoi au magasin à prix coûtant". Autrement dit, s'il reconnaît une forme de "pénibilité" qui peut en partie expliquer la désaffection du métier, "ce n'est pas le bagne", jure Tony Diat.

"Je suis là depuis 30 ans et je peux vous dire que les conditions de travail ne sont pas désagréables", atteste d'ailleurs spontanément une secrétaire comptable le jour de notre visite. Remise à flot, l'enseigne du groupement Les Mousquetaires aimerait maintenant poursuivre son développement. "On arrive à une phase où on stagne. Ça fait râler d'investir, de s'imaginer qu'on va casser la baraque et de ne pas pouvoir par manque de main d'œuvre", s'agace Tony Diat, qui se demande s'il ne va pas mettre les mains dans le cambouis et "faire de la mécanique". Il faudrait alors lui trouver un remplaçant au poste de directeur commercial..

Corentin Migoule

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