NÎMES Accident avec deux morts ce week-end, le protoxyde d'azote au coeur de l'enquête
Deux jeunes hommes sont décédés ce week-end lors d'un accident. Dans la voiture des victimes, de nombreuses bonbonnes de protoxyde d'azote ont été retrouvées.
Deux morts et une enquête de Police pour savoir dans quelles conditions et pourquoi deux jeunes hommes ont trouvé la mort durant ce dernier week-end à Nîmes. Le conducteur, est un nîmois , il a été immédiatement identifié. Le passager, est un adolescent marseillais, âgé de 17 ans.
Une certitude, les enquêteurs ont retrouvé plusieurs bonbonnes de protoxyde d'azote, un produit qui fait des ravages chez les jeunes ces derniers temps. Il est utilisé comme stimulant, comme "stupéfiants", bien que ce produit ne soit pas considéré aujourd'hui comme une drogue.
Il y a quelques mois, en mars 2023, nous avions consacré un sujet dans notre magazine "Objectif Gard le mag" concernant cette problématique du protoxyde d'azote. Voici l'article intégral ci-dessous, un sujet encore un fois d'actualité...
« Les jeunes n’imaginent pas un seul instant, lors des soirs de fête, le danger de ce produit. À l’hôpital, on ne voit arriver que les effets graves, chroniques, potentiellement irréversibles », évoque le toxicologue du CHU de Nîmes, le docteur Jean-Christophe Boyer. L’objet de son inquiétude : le protoxyde d’azote, ou plus exactement les dérives de ce produit connu médicalement, qui sert d’anesthésique, mais qui devient auprès de plus en plus de monde, et notamment des jeunes, un produit détourné, un produit de shoot.
Un médicament qui sert par exemple en milieu pédiatrique pour les enfants quand on remet en place une fracture. Mais si aujourd’hui le protoxyde d’azote fait parler de lui ce n’est pas pour un usage médical encadré, mais pour des dérives festives. Car ce produit sert de gaz de pressurisation d’aérosol. On le retrouve donc en vente libre en petite ou grosse bonbonne pour faire fonctionner les siphons de crème chantilly, par exemple. C’est donc dans un magasin de cuisine ou de pâtisserie, ou dans les commerces d'alimentation et les hypermarchés, que les jeunes achètent ces douilles et bonbonnes afin de connaître un instant d’euphorie sans vraiment imaginer les risques pour leur santé.
Un produit médical détourné
« L’usage détourné du protoxyde d’azote est un phénomène identifié depuis plusieurs décennies, notamment dans le milieu festif. Mais la recrudescence de cet usage chez des collégiens, lycéens et étudiants, avec des consommations répétées, voire quotidiennes, au long cours et en grandes quantités, contribue à expliquer la gravité des dommages signalés plus récemment. Plusieurs dizaines de cas graves ont été rapportés au cours des deux dernières années », affirme sur son site gouvernemental officiel, la MILDECA, la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives.
« C’est un phénomène qui se développe surtout chez des jeunes attirés par des prix très bas, mais ils ne connaissent pas un seul instant les effets secondaires. C’est devenu une intoxication à grande échelle », estime le docteur Mounir Benslima, le chef de l’unité médico-légale du CHU de Nîmes. « Sur le secteur de Nîmes, il y a eu ces dernières années une vingtaine de prise en charge médicale suite à des expositions à ce produit », complète-t-il.
Ce ''gaz hilarant'', également appelé ''proto'', est du protoxyde d’azote (molécule N2O). « Pour son usage alimentaire, le gaz est vendu sous forme de cartouches - pour les siphons à chantilly par exemple - ou de bonbonnes dans les commerces de proximité (épiceries, supermarchés) et sur Internet », détaille le site officiel. Un protoxyde d’azote qui devient un véritable enjeu de santé publique.
Il est utilisé via des petits réservoirs reliés à un ballon de baudruche ou à des sacs en plastique. Le gaz est propulsé dans les narines et atteint le cerveau rapidement. Des réservoirs qui sont vendus en vente libre dans des épiceries, des magasins de matériel de cuisine ou pâtisserie. Certains petits malins du commerce en font la promotion en vitrine et voient leur chiffre d’affaires exploser, surtout à l’arrivée des week-ends et des fêtes.
Quelques secondes d’euphorie
« Sur le moment, ils sont euphoriques. Une sensation d’exaltation, d’hallucination. Des jeunes qui ont l’impression d’être quelqu’un d’autre. Ils connaissent un pic au bout d’une minute et les effets s’estompent au bout de deux à trois minutes », ajoute l’expert judiciaire, le docteur Boyer (voir photo). Des adolescents de plus en plus jeunes qui n’hésitent plus à se faire plusieurs inhalations lors d’une même soirée de ce produit qui n’est pas considéré, à ce stade, comme un stupéfiant.
« C’est un anti-douleur, un analgésique souvent utilisé médicalement pour les enfants », relève pour sa part le docteur Mounir Benslima, qui sonne l’alerte concernant ce produit « qui fait des ravages et qui va créer de nombreux problèmes médicaux à l’avenir ».
De très graves conséquences médicales
Pour certains le ravage du protoxyde d’azote est déjà une triste réalité à l'exemple d'un homme d’une trentaine d’années, hospitalisé dans un établissement de santé de la région, qui avait l’habitude de consommer 5 à 6 bonbonnes par jour. Un malade qui pensait être exempt de séquelles en arrêtant de consommer le produit, mais qui a vu apparaître de façon inexpliquée des troubles de la marche et des difficultés à se servir de certains membres de son corps, comme les mains par exemple. Il est obligé aujourd’hui de suivre un protocole médical strict, avec de l’ergothérapie, et il ne parvient à se mouvoir qu'à l'aide d'un déambulateur. Des cas extrêmes, mais aujourd’hui le volume de produit consommé chez les jeunes plonge la communauté médicale dans une inquiétude grandissante pour les années et décennies à venir.
500 000 euros saisis chez un grossiste à Nîmes
Les autorités se mobilisent sur ce phénomène, mais impossible pour les forces de l’ordre d'ouvrir une enquête concernant un trafic de drogue, par exemple, car le protoxyde d’azote n’est pas considéré comme un produit stupéfiant. Les policiers de la sûreté départementale de Nîmes ont décidé d’intervenir et d’ouvrir une enquête notamment pour ''travail dissimulé''. Dans ce cadre, ils ont procédé à plusieurs interpellations à Nîmes et dans les environs én février dernier.
Plusieurs centaines de bouteilles de protoxyde d’azote ont été retrouvées chez un particulier et saisies par les enquêteurs. Des bonbonnes de 35 centimètres de haut utilisées par les jeunes dans les soirées festives. Parfois il s’agit de plus petite quantité.
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