Ce matin, c’est important d’apporter notre solidarité au journaliste du service public Patrick Cohen. Pas par corporatisme, mais parce que ce qui est en jeu dépasse une personne ou une rédaction. Quand un journaliste est publiquement mis en cause, soupçonné, intimidé ou sommé de se justifier pour son travail devant le pouvoir politique, c’est la liberté d’informer qui est fragilisée. La Commission d'enquête sur la neutralité, le fonctionnement et le financement de l'audiovisuel public a fait la démonstration hier de sa volonté d'affaiblir un contre-pouvoir démocratique sans avoir à le censurer officiellement. L'éditorialiste de France Inter a gardé son sang-froid et a surtout rappelé le rôle qui est le sien en tant que journaliste politique. Il ne fait finalement que son travail. D'ailleurs, sur la première station de France, personne ne peut dire que tous les auditeurs sont de gauche comme le prétend la galaxie Bolloré. Face au rapporteur ciottiste de cette pseudo-commission d’enquête, Patrick Cohen a dû s'expliquer sur une vidéo immortalisant un échange informel autour d'un café avec des acteurs politiques. Une vidéo qui n'aurait jamais dû le conduire jusqu'à l'Assemblée nationale. Il s'en est expliqué : "C'est comme si on demandait à un journaliste de la santé de ne jamais voir de médecin." Ensuite, parce que les images ont été volées. Enfin, cette vidéo est potentiellement une manipulation ou une falsification par un média identitaire dont le but était avant tout de discréditer les rédactions publiques. Patrick Cohen a rappelé ce climat préoccupant, utilisant les mots "espionnage" et "méthodes de barbouzes". Qui ont fait les belles heures de Cnews et Europe 1 ces dernières semaines. Des médias qui, décidément, sont devenus au fil du temps des entreprises non plus d'informations, mais d'opinions. Parfaitement ce qu'ils dénoncent au quotidien. Et que dire de cette commission ? Dont le rapporteur est certainement favorable, comme le Rassemblement national, à une privatisation des services publics. Revendus à qui ? Pour ceux que cela intéresse (ils sont nombreux), dans le dernier Classement mondial de la liberté de la presse de Reporters sans frontières (RSF) pour 2025, la France est aujourd'hui à la 25ᵉ position. Un signe que la liberté de la presse n’est plus perçue comme aussi solide qu’auparavant. De surcroit, les journalistes sont désormais exposés à de la violence en ligne. Insultes, discours de haine, menaces : un sentiment d’insécurité professionnelle. Alors, au lieu de savoir si le service public vote à gauche, les députés et les sénateurs auraient peut-être mieux fait de trouver les ressorts afin de protéger l'un des piliers de notre démocratie. Informer de manière indépendante, contrôler les pouvoirs, donner de la visibilité à tous. Est-ce encore possible sous un régime d'extrême-droite ?
Votre rubrique Éditorial prend quelques jours pour la trêve des confiseurs. Rendez-vous le 5 janvier 2026.