Publié il y a 3 h - Mise à jour le 20.08.2025 - Anthony Maurin avec Wikipedia - 4 min  - vu 198 fois

FAIT DU SOIR Quand un consul se faisait bastonner par un seigneur... Sur le Pont du Gard !

Église Saint-Vincent de Collias (Photo Wikicommons)

Église Saint-Vincent de Collias (Photo Wikicommons)

Histoire rare, anecdote de peu d’importance mais atypique avec le recul, le consul de Collias s’est bel et bien fait bastonner par le seigneur de Saint-Privat sur le Pont du Gard…

Les armes de Collias
Les armes de Collias 

Collias, vous connaissez ce nom ! Une figure emblématique des temps modernes dans ce village gardois n’est autre que le célèbre Jean-Louis Trintignant (1930-2022), acteur français, qui a vécu et est mort à Collias.

Vous connaissez aussi Collias si vous êtes gourmand d’olives. Les plus célèbres du sud ont pris le nom de deux frangins locaux. On trouve noté, ici ou là, que les inventeurs de la picholine auraient érigé l'olive de Collias comme la plus apte à subir cette préparation !

Sinon, vous connaissez forcément Collias pour ses canoës ou plus vraisemblablement pour le Gardon qui passe à ses pieds avant de rejoindre le célèbre Pont du Gard. Dernière chance pour connaître le village, la grotte des Colonnes, ou « Baoumo-d'enaut », rebaptisée grotte Bayol après la découverte de peintures préhistoriques. Elle est l'une des cinq grottes ornées connues dans le Gard.

Église Saint-Vincent de Collias (Photo Wikicommons)
Église Saint-Vincent de Collias (Photo Wikicommons)

Il est évident que si le Pont du Gard est à côté du village, les Romains n’étaient pas loin. Plusieurs inscriptions latines votives ou funéraires, des tuiles plates et des tessons d'amphores ont été trouvées sur la commune, attestant une présence romaine mais comme la plupart des villages du pays du Pont du Gard, celui de Collias est né aux alentours de l’an mil.

Fonctionnement d’un village

La communauté de Collias gère une partie de sa destinée depuis au moins le XIIIe siècle. Le fonds d'archives locales montre que les droits de police rurale appartiennent à la communauté. Ces droits concernent la gestion du territoire à la fois urbain et rural. Les coutumes du bourg de Remoulins permettent de se rendre compte de l'étendue de ces droits.

Il s'agit par exemple et avant tout de réglementer la déambulation des troupeaux ovins et bovins. On trouve encore des articles réglant certains usages agricoles, le transport du feu, l'entassement du fumier, l'usage des puits…

Photo d'illustration (Photo : Thierry Vezon / Grand site des Gorges du Gardon)

À la tête de la communauté, le premier était le représentant de la communauté. Il était secondé par un second consul. Un conseil politique formé de six membres les accompagne.

On s'imagine mal aujourd'hui le rayonnement social de ces magistrats de village. Le XIVe siècle en fera des personnages importants relayant d'une certaine manière, avec les bayles royaux, l'autorité royale. Ils sont convoqués à certaines assemblées provinciales pendant la guerre de Cent Ans.

On voit d'ailleurs qu'à Collias, la communauté se charge des frais du barbier venu raser le premier consul. Les communautés n'ont sans doute jamais été aussi puissantes et indépendantes alors que la seigneurie reculait, s'appauvrissait et voyait sa démographie fondre.

Les raisons du différend

Passons quelques siècles dans ces conditions et consultons quelques registres de délibérations des XVII et XVIII siècles qui permettent d'avoir des vues assurées sur l'activité de consulat.

Le château de Saint-Privat  et son domaine de 440 hectares sont invisibles au regard des promeneurs (photo Véronique Camplan)

Le consulat est dominé par la fiscalité royale, les conflits avec les seigneurs et les affaires rurales concernant directement la communauté. C’est ici que nous pouvons illustrer un exemple avec une affaire se déroule au début du XVIIe siècle.

Une délibération du conseil prise sur la place de l'église et enregistrée par un dénommé Daroussin (pas de la famille de Jean-Pierre… enfin en toute logique) nous informe de l'infortune du premier consul.

En rentrant de Montpellier où il était allé représenter la communauté de Collias devant la Cour des Aides et Finances de Montpellier pour un différend opposait Collias au seigneur de Saint-Privat.

Ce dernier prétextait la présence d'un moulin lui appartenant sur la rivière du Gardon mais sur le territoire de Collias pour envoyer ses grands troupeaux paître dans les bois dits des « coufines ».

Le Château de Collias • Photo Camille Graizzaro

Usurpation préjudiciable pour les habitants et pour la communauté qui devait alors revoir à la baisse les prix des baux de location d'herbage qu'elle consentait régulièrement pour alimenter la trésorerie consulaire.

La Cour des Aides s'était hélas déclarée incompétente mais c’est sur le chemin retour qu’a lieu l’anecdote.

Baston sur le pont

Rentrant tous les deux du procès montpelliérain, le consul suivait le seigneur qui, lui, rentrait à Saint-Privat. Le Gardon était alors en crue et le consul fut contraint de passer la rivière via le Pont-du-Gard qui appartenait audit seigneur…

C’est le drame ! Ici, sur le pont romain que le monde entier connaît, le noble l'attendait pour le bastonner avec le plat de son épée !

Pont du Gard
Le Pont du Gard (Photo J.M.Andre / Gard Tourisme) • © J.M.Andre / Gard Tourisme

Le consul arrive malgré tout jusqu’à Collias où il fit aussitôt constater ses blessures et rassembler l'assemblée générale des habitants. Il raconte l’embuscade, et, à l'unanimité, l'assemblée composée de plus d'une centaine d'individus décide d'engager une procédure judiciaire. Encore !

On ne peut pas écarter de cette époque le sentiment et la farouche volonté d'indépendance des communautés. Ce qui marche dans un sens fonctionne dans l’autre. Après cette histoire, n'habite pas là qui veut, du moins pas sans en payer le droit.

Toutefois, les habitants de Collias n’ont pas été très tendres avec les âmes du hameau de Laval, justement engoncé dans les fameuses « coufines ».

Des problèmes pas récents

L'affaire est plus vieille car elle débute au XVe siècle quand les consuls, poursuivant une tradition vieille de plus de deux siècles peut-être, mettaient en location des pâturages de la rive droite du Gardon tout en interdisent la traversée de la zone aux troupeaux des habitants de Laval.

Les habitants de Laval portent ces faits devant le juge qui donne raison à Collias. À plusieurs reprises Collias humilie Laval. Une fois, les habitants de Collias font arrêter deux jeunes bergers de Laval et les jettent dans les geôles villageoises…

Ermitage Notre-Dame-de-Laval, Collias
L'ermitage Notre-Dame-de-Laval non loin de Collias (Photo Wikicommons)

Une autre fois, pour les punir d'une faute non mentionnée, on change le coefficient des terres de Laval lors de la réfection du compoix en les surtaxant au mépris des usages en la matière.

Le retour de bâton ne tardera et les deux parties perdront gros dans la bataille… Laval se vide peu à peu de ses habitants si bien qu'au XVIIIe siècle on ne trouve plus que des métairies peuplées de locataires en rotation permanente.

Ce n'est d'ailleurs plus une surprise de les voir au début du XIXe siècle bâtir un peu à « l’arrache » des bergeries et y entretenir des bergers à demeure.

Anthony Maurin avec Wikipedia

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