SAINT-FÉLIX-DE-PALLIÈRES / THOIRAS Mine de la Vieille montagne : la cour administrative d'appel de Toulouse rend bien Umicore responsable des déchets
La cour administrative d'appel de Toulouse ordonne l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nîmes qui déplaçait, des communes vers l'État, le traitement de la pollution restante. Mais elle dit aussi que la société exploitante, Umicore, ne peut s'en déresponsabiliser en dehors du confinement réalisé sur la digue à déchets inertes.
En clair, si l'État a bien signé un quitus à Umicore - pour une remise du site dans des conditions qu'il a jugées acceptables - il ne peut, comme l'indiquait le tribunal nîmois, être considéré comme seul responsable de la pollution grâce à ce quitus. Alors qu'il se tenait chaque six mois, le Comité de suivi et d'information, mis en place par le préfet Lauga, n'a plus été convoqué depuis plus d'un an. Et ce alors qu'un projet de SIS (secteur d'information sur les sol) vient d'être envoyé aux mairies, qui vise à interdire des implantations dans un périmètre donné.
Le verbiage juridique procure parfois de profonds maux de tête. Surtout dans une affaire où les responsabilités juridiques d'une pollution - évidente pour le coup - sont difficiles à démêler, même si la source de pollution réside bien dans l'exploitation minière. Dans cinq arrêts rendus le 16 mars par la cour administrative d'appel de Toulouse, la commune de Saint-Félix-de-Pallières a perdu, la cour annulant un jugement du tribunal administratif de Nîmes qui lui était favorable, en estimant que la police des déchets relevait de l'État, et non des communes.
La cour administrative d'appel spécifie, elle, que cette police n'a aucune raison de revenir à l'État. "Par voie de conséquence, écrit la cour dans ses cinq arrêts, et alors même que l'État a donné acte de l'arrêt des travaux miniers et accepté la renonciation aux titres miniers, il ne peut être regardé comme s'étant vu transférer la surveillance et la prévention des risques liés aux résidus miniers dont s'agit par l'effet des dispositions du deuxième alinéa de l'article 93 du code minier désormais reprises à l'article L.174-2 du même code. Par ailleurs, aucune autre disposition du code minier ou de ses règlements d'application ne prévoit une obligation pour l'État d'assurer, après l'expiration du titre minier, la surveillance et la prévention des risques miniers autres que ceux mentionnés au premier alinéa dudit article 93."
"Le producteur ou le détenteur des déchets reste responsable de la gestion de ces déchets jusqu'à leur élimination ou leur valorisation finale"
Arrêt du 16 mars de la cour administrative d'appel de Touloluse
Mais, en faisant entrer les déchets miniers dans la catégorie des déchets, justement, elle sort le sujet du code minier, qui ne traite pas ces déchets. Ce qui change tout, l'exploitant ne pouvant plus se targuer d'avoir obtenu quitus de l'État sur ce volet. "S'il est vrai que [...] l'accomplissement des formalités liées à la procédure d'arrêt des travaux miniers met fin à l'exercice de la police spéciale des mines, sous réserve des exceptions prévues [...], aucune disposition du code minier ou du code de l'environnement, ni aucun autre texte ou principe, n'exclut en revanche l'exercice de la police spéciale des déchets sur un site minier et, a fortiori, sur le site d'une ancienne exploitation qui, comme en l'espèce, n'est plus soumis à la police des mines."
En clair, au titre du code de l'environnement, et non plus du code minier, "le producteur ou le détenteur des déchets reste responsable de la gestion de ces déchets jusqu'à leur élimination ou leur valorisation finale". Les communes pourraient donc exiger de l'ancien exploitant qu'il traite les déchets qu'il a produits. Interpellée par Objectif Gard, l'avocate de la commune de Saint-Félix-de-Pallières, maître Caroline Pilone, devait évoquer la problématique avec son client avant de l'évoquer avec la presse. "Il y aura une suite, c'est certain", se borne-t-elle, pour l'instant, à expliquer. Classée C+, cette décision ferait jurisprudence pour les autres sites miniers et devrait remonter au Conseil d'État.
Aujourd'hui appelée Umicore, l'ancienne société exploitante ne pourrait alors plus se cacher derrière le quitus de 2004 pour se laver aussi aisément les mains de ce qu'elle laisse sur place après avoir, il est vrai, endigué la pollution qui résultait du crassier. Mais il reste au moins trois sources majeures de pollution qu'alimentent les résidus de cette ancienne mine de plomb et de zinc.
À Saint-Félix, 125 parcelles concernées par un Secteur d'information des sols (SIS)
Pour autant, cette décision de la cour administrative d'appel intervient alors qu'une partie des combattants se pose des questions. Si l'association pour la dépollution des anciennes mines de la Vieille montagne (ADAMVM) existe toujours, et vient de changer de présidence - Hélène Le Gallic remplaçant François Simon -, elle est dans la peine financière. Et pour les communes, "en frais d'avocats, ça nous coûte une fortune", compte Bruno Weitz, maire de Saint-Félix-de-Pallières. L'espoir de ce jugement, c'est qu'il remette le sujet sur le devant de la scène. Car, parmi les combattants absents depuis un certain temps, figure aussi l'État.
Hélène Le Gallic, nouvelle présidente de l'association pour la dépollution
Nouvelle présidente de l'association pour la dépollution des anciennes mines de la Vieille montagne (ADAMVM), Hélène Le Gallic prend la succession du médecin à la retraite, François Simon. "Je comprends que les membres puissent être découragés, confie celle qui vit dans la commune depuis trois ans. Il faut y aller point par point, avec les gens d'expérience de l'association." Si elle a compté jusqu'à 150 adhérents, l'ADAMVM en était à 46 adhérents à la dernière assemblée générale. "On laisse tomber l'idée de recours en justice, les résultats ont été décourageants." La justice s'estimant, notamment, incompétente pour faire le lien entre certaines pathologies et la pollution elle-même. "Je trouve que c'est bien qu'il y ait une relève, que c'est beau de continuer, poursuit Hélène Le Gallic, pour informer, communiquer et insister auprès des pouvoirs publics, sans s'énerver." Les arrêts de la cour de Toulouse rendus, c'est, effectivement, en premier lieu auprès des pouvoirs publics que l'action de l'association devrait s'orienter. Et ce alors que celle-ci espère organiser une journée de soutien à l'association," pour payer les 2 400 € que nous devons à une avocate parisienne".
Sous l'impulsion du préfet Didier Lauga, un conseil de suivi et d'information (CSI) permettait, chaque six mois environ, de faire le point entre association, communes, préfecture et services de l'État, au premier rang desquels la Dreal (direction régionale de l'équipement, de l'aménagement et du logement). Depuis mars de l'année dernière, il n'a plus été réuni. "Michel Bourgeat (membre de l'association, atteint de deux cancers) a écrit à la préfète un long résumé de tout ce qui a été fait jusqu'ici", explique François Simon, président sortant de l'association. Alors que l'expertise de Minelis laissait apparaître cinq zones à confiner, comme le puits n°1, le puits zéro ou encore le puits Joseph. "Mais Umicore a dit que le reste ne lui appartenait pas", s'inquiète François Simon.
Si le conseil de suivi et d'information ne s'est toujours pas réuni, le chef de l'unité inter-départementale Gard-Lozère de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), Pierre Castel, a fait parvenir aux communes concernées le projet de création du secteur d'information des sols (SIS), pour qu'elles formulent un avis.
Un "porter à connaissance" qui concerne neuf parcelles de la commune d'Anduze, 32 sur celle de Tornac, 45 sur celle de Thoiras et 125 sur la commune de Saint-Félix-de-Pallières. "Au départ, il était très grossier. Le hameau de Pallières en était même exclu. On a attendu le nouveau plus de deux ans", confie François Simon. Habitants et mairies doivent désormais fournir leurs remarques sur le zonage, et alors que la carte n'indique pas de degré de pollution par zone. "C'est un peu bizarre, il y a des trous", livre Bruno Weitz comme premier constat.
Un maire de Saint-Félix-de-Pallières qui relève aussi que le suivi du site n'est pas assuré comme il le devrait. "La bassine sur le toit du crassier permet à l'eau de s'écouler doucement et la petite retenue, au bas de la digue, devait permettre que des analyses d'eau soient faites. Ce devait être chaque trois mois, puis chaque six mois." En trois ans et demi, aucune analyse n'a été effectuée, d'après les informations de la municipalité.
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