Publié il y a 1 an - Mise à jour le 24.03.2023 - Propos recueillis par François Desmeures - 4 min  - vu 419 fois

FAIT DU JOUR Julien Camy, président d'Itinérances : "On peut parler de contexte social en parlant cinéma"

Julien Camy est président du conseil d'administration du festival depuis l'automne 2020

- (photo François Desmeures)

Le 41e festival de cinéma Itinérances sera lancé ce soir au Cratère. Avec son président, Julien Camy, tour d'horizon des moments forts d'un festival qui se tlent dans un contexte particulier. 

Julien Camy est président du conseil d'administration du festival depuis l'automne 2020 • (photo François Desmeures)

Objectif Gard : Quels seront, selon vous, les temps forts de ce 41e festival ?

Julien Camy : Ce sont, en premier lieu, les rencontres avec les artistes et créateurs à l'honneur : Michel Hazanavicius, Delphine Schmit, Massoumeh Lahidji, Pierre Salvadori et Jimmy Laporal-Trésor. Ce dernier avait obtenu le prix du meilleur court-métrage l'an dernier, alors même qu'il finissait son premier long métrage. Il parlera de ce passage du court au long avec son film Les Rascals. On remettra également le 2e prix itinérances, à Pierre Salvadori. Les invités donneront des master class et des temps de rencontre, soit une multiplication des moments où les artistes expliquent leur travail, ce que permet un temps de festival. Puis, il y aura aussi les rendez-vous qui sont l'ADN et les piliers qui font le succès du festival, comme la compétition de courts métrages, avec 1 000 à 1 500 propositions qui nous sont soumis. 

Le court-métrage parvient-il à rassembler du public ?

Il existe un public de passionnés de court-métrage, cela fait partie des séances les plus pleines du festival. C'est aussi parce qu'on retrouve les réalisateurs plus tard - ou pas, d'ailleurs - ce sont des cinéastes plutôt jeunes, plein de vie et d'énergie. 

S'il y avait, selon vous, un film à sélectionner parmi les nombreuses avant-premières, lequel choisiriez-vous ?

L'ouverture, ce soir à 18h, sera très belle avec C'est mon homme, de Guillaume Bureau, avec Leila Bekhti et Karim Leklou. J'aime aussi beaucoup Le Capitaine Volkonogov s'est échappé. C'est esthétiquement très fort, sur le pardon dans les régimes fascistes. Il y a aussi Le Principal, avec Roschdy Zem. Et puis, 29 173 NM, réalisé par un artiste vidéaste et musicien qui a placé environ quinze caméras et micros dans le bâteau de Thomas Ruyant lors du Vendée Globe. Le film est une expérience hallucinante, très fort. On n'est pas loin du film expérimental. 

"On a tenu à ne pas augmenter le prix des places"

Côté public, ne craignez-vous pas une baisse de la fréquentation dans le contexte actuel ?

Après des années compliquées - avec une annulation en 2020, un festival sous contrainte en 2021 - l'affluence s'est relevée en 2022. Mais pas au niveau de 2019. Le contexte social peut-il jouer ? C'est certain. Est-ce que ce sera en défaveur ? Je ne saurai le dire qu'après. Évidemment, on va parler du contexte social. Pourquoi, d'ailleurs, ne pas venir ici pour échanger et imaginer des choses ? D'ailleurs, la hausse des coûts concerne aussi l'organisation du festival. Mais on a tenu à ne pas augmenter le prix des places. Et même d'offrir des possibilités importantes pour les lycéens et étudiants. Parce que pour retrouver un public d'art, si on ne fait pas d'effort, ils ne reviendront pas. On ne peut décemment pas passer la place à 9 ou 10 €. Il faut que le cinéma reste un art populaire. Quand je vois, désormais, qu'on place le public au siège dans certains cinémas, ce n'est pas du théâtre...

Mais comment faire entrer la contestation actuelle dans le festival ?

On va évoquer le contexte social à l'ouverture, notamment parce que le monde du cinéma a publié une tribune, relayée par le journal Libération (*), signée aussi par des invités qu'on reçoit (comme Michel Hazanavicius, NDLR). Ceci s'inscrit dans l'idée que le système doit protéger le monde de la culture. Donc, on va parler de cette tribune et on montrera que le cinéma a déjà évoqué ces questions de la retraite et qu'il est ouvert sur le monde, qu'on peut parler de contexte social en parlant cinéma. Nous ne sommes pas dans un prise de position partisane. Mais il est évident qu'il y a des travaux pénibles. 

"La salle de cinéma devient un enjeu de déconnexion"

Avez-vous réellement senti un retour du public dans les salles cette année, ou bien Avatar et Astérix sont les arbres qui cachent la forêt ?

L'enjeu, c'est de reconquérir un public jeune pour l'ensemble des acteurs de la culture, sauf la musique qui a bien tenu. Mais pour le cinéma, pour le théâtre, c'est un des gros enjeux : faire revenir le public lycéen et étudiant. Si les films Marvel arrivent à sauver des salles de cinéma, c'est tant mieux. L'inquiétant, c'est que Netflix ou Amazon prime commencent déjà à vieillir aux yeux du public. Des séries de 50, 40 minutes, c'est trop long, les jeunes sont sur Tik Tok. C'est presque social et sociétal : la salle de cinéma devient un enjeu de déconnexion. Quand est-ce qu'on prend le temps regarder et de se concentrer sur quelque chose pendant une heure et demie ou deux heures ? Si on ne fait pas trois choses en même temps, désormais, on s'ennuie. Ça oblige à se déconnecter et à se connecter à un autre avec qui on partage quelque chose dans une salle de ciné. 

Pour les professionnels du cinéma, quelle place tient désormais Alès sur la carte ?

Itinérances est reconnu au point de vue national. La compétition de courts métrages est en catégorie 1, ce qui veut dire qu'on peut demander des aides au CNC (centre national du cinéma et de l'image animée) si un court-métrage a été sélectionné à Alès. Tout le monde reconnaît le travail qui a été fait auprès du public. On a reçu 49 000 personnes en 2019 dans une ville de 50 000 habitants. C'est pas mal... Nous sommes l'un des quatre plus gros festivals du sud, avec Cannes, Marseille et Montpellier. Si nous n'avons pas la renommée de certains festivals plus petits, c'est parce que nous n'avons pas de compétition de longs métrages, ce qui était un choix. Le prix Itinérances, désormais, c'est une façon de défendre le cinéma qu'on aime depuis 40 ans. 

D'un point de vue personnel, après l'ouvrage Sport et cinéma, sorti en 2021, vous avez autre chose en préparation ?

Le premier documentaire sur Daniel Prévost - et peut-être le dernier - avec Daniel Prévost lui-même et... sa banane. Sport et cinéma devrait être prolongé en 2024, par une exposition à Paris, de juin à septembre. 

(*) www.change.org/p/retraites-lettre-ouverte-des-professionnel-les-du-spectacle-à-emmanuel-macron?recruiter=false&utm_source=share_petition&utm_campaign=psf_combo_share_initial&utm_medium=whatsapp&utm_content=washarecopy_35782535_fr-FR%3A4&recruited_by_id=d610a270-c8df-11ed-b9ea-898545ae59ec

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