Publié il y a 29 jours - Mise à jour le 03.04.2024 - Marie Meunier - 4 min  - vu 527 fois

BAGNOLS/CÈZE Mosquée At-Tawba : la résiliation du bail actée en conseil municipal

La mosquée At-Tawba de Bagnols.

- Photo d'archives Marie Meunier

Le 10 juin prochain, la résiliation du bail de la mosquée At-Tawba prendra effet. La décision a été actée à la majorité en conseil municipal hier soir.

La sécurité a été renforcée à l'entrée de la salle multiculturelle ce mardi 2 avril, alors que s’y tenait le conseil municipal de Bagnols-sur-Cèze. Le contexte est tendu suite à l’expulsion de l’imam Mahjoub Mahjoubi. Une des délibérations à l’ordre du jour portait sur un sujet sensible : la résiliation du bail emphytéotique de 18 ans de la mosquée At-Tawba, qui unissait l’association des musulmans du Gard rhodanien (AMGR) et la mairie.

Le conseil municipal de Bagnols-sur-Cèze s'est réuni ce mardi 2 avril, à la salle multiculturelle. • photo Marie Meunier

La municipalité a souhaité casser le bail démarré en août 2021 et qui devait courir jusqu’en 2039. Pour justifier cette décision, la mairie s’appuie sur l’article b) du règlement qui stipule : « Le bailleur (la mairie en l’occurence, NDLR) peut demander la résiliation du bail en cas d’agissements de l’emphytéote (donc l’association) de nature à compromettre l’accomplissement de la mission qui lui a été confiée ». À savoir ici l’exercice de lieu de culte. Pour la Ville, il y a eu une « faute grave », découlant des paroles de Mahjoub Mahjoubi.

« On laisse un délai jusqu’au 10 juin 2024 »

Celui qui était l’imam historique et vice-président de l’AMGR a été expulsé du territoire français suite aux propos qu’il a tenus durant ses prêches à la mosquée At-Tawba, le lieu soumis au bail avec la mairie. Des propos qui s’avèrent « discriminatoires à l’égard des femmes, des non-musulmans ainsi que des musulmans d’autres courants que le salafisme, provoquant à la haine envers les juifs, et faisant l’apologie du jihad (guerre sainte pour propager l’Islam) et de la charia (loi islamique) », est-il écrit dans la délibération de la municipalité, rédigée avec un avocat. Il est aussi précisé : « Nous vous invitons à constater, à l’instar du juge des référés du Tribunal administratif de Paris, que ces propos portent atteinte aux intérêts fondamentaux de l’État. »

| Lire aussi : BAGNOLS Le Conseil d’État confirme en appel l’expulsion de l’imam radical Mahjoubi : "Une victoire" pour Gérald Darmanin

Le Conseil d’État a d’ailleurs confirmé en appel ce vendredi l’expulsion de l’imam. Au vu de ces éléments, Jean-Yves Chapelet a décidé de mettre fin au bail : « On laisse un délai jusqu’au 10 juin 2024. À partir de cette date, la mairie reprendra le bail. » Il ajoute : « Je ne suis pas là pour fermer un lieu de culte mais pour que la loi s’applique. » L’Association des musulmans du Gard rhodanien a été informée de la saisine du conseil municipal par courrier. Le président et le trésorier ont été reçus en mairie le 14 mars.

« Allez-vous arriver à vous regarder dans la glace ? »

Tous deux ont exprimé leur inquiétude dans nos colonnes vendredi : « On ne sait pas où on va aller », a déploré le président, alors que la mosquée At-Tawba accueille « une centaine de personnes au quotidien, 200 à 300 le soir » pour les prières. Le trésorier assure que « dès les premiers moments, on a fait une assemblée générale extraordinaire pour prendre en compte la démission de Mahjoub Mahjoubi qui s’était dégagé et l’avait signifié à la mairie ». Il a également souligné auprès d’Objectif Gard : « On s’est désolidarisés de lui, les propos de Mahjoub Mahjoubi n’engagent que lui. » La mairie confirme que, lors de leur rencontre, l’association a bien « fait part de son intention d’engager un travail de reconstruction apaisé et encadré par un souhait de bon respect des exigences des lois républicaines. »

| Lire aussi : BAGNOLS/CÈZE Le bail de la mosquée At-Tawba résilié par la mairie : « on ne sait pas où on va aller »

La délibération actant la résiliation du bail avec l’Association des musulmans du Gard rhodanien a été votée à la majorité. Seuls Jérôme Jackel, Guillaume Sanchez et Olivier Wiry (tous élus d’opposition indépendants) ont voté contre. Le dernier cité a réagi après la longue explication du maire en lançant : « Voici une délibération qui est bien clivante et qui laisse entendre que les fidèles de la mosquée sont complices de l'imam. Messieurs et mesdames les élus, allez-vous arriver à vous regarder dans la glace demain matin ? »

Une proposition d'amendement de Jérôme Jackel rejetée

Thierry Vincent (du groupe Alliance citoyenne et aussi attaché parlementaire de la députée RN) trouve lui aussi la délibération « très clivante ». Néanmoins, il reconnait que « la lecture (faite par le maire) est suffisamment éloquente pour éviter trop de polémique. Les faits sont clairs et établis. Dura lex sed lex, la loi est difficile mais doit l'être parfois, et des décisions administratives s’imposent aussi dans ce type de circonstances. » Thierry Vincent termine son intervention en s'adressant au maire : « On a dû mal à séparer de manière formelle les postures de cet imam, avec ceux qui de près ou de loin étaient censés l'encadrer. Votre réaction, d'une certaine manière, est légitime. »

Jérôme Jackel a proposé un amendement qui a été rejeté. • photo Marie Meunier

Quant à l’élu d’opposition indépendant Jérôme Jackel, il estime qu'en résiliant le bail, on punit l'ensemble de la communauté musulmane de Bagnols « pour un individu qui n'a pas respecté la République ». Il a déposé un amendement proposant l’abandon de la résiliation du bail, dans l'espoir que « l'apaisement, la sérénité et le bien-vivre ensemble reviennent dans notre commune après cette tempête médiatique. » L’amendement sera rejeté, avec seulement trois votes pour.

En réponse à ses opposants, Jean-Yves Chapelet a insisté sur le fait que « ce qu'on vote, c'est l'arrêt du bail emphytéotique avec une association dont le vice-président était imam de ladite mosquée et vient d'être expulsé de France. Je comprends que certains veulent en faire des gorges chaudes mais on est face à un problème de droit, sur rien d'autre. Ce n'est pas un problème de laïcité, de stigmatisation ou de se regarder dans un miroir. » Catégorique sur la délibération, le maire demeure ouvert sur la suite : « Ce qui va se passer entre maintenant et le 10 juin, cela reste à construire. Tout est envisageable.»

Marie Meunier

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