SAINT-CHRISTOL-LEZ-ALÈS Impairs et maires…
À Saint-Christol-lez-Alès, les deux anciens maires de gauche, Jean Sirvin (1983-2008) et Philippe Roux (2008-2014), reprochent « d’importants dysfonctionnements » à leur successeur Jean-Charles Bénézet (UDI) lors du conseil municipal du 12 avril dernier.
Qui l’aurait cru ? De mémoire de Saint-Christolen, on n’avait jamais vu ça : les deux anciens maires réunis ! Deux adversaires qui se sont combattus, parfois avec beaucoup de véhémence, lors de plusieurs campagnes municipales. Même eux, assis côte à côte, n’ont pas l’air d’y croire : « Il en fallait pour qu’on se réunisse ! », lâche Philippe Roux. S’ils se sont associés pour cette conférence de presse unique, c’est qu’à les écouter, l’heure est grave.
Jean Sirvin : « Bénézet a dépassé les bornes ! »
Philippe Roux et Jean Sirvin, ainsi que les élues d’opposition Suzanne Coulet et Véronique Pautard, n’ont pas digéré le dernier conseil municipal. Trois points ont provoqué leur colère et un recours auprès du préfet du Gard, envoyé le 19 avril.
Logement social. Le premier porte sur la vente d’un terrain, acquis en 2010 sous l’ère Roux avec l’intention d’y construire 24 logements sociaux. Sept ans plus tard, les habitations ne sont toujours pas construites et le terrain est mis à la vente « à un prix sous-estimé », selon Jean Sirvin ; soit 210 000 euros alors que sa valeur se chiffrerait à environ 250 000 euros. « Bénézet, qui est toujours à l’euro près, perd 40 000 euros », soupire Jean Sirvin. Autre reproche des élus d’opposition : le projet n’est pas celui qu’ils avaient imaginé. « Au lieu de monter une opération avec un bailleur social, le terrain est vendu à un promoteur privé qui va construire seulement 10 habitations au lieu des 24 prévues initialement », déplore Philippe Roux. Et selon les opposants, ce changement de stratégie ne fait pas les affaires de la commune car « le déficit de logements sociaux est énorme sur Saint-Christol. Aujourd’hui, nous en avons environ 240 contre les 580 prévus par la loi ».
Contentieux. Les deux anciens maires ne décolèrent pas lorsqu’ils évoquent le deuxième point, concernant un contentieux opposant, depuis 2012, la mairie à l’Organisme de gestion de l’école catholique Saint-Christophe (Ogec). « Nous pensions l’affaire conclue depuis fin 2014. Et on apprend qu’un nouveau jugement du tribunal administratif a été rendu en décembre 2016. Autrement dit, le maire a complètement oublié de demander à son conseil municipal l’autorisation d’ester en justice ! Il a dépassé les bornes ! », s’irrite Jean Sirvin. Et d’ajouter : « Quand on sait qu’il est membre du conseil d’administration de l’Ogec, on peut s’interroger sur un éventuel conflit d’intérêts… ».
Confidentialité. Toujours lors du dernier conseil municipal, certaines révélations ont mis en rogne Philippe Roux. Jean-Charles Bénézet aurait fait référence au contenu des pré-conclusions de la Chambre régionale des comptes portant sur la gestion 2010-2015 de la commune. Problème, « le magistrat financier a demandé la pleine confidentialité de ces documents dans le cadre de la procédure d’instruction », souligne Philippe Roux. En tant qu’ancien maire, ce dernier doit apporter ses observations pour la période qui le concerne avant que le rapport soit officiellement rendu public. « Je ne vois pas pourquoi je serai soumis à confidentialité et pas lui ! », s’indigne l’opposant qui pointe « une faute déontologique évidente ».
Jean-Charles Bénézet réplique
Devant ces d'attaques, le maire tant décrié par ses prédécesseurs fait face sans sourciller. Dans son bureau, Jean-Charles Bénézet et ses adjoints, dossiers à l'appui, mettent les points sur les i.
Logement social. Sur la question du logement social, il reconnaît que la commune souffre d’un important déficit mais s’appuie sur des chiffres en progression. « Quand nous avons repris la municipalité en 2014, le pourcentage de logement social s’élevait à 8,1 %. Aujourd’hui, nous sommes à 9,4%. C’est loin du compte mais nous avançons », assure-t-il. Plus direct, le délégué à l’aménagement de la ville David Benkemoun commente les mandatures de Philippe Roux et Jean Sirvin : « C’est un peu facile de donner des leçons alors que les socialo-communistes, qui ont dirigé la ville pendant des décennies, n’ont pas réussi à faire mieux ! ».
Quant au terrain revendu à un promoteur immobilier, le premier magistrat confirme que dix logements sociaux et trois commerces seront construits, certainement d’ici fin 2018. « Nous avons étudié le projet de trois promoteurs et choisi le plus pertinent, explique David Benkemoun. Différentes contraintes devaient être prises en compte, ne nous permettant pas de construire davantage d’habitations sur cet emplacement (critères imposés par Bâtiment de France, recul de la résidence par rapport à la route, construction d’un bassin de rétention, etc.) ». Enfin, concernant le prix de vente « sous-estimé », Jean-Charles Bénézet invoque deux raisons : sa volonté « de ne pas faire de bénéfices sur du logement social », et « un surcoût de 40 000 euros de travaux » pour le promoteur, liés au désamiantage des garages existants.
Contentieux. Serein, le maire enchaîne avec le contentieux qui oppose la collectivité à l’Ogec. « Déjà, c’est un litige que nous avons hérité de l’ancienne municipalité », rappelle Jean-Charles Bénézet. « Ensuite, la décision d’ester en justice sur cette affaire a été prise au conseil municipal d’août 2014 », poursuit-il en brandissant le document. « La procédure suit son cours, mais c’est vrai que nous n’avons peut-être pas assez bien communiqué dessus », reconnaît-il. Et sur le prétendu « conflit d’intérêts », l’édile sourit : « Je ne fais plus partie du conseil d’administration de l’Ogec depuis que je suis maire… ».
Confidentialité. Le dernier reproche des opposants ne fera pas fléchir non plus Jean-Charles Bénézet. Accusé d’avoir « divulgué des informations confidentielles » de la Chambre régionale des comptes, l’élu UDI renvoie la balle à ses adversaires : « C’est eux qui en ont parlé publiquement en conseil municipal. Moi, j’ai juste dit quelques mots en commission municipale pour répondre à une question sur les choix budgétaires de la commune. C’est tout ».
Bien que surpris par cette soudaine et improbable union de Jean Sirvin et Philippe Roux, le maire de Saint-Christol-lez-Alès reste placide. « Vous savez, on fait le boulot bon an mal an, en tenant les finances. On a réalisé une grande partie des projets programmés », souligne-t-il. Élu pendant dix ans dans l’opposition avant d’être maire, Jean-Charles Bénézet conclut : « Je ne me serai jamais permis, à l’époque, de faire ces choses-là avec eux ». Les temps changent...
Élodie Boschet