Publié il y a 1 mois - Mise à jour le 21.03.2024 - Camille Graizzaro - 3 min  - vu 267 fois

BEAUCAIRE La Moulinelle retrouve temporairement sa rue du 19 mars 1962

Les manifestants ont tenu en ce 19 mars à diffuser un message de paix et de tolérance.

- C. Graizzaro

Le 27 novembre 2015, la « rue du 19 mars 1962, fin de la guerre d’Algérie » a changé de nom. La désormais « rue du 5 juillet 1962. Massacre d'Oran. À nos morts », près du centre commercial de la Moulinelle, suscite toujours l’indignation de l’association Réagir pour Beaucaire, qui tous les ans, le 19 mars, revient symboliquement rebaptiser la rue de son nom d’origine.

Les élèves de 4e du collège Elsa-Triolet à Beaucaire sont curieux : pourquoi une quarantaine de personnes se rassemble en haut de la rue du 5 juillet 1962 ? L’association Réagir pour Beaucaire s’est en effet réunie en ce 19 mars pour renommer symboliquement cette rue de son nom d’origine, en hommage à la fin de la guerre d’Algérie. Pancartes en faux-panneaux de noms de rue, drapeaux et banderoles pour la paix, l’assemblée veut ainsi porter un hommage à une date importante de l’Histoire de France.

Des collégiens en classe de 4e de l'établissement Elsa Triolet sont venus s'informer sur la date du 19 mars 1962. • C. Graizzaro

Revenons en 2015. Début du mois de novembre, la mairie acte en conseil municipal le changement du nom de la « rue du 19 mars 1962, fin de la guerre d’Algérie ». Elle portera désormais le nom de « rue du 5 juillet 1962. Massacre d’Oran. À nos morts ». Petit rappel historique. Le massacre d’Oran a eu lieu trois mois et demi après la signature des accords d’Évian qui mettent fin à la guerre d’Algérie. L’Indépendance a été reconnue le 3, et devait être proclamée ce jour. Une fusillade sur la place d’Armes à Oran, en Algérie, donnant lieu à des violences envers les pieds-noirs et les Algériens pro-français. On dénombre entre 95 et 353 morts ou disparus, les estimations étant encore incertaines.

« C’est une insulte pour nous. Je refuse de serrer la main du maire de Beaucaire pour ce qu’il a fait, c’est innommable », s’indignent Christian Bastet et Paul Jallat, anciens combattants de la guerre d’Algérie. Dans son discours, Jean-François Milesi, un adhérent de Réagir Pour Beaucaire, s’attriste : « Nous pourrions, comme dans des milliers de communes de ce pays, être dans le public, à écouter le discours d’élus ou de représentants de l’État rappeler les faits, se féliciter de la fin des horreurs, exalter la réconciliation entre les peuples. Comme dans des milliers de communes dont des rues, des places, des lieux publics portent ce nom du 19 mars 1962 comme une bannière de la paix retrouvée. Depuis fin 2015, la rue où nous sommes et qui portait leur mémoire a été débaptisée pour réécrire l’Histoire, pour la falsifier, du fait d’un élu et de sa majorité {…} ».

"62 ans déjà ! Voilà 62 ans que furent signés les Accords d’Evian, le 18 Mars 1962, et dont la première conséquence tangible fut le cessez le feu instauré le lendemain 19 Mars qui mettait fin à l’un des plus sinistres épisodes de notre Histoire, que certains s’évertuaient à nommer pudiquement et cyniquement « les évènements d’Algérie » pour mieux dissimuler les horreurs de cette guerre interminable et effroyable." J-F. Milesi • C. Graizzaro

L’orateur rappelle également quelques faits de la guerre d’Algérie, et les met en parallèle avec notamment les conflits sur la bande de Gaza qui déchirent Israël et Palestine aujourd’hui. « On le sait, le désespoir peut conduire au pire ! Le pire, ce fut ce 7 octobre dernier, dans ce déchainement de haine, ce déferlement d’abominations innommables, inexcusables, inexpiables. Mais l’acte de terroristes sanguinaires ne saurait pour autant condamner tout un peuple aux pires atrocités. À Gaza, 35.000 morts déjà, les villes rasées, la faim, le froid, la disparition des hôpitaux, des écoles. »

De faux panneaux de rue se sont invités aux abords de la rue du 5 juillet 1962. • C.Graizzaro

Les manifestants visiblement en rogne contre le RN, parti majoritaire à la municipalité de Beaucaire. • C. Graizzaro

C.Graizzaro

Paul et Christian eux, se rappellent ce 19 mars 1962 avec nostalgie. « Pour nous, c‘était un moment extraordinaire, on était à l’armée à ce moment-là. Enfin moi je n’étais pas encore en Algérie, j’appréhendais évidemment. C’était un dimanche je me souviens, dans la caserne ça a été une explosion de joie, on a fait la fête. Le soir je ne vous dis pas, la bière a coulé à flots ! » Même si tous ici sont conscients que la paix n’a pas été immédiate : « Il est difficile d'arrêter à la seconde près une dynamique de haine. C'est comme freiner une voiture lancée à toute vitesse : l'arrêt n'est jamais immédiat mais la voiture au final s'arrête tout de même. Ce qui compte, c'est la volonté d'arrêter et la volonté de paix », explique Marie-France Labbe-Amiard, secrétaire de Réagir Pour Beaucaire.

« Je suis retourné par la suite en Algérie, et j’ai rencontré des combattants qui étaient dans l’armée de Libération Nationale, et ils ont un profond respect pour les appelés français. Ils nous disaient qu’on était des victimes, et c’est vrai on était des victimes du colonialisme. On allait là-bas pour défendre des capitaux, alors qu’en fait on n’avait rien demandé. Trois Beaucairois qui avaient 20 ans ont laissé leur vie là-bas. Pourquoi ? Pour rien », raconte Christian.

« Quand j’étais à l’école, on nous apprenait que l’Algérie c’était la France, et qu’en allant là-bas on accomplissait une grande mission civilisatrice, explique Paul, la première après-midi où j’ai débarqué dans le port de Bône, on m’a embarqué avec des types armés jusqu’aux dents pour m’amener à la frontière tunisienne sur la ligne Maurice. Et au bord de la route, j’ai vu des huttes en branches recouvertes de boue, avec une petite porte, et les arabes vivaient là-dedans. Tout ça, ça a marqué les soldats, ils ont compris que c’était la colonisation, et que ce n’était pas la France. »

Camille Graizzaro

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