Nîmes
Publié il y a 2 mois - Mise à jour le 23.09.2023 - Coralie Mollaret - 3 min  - vu 775 fois

FAIT DU JOUR Suspension des transports : colère et exaspération des habitants de Pissevin

(Photo : Coralie Mollaret)

Depuis plus d'une semaine, les lignes de bus du quartier de Pissevin sont suspendues. En cause : les chauffeurs de bus qui craignent pour leur sécurité. Pris en otage, les habitants ont exprimé leur colère et désespoir, ce matin, au siège de l’association des Milles Couleurs.

À 10 heures tapantes, la salle des Milles Couleurs déborde de monde. Une majorité de femmes, venues échanger avec les responsables des syndicats de chauffeurs. Ici, depuis le 12 septembres, les habitants doivent se débrouiller par leurs propres moyens pour récupérer un bus du réseau Tango à Valdegour, quartier voisin. Jusqu’à nouvel ordre, les bus de la ligne 8 et T2 ne passent plus entre Train’d’Union et Campus. La raison ? L’insécurité grandissante, entre caillasses et fusillades, qui sévit toujours à Pissevin.

Darmanin à Nîmes, « ça n’a rien changé »

« Les chauffeurs ont peur de se prendre une balle, commente l’une de nos sources sous couvert d’anonymat, parce qu'aujourd’hui, une fusillade peut éclater à tout moment ». Fin août, la venue du ministre de l’Intérieur, après la mort du petit Fayed, s’est soldée par un échec, à en croire les habitants. Se posant en « urgentiste de la sécurité », Gérald Darmanin a promis de rétablir l’ordre public. Sauf que l’insécurité perdure : mercredi, dans la nuit, plusieurs jeunes ont été pris pour cible par des tirs. Et dans la nuit de jeudi à vendredi, des appels au commissariat ont signalé des individus filtrant les gens, à hauteur de la rue Daumier.

« La venue de Darmanin ? Ça n’a rien changé », déplore Naïma. La compagnie de CRS affectée dans tout le Gard jusqu’à la fin de l’année ne semble pas répondre à la problématique du quartier, dont le trafic de drogue génère, selon le parquet de Nîmes, pas moins de 60 000 € par jour. Maman de deux enfants, dont un handicapé, Naïma « galère » donc chaque jour pour amener ses enfants à l’école : « J’en ai un au collège Jules-Verne qui est handicapé. C’est à moi de l’amener. Il nous faut monter à Valdegour pour prendre le bus. C’est compliqué. »

Faux plan des chauffeurs de bus

Avec cette grève, les habitants se sentent pris en otage. Fady, un petit bout de femme de 73 ans qui vit depuis 17 ans à Pissevin, montre son téléphone avec en fond d’écran, sa fille, sur un fauteuil roulant : « Je suis obligée de remonter le quartier à pied avec ma fille handicapée de 43 ans pour prendre le bus. » Naïma a demandé à l’entreprise Transdev un « dédommagement » pour la gêne occasionnée. La famille paie aujourd’hui « deux abonnements adulte, à hauteur de 180 € et deux abonnements pour ses enfants pour 140 € ». Dans son mail retour - que nous avons consulté - la société répond : « Nous ne pouvons y répondre favorablement », en assurant que « des discussions sont en cours ».

Ce vendredi justement, une discussion devait avoir lieu entre les chauffeurs et les habitants. « Ce matin à 6h du matin, je suis passé sur RMC et j’ai parlé des transports (…) Les syndicats m’ont téléphoné me disant qu’ils ne viendront pas parce que j’avais trahi leur confiance », raconte le directeur de l’association des Mille Couleurs, Raouf Azzouz, déclenchant l'ire de la salle. Toujours selon nos informations, les chauffeurs de bus ne souhaitaient pas la présence de la presse : « Ils ont peur d’être pris à partie par les dealers. Aujourd’hui, ceux qui tiennent le réseau ne sont visiblement plus du quartier. L’espèce d’ordre établi qui régnait avant ne fonctionne plus… »

Peur à tous les étages

Jeudi, après une rencontre en préfecture, les représentants syndicaux des chauffeurs ont dénoncé « la faiblesse des propositions de l’État en matière de sécurité ». Dans la salle, une femme s’exclame : « Les chauffeurs ont peur ? Mais nous, on va faire quoi ? Se battre contre les dealers ? Quand on marche pour rejoindre le bus, nous aussi on a peur de se prendre une balle ! » En début de semaine, Nîmes métropole va organiser une réunion avec les habitants.

« Il faut que l’État prenne ses responsabilités en mettant des policiers sur la voie publique et notamment sur le tracé du bus où sont localisés les dealers », commente l’une de nos sources. En attendant, ce vendredi matin, le nouveau délégué du préfet pour les quartiers de Pissevin/Valdegour, Thomas Prouteau lance : « Vous êtes tous citoyens de ce pays et vous avez droit aux services publics. » Un poncif auquel les habitants ne croient plus : « Sérieusement ? Après la fermeture de la médiathèque et la suspension des bus ? Bientôt ce seront les pharmacies ! », pointe Naïma. « La devise : liberté, égalité, fraternité n’est pas pour tout le monde ! », conclut sa voisine.

Coralie Mollaret

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