Publié il y a 1 an - Mise à jour le 09.11.2022 - boris-de-la-cruz - 4 min  - vu 17637 fois

AU PALAIS Jusqu’à 12 ans de prison et mandat d’arrêt contre le "portier-concierge" de la galerie Wagner  

350 000 euros retrouvés dans un sac et des armes de guerre. Onze prévenus condamnés, deux étaient jugés mardi en appel. Le surveillant de la galerie Wagner a quitté l'audience et un mandat d'arrêt a été délivré contre lui.
Photo archives, B.DLC/Objectif Gard

Deux hommes condamnés avec des peines aggravées.

Ils peuvent tous les deux montrer leurs blessures de guerre ou plutôt celles liées au trafic de stupéfiants. Un a le bras droit définitivement endormi depuis une fusillade de février 2020... Des impacts de Kalachnikov lui ont troué le bras. L’autre vit en fauteuil roulant après avoir pris une décharge il y a une dizaine d’années. Les deux ont, en revanche, le même système de défense en voulant minimiser au maximum leurs rôles respectifs dans un trafic de grande ampleur démantelé dans le quartier de Pissevin à Nîmes en 2020 et 2021 par les policiers de la brigade des stupéfiants de la sûreté départementale de Nîmes et les gendarmes de la section de recherches de Nîmes. Ils refusent également de donner les noms de leurs complices.

« Je filtre les gens, je ne touche pas l’argent ou le produit. Je viens de 9h à 21h et ne touche que 80 euros par jour », évoque Abel (*), 36 ans. Il se retrouve devant les magistrats de la cour d’appel correctionnelle de Nîmes comme un autre de ses complices. Les neufs autres prévenus ont été condamnés définitivement suite à la décision du tribunal correctionnel de Nîmes, et ils n'ont pas fait appel.

Le prévenu se fait la belle avant le délibéré

« Vous définissez votre rôle comme celui de surveillant, de gardien de la galerie Wagner, vous faisiez quoi ? », interroge la juge qui résume le dossier. « J’assure les échappatoires lorsque les policiers arrivent, je facilite les fuites grâce à des clefs et des badges permettant de fuir par le sous-sol par exemple et d'ouvrir les portes des bâtiments et accéder à l’arrière », poursuit le prévenu qui a été condamné à 18 mois de prison en première instance. « C’est très organisé tout ça, chacun à son rôle. Il y a celui qui a la drogue, l’autre l’argent, d'autres surveillent la venue de la police, et un accueille les consommateurs », détaille la juge.

La présidente d’audience intervient : « Vous avez été recruté par qui et dans quelles circonstances » ? Après quelques secondes d’hésitation, comme s’il était surpris par la question, le trentenaire déjà connu de la justice est catégorique : « Je ne veux pas parler de ça », marmonne-t-il comme s'il craignait que sa voix porte dans la salle d'audience. Abel a décidé ne pas attendre la fin d’audience et le délibéré. Peut-être a-t-il senti le couperet de la justice qui aggrave sérieusement sa peine ? Le « portier » de la galerie Wagner a en effet été condamné ce mardi à 4 ans de prison ferme, avec un mandat d’arrêt contre lui. Il est donc activement recherché par la police. Il écope en outre d’une interdiction de séjour dans le Gard de 5 ans.

"Je n'ai pas de chance avec la justice"

L’autre prévenu, Nordine (*) avance à la barre de la cour d’appel, encadré par deux agents pénitentiaires… Il est détenu pour un autre dossier de stupéfiants et son casier comporte de nombreuses condamnations, notamment des sanctions liées au trafic de drogue. Il est considéré dans l’enquête comme un leader du trafic, lui s’en défend farouchement. Il a été trouvé dans son sac et dans sa voiture près de 350 000 euros et des armes de guerre, des fusils d’assaut approvisionnés « Ma voiture est vieille, je n’ai pas d’argent, j’ai été obligé de replonger dans le trafic à cause d’une dette de ma famille. Ils sont dangereux ces gens. J’étais totalement sous leur contrainte, je ne pouvais pas faire autrement, ils m’ont dit : 'Tu prends le sac un point c’est tout' », affirme cet homme de 45 ans. Un sac dans lequel seront retrouvés près de 350 000 euros en petites coupures !

« Je n'ai pas de chance avec la justice, je n’ai jamais eu de chance », estime-t-il avant de fustiger la peine de 10 ans qui lui a été infligée en première instance il y a quelques mois. « J’ai pris une peine de criminel, et je risque 20 ans aujourd'hui mais je n’ai pas fait de crime. Je suis handicapé et avec des enfants petits », poursuit-il alors qu’il risque 20 ans car il est en récidive. « Mais votre handicap ne vous empêche pas d’être dans le trafic. Et puis si on regarde les conséquences sur la santé publique et les dégâts occasionnés par ces produits ce n’est certes pas un dossier de meurtre, mais les conséquences sont irréparables », nuance la juge. « Il n’était qu’une nourrice, il n’a pas de voiture de luxe, de maison agréable, et ne profite pas de voyages à Dubaï », essaie de convaincre son avocat.

L’avocat général Bertrand Baboulenne, (Photo archives)

L’avocat général, lui, ne trouve aucune circonstance atténuante à ces hommes qui sont des « membres actifs d’un trafic de drogue très structuré dans le quartier de Pissevin, une délinquance de cité pyramidale. Il y a régulièrement des règlements de compte ». Et pas plus tard que le week-end dernier, les armes ont encore parlé dans ce quartier populaire. « Un trafic qui est tellement lucratif. Dans la comptabilité retrouvée durant les investigations, celui qui est considéré comme l’un des chefs du réseau pouvait gagner jusqu’à 16 000 euros par jour », selon le représentant du parquet général. Nordine, lui, est présenté comme « un multirécidiviste du trafic de stupéfiants, il persiste et signe malgré ses problèmes de santé », accuse l’avocat général Bertrand Baboulène qui réclame une aggravation de la peine à 15 ans de prison. Au final, Nordine écope de 12 ans de prison avec un maintien en détention et une interdiction de séjourner dans le Gard pendant 5 ans.

Boris De la Cruz

(*) Les prénoms ont été modifiés.

Boris De la Cruz

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