THÉÂTRE La nouvelle compagnie gardoise SaMsa sur les planches ce dimanche
La jeune compagnie SaMsa, basée à Générargues, jouera ce dimanche son premier spectacle "Du pain plein les poches" au festival AVeC'envie d'Anduze. Les comédiens, Aurèle Marcadal et Sofi Naff, interpréteront deux personnages qui s'égarent en atermoiements pour sauver un chien prisonnier. Une critique minutieuse de notre difficulté à outrepasser nos peurs pour passer à l'acte. Rencontre avec Christine Tachie, metteur en scène originaire de l'Aveyron.
Objectif Gard : Votre compagnie a été créée début 2014 au cœur des Cévennes. Comment est-elle née?
Christine Tachie : J'ai d'abord rencontré Sofi Naff avec qui j'avais envie de monter une pièce de Peter Handke. Il nous fallait pour cela deux autres comédiens, et j'ai assisté au cours d'Aurèle Maracadal avec qui le courant est bien passé. La manière d'enseigner est souvent représentative d'une personnalité. Par la suite, ne trouvant pas de 4e partenaire, on a opté pour le duo imaginé par Matéi Visniec dans "Du pain plein les poches". Le texte est riche et la thématique intéressante par rapport à nos sensibilités respectives.
OG : Qu'est-ce qui vous relie à vos partenaires ?
CT : Nous aimons les héritiers de l'absurde, l'humour noir et grinçant, ainsi que la dimension poétique que l'on ne trouve pas dans tous les textes contemporains. Enfin, l'aspect engagé ou politique est important pour nous.
OG : Les personnages, Canne et Chapeau, ne tombent d'accord que lorsqu'il s'agit de ne rien faire. Sommes-nous tous lâches face à nos décisions?
CT : Ces personnages ne sont pas lâches. Simplement, ils ne croient plus à la force de leur action. A l'origine, ce texte, écrit par un auteur roumain sous la dictature de Ceausescu, est la métaphore d'un peuple qui n'arrive pas à sortir de l’aberration du régime. Aujourd'hui, ce travail est toujours d'actualité. Nous sommes dépassés par un système où l'on ne trouve pas d'échappatoire. On a délégué notre capacité à penser le monde et on a oublié qu'on était capable d'agir. En France, on râle beaucoup, mais ce n'est pas un mode d'action.
OG : Quelle serait cette action?
CT : Il faut remettre la mécanique en question. Je pense qu'il faudrait tout arrêter. Le chaos se formerait et ça permettrait peut-être de faire bouger les choses.
OG : Quel est votre objectif dans cette pièce?
CT : Que les gens repartent avec des questions, pas des réponses. Il y a d'ailleurs plusieurs niveaux de lecture dans ce texte qui peut aussi s'appréhender au premier degré. Il est aussi percutant chez les enfants. Dans la vie quotidienne, on a également du mal à prendre des décisions.
OG : Vous avez choisi de faire de la lumière un 3e personnage, pour quelle raison?
CT : J'ai souhaité un effet de lumière pour créer une sensation d'enfoncement. Progressivement, les couleurs se réduisent deviennent violine, en même temps que les personnages prennent conscience de la réalité de leur condition. La lumière doit participer de manière inconsciente aux sensations du spectateur.
OG : Le duo Canne/Chapeau a parfois des accents clownesques. Est-ce une manière de dynamiser le spectacle?
CT : Non, c'est un choix artistique. Ça apporte une manière d'être et un jeu distancié par rapport au tragique. En fait, c'est encore plus tragique avec le clown. Mais on ne s'en rend compte qu'à la fin.
OG : Votre pièce a été présentée en septembre à Lézan mais vous peinez à trouver des dates pour vous faire connaître. Est-ce parce qu'il n'y a pas assez de salles équipées dans le Gard?
CT : Oui, mais pas seulement. Même si nous avons tous les trois un parcours riche et complet dans d'autres régions, notre compagnie est jeune et nous n'avons pas encore de réseau ici. Sans contact, il est difficile d'être soutenu. D'autant que la demande est extrêmement importante. Mais c'est ce qui fait aussi la richesse de la création en France.
Propos recueillis par Eloïse Levesque
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