Publié il y a 7 h - Mise à jour le 13.07.2025 - Stéphanie Marin - 4 min  - vu 47 fois

FAIT DU SOIR 30 ans, le "Triangle bleu" casse les lignes

"Le Musée bleu, une architecture couleur du temps", jusqu'au 2 novembre 2025.

- S.Ma

Inauguré le 25 mars 1995, le « Musée bleu » offre aux visiteurs - 113 000 en 2024 - une large vision de l’archéologie d’Arles et de ses environs, du Néolithique à l’Antiquité tardive. Conçu par l’architecte Henri Ciriani, le triangle aux façades d’un bleu azuré, situé près des vestiges du cirque romain, au bord du Rhône, est aujourd’hui mis à l’honneur à l’occasion d’une nouvelle étape de son histoire.

Trente ans après son ouverture, le musée départemental Arles antique célèbre son histoire, ses collections et plus surprenant peut-être son architecture emblématique. Un anniversaire inscrit dans un contexte particulier, marqué par un vaste chantier de rénovation de 3 millions d’euros, financé par le Département des Bouches-du-Rhône. "Parfois la contrainte est source d'inspiration", souligne Romy Wyche, directrice du musée départemental Arles antique. Ainsi est née l'exposition "Le Musée Bleu, une architecture couleur du temps"* en partenariat avec la Cité de l’architecture et du patrimoine et les Rencontres de la Photographie dans le cadre du label « Arles associé ».

Stéphanie Quantin-Biancalani, conservatrice au Centre Pompidou pour l'architecture, Romy Wyche, directrice du musée départemental Arles antique et Nicole Joulia, vice-présidente au Département des Bouches-du-Rhône. • S.Ma

Pour raconter l'histoire de cet édifice conçu par l'architecte Henri Ciriani, il faut remonter le temps, retracer "le parcours tumultueuxdes collections archéologiques arlésiennes, notamment à partir de la fin du XVIIIe siècle, des Alycamps à l'église Saint-Anne, ainsi qu'à la chapelle du Museon Arlaten où furent déposées les collections paléochrétiennes. Jean-Maurice Rouquette, conservateur des musées d'Arles, est le père fondateur de ce projet d'envergure nationale, inscrit dans le programme des “Grands projets de Province” instauré sous la présidence de François Mitterrand, soutenu par les fonds européens pour sa dimension scientifique. En 1984, Henri Ciriani remporte le concours public face à neuf autres candidats dont un certain Jean Nouvel. Ce dernier avait proposé un projet "extrêmement radical, refusant l'implantation sur la presqu'île, inspiré des plateformes pétrolières avec des pylônes ancrés à mi-hauteur dans le Rhône", rapporte Stéphanie Quantin-Biancalani, conseillère scientifique et conservatrice au Centre Pompidou pour l'architecture. Alors que dans les décennies 80 et 90, les musées se multiplient en France - un museum boom lié à la décentralisation culturelle - l’Institut de recherche sur la Provence antique devenu le musée Arles antique, est considéré comme une démonstration d'architecture.

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L'édifice dessiné tout près des vestiges du cirque romain par Ciriani - lauréat du prix de l’Équerre d’argent et du Grand Prix national d’architecture en 1983 - a été "particulièrement apprécié pour sa fonctionnalité". "Henri Ciriani va s'inscrire dans l'héritage de la modernité architecturale, dans l'héritage de Le Corbusier et de Frank Lloyd Wright, indique Stéphanie Quantin-Biancalani. Il retient l'idée d'un parcours dynamique et continu." Un triangle traité en hélices dont les trois angles sont ouverts vers l'extérieur, tandis que le vide central ouvre vers le ciel, vers le toit-terrasse, (lequel sera rouvert à partir de novembre 2025). Dès son inauguration - en présence notamment d'Édouard Balladur, Premier ministre - "la réception critique est extrêmement bonne du point de vue architectural, elle est aussi internationale." 

Henri Ciriani, architecte lauréat du prix de l’Équerre d’argent et du Grand Prix national d’architecture en 1983. • S.Ma

Impossible d’évoquer le musée départemental Arles antique sans mentionner ses façades recouvertes de plaques d’Émalit bleu azuré, qui lui valent ce fameux surnom de « Musée bleu ». Au début des années 80, alors qu'il travaille sur un projet qui n'a jamais abouti, Henri Ciriani développe avec l'entreprise Saint-Gobain une déclinaison de gamme d'Émalit - un matériau utilisé dans les années 60 pour les panneaux d'allège des écoles préfabriquées - "aux couleurs de tous les ciels de la France" dont le bleu azuré pour la Provence. Ce qui fascinait l’architecte dans cette matière, qu’il qualifiait d’« amicale », ce n’était pas tant son effet miroir que sa capacité à capturer l’image du visiteur, de saisir le paysage environnant, les éléments changeants tels que l’eau, le vent, et de les incorporer au bâtiment. Autre matière principale de cet édifice, la lumière. 

À travers de cette exposition, c'est donc le parcours d'un homme, né le 30 décembre à Lima au Pérou - un architecte engagé qui avait rejoint l'Atelier d'urbanisme et d'architecture avant de créer sa propre agence en 1982 - ainsi que l'histoire du musée qui se racontent dans la salle d’exposition temporaire. À la version officielle vient s’ajouter un regard plus sensible. Et cela grâce à une grande collecte de souvenirs entre octobre 2024 et mai 2025. Anciennes équipess, piliers fondateurs du musée, partenaires, habitants ou visiteurs, ils ont été une soixantaine à y participer. "On a réussi à collecter des objets, des photos, des vidéos qui marquent la relation que chacun, chacune a pu tisser avec le Musée bleu", explique Aliénor Tallagrand, responsable du centre de documentation, associée à Laurent Strippoli, responsable du département des publics. 

À la version officielle s'ajoute un regard plus sensible. • S.Ma

Au premier étage, dans la salle Fernand-Benoit, une série d’installations sous le titre générique "Mais pour qui la pierre se prend-elle ?" réalisée par des étudiants en deuxième année de l'École nationale supérieure de la Photographie ainsi que l'enseigne lumineuse intitulée Earth Time Fabric et inspirée des deux figures de Prométhée et Aiôn signée du plasticien Smith, complètent cette exposition présentée jusqu'au 2 novembre 2025. Autour de celle-ci, plusieurs événements à venir dont un escape game les 17, 18, 20, 21 et 22 août sur le thème : 1995, revivez l’inauguration du musée bleu. "Tout est prêt sauf une vitrine en cours de finalisation par Geneviève, une des médiatrices ! Mais il y a un problème... Le plan d’installation et les objets ont été éparpillés dans la salle des réserves. Aidez-la à retrouver les objets et à installer la dernière vitrine avant l’ouverture au public."

Le plasticien Smith présente son enseigne lumineuse, "Earth Time Fabric". • S.Ma

Romy Wyche le concède volontiers : "on s'amuse !" Un pas de côté impulsé par les travaux de rénovation "qui nous obligent à réfléchir le musée autrement, à s'interroger sur ce qu'on veut y faire, comment on peut le faire." Et la même de poursuivre : "Grâce à cette exposition, nous avons pu commencer, nous historiens de l'art de l'Antiquité, à réfléchir à ce musée en terme architectural. On a une maquette du musée qu'on souhaiterait présenter de manière pérenne et grâce au travail de Stéphanie Quantin-Biancalani, y apporter un discours scientifique, ce qui était recherché par une partie de notre public." Le musée départemental Arles antique prévoit de participer aux Journées nationales de l'architecture.

*En référence à la robe “couleur du temps” que Peau d’âne demande à son père dans le célèbre film éponyme de Jacques Demy, citée par l'architecte Henri Ciriani pour expliquer l'utilisation de l'Emalit.

Stéphanie Marin

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