TRIBUNAL Trafic de cocaïne à Saint-Gilles : les trous de mémoire des prévenus
Sept suspects d’un vaste trafic de cocaïne basé à Saint-Gilles sont jugés du lundi 21 au mercredi 23 février 2022, au tribunal correctionnel de Nîmes. À l’audience, la mémoire paraît leur faire défaut au moment d’évoquer les faits.
Au centre du présumé réseau, deux frères, Zacharie et Hakim, semblent être rapidement revenus aux affaires après leur libération de précédentes peines de prison, respectivement en novembre 2018 et en janvier 2019. Dès le mois de septembre, les enquêteurs constatent ainsi que les deux Saint-Gillois changent fréquemment de véhicules pour se rendre régulièrement au quartier de Pissevin à Nîmes ou à Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône), tard en soirée.
« 80 km pour rester seulement deux minutes à Fos ? »
Le président du tribunal, Jean-Michel Perez, tente de questionner le plus jeune des deux frères. « Vous faites 80 km pour rester seulement deux minutes à Fos ? », tente-t-il de comprendre.
Lors de sa garde à vue, Zacharie va jusqu’à déclarer : « J’aime bien rouler, aller jusqu’à la mer, la regarder quelques minutes et rentrer chez moi. » Même nonchalance dans le box des détenus du tribunal : « Peut-être que je me suis simplement arrêté pour acheter le journal ou de quoi fumer, je ne sais pas, hausse-t-il des épaules dans son sweat de sport noir. Je m’en rappelle plus. » Le juge ne s’en contente pas. « Mais pourquoi aller si loin. On en trouve facilement à Saint-Gilles, non ? » Mais les réponses sont toujours aussi vagues. « Peut-être pour la qualité, je ne sais pas », se contente de répondre le prévenu.
"Chanel", "Rolex" ou "Boss"
Pour pallier les trous de mémoire des prévenus, les enquêteurs ont pourtant réalisé de nombreuses écoutes de leurs conversations téléphoniques dans leurs voitures ou chez eux.
Au téléphone avec leurs complices présumés - surnommés "Clint", ou "le loup" -, les deux frères multiplient les références à des critères de qualité, de prix, ou d’éventuelles transactions à Nîmes ou Avignon. Alors qu’en arrière fond sonore, on entend des bruits de plastique, d’élastique ou de machine à billet, ils semblent parfois à la recherche d’un transporteur pour la cocaïne – désignée comme "la Chanel", "la Rolex", ou "la Boss", voire d’armes.
« Je ne reconnais pas ma voix »
Mais malgré ces écoutes, les prévenus ne parviennent pas à retrouver la mémoire. « Vous évoquez très souvent des prix "33 ou 32", ou "de la pure". Ca vous parle ? », tente de relancer le juge, s’adressant cette fois au plus âgé des deux. « Je ne sais pas. Pas du tout monsieur le juge. Je suis étranger à cette conversation. Je ne reconnais pas ma voix », soutient tout aussi fermement Hakim, en survêtement noir à bandes jaunes.
Le juge fait la moue. « C’est difficile comme réponse. L’interlocuteur principal parle aussi des voitures que vous venez d’acheter !, pointe le magistrat. Les enquêteurs sont bien certains que c’est vous. » Mais le prévenu ne se démonte pas. « C’est ce qu’ils m’ont dit en garde à vue. Je leur ai demandé de faire une expertise vocale, mais ils n’ont rien fait… », se dérobe-t-il. Les prévenus, dont les deux frères, en récidive, encourent pourtant entre 10 et 20 d’emprisonnement. Le jugement est attendu ce mercredi.
Pierre Havez