Publié il y a 2 ans - Mise à jour le 18.06.2021 - marie-meunier - 4 min  - vu 298 fois

GARD Taxes Trump suspendues sur le vin : "une très bonne nouvelle" au Château Saint-Nabor

Jérémie Castor, avec son frère Raphaël, sont la 6e génération à la tête du domaine familial. (DR)

25% de droits de douane supplémentaires. C'est ce qu'imposaient les taxes Trump sur le vin français depuis 2019. Une pénalité infligée par les États-Unis dans le cadre du conflit commercial entre Airbus et Boeing. Déjà en mars, l'Union européenne et les USA s'étaient mis d'accord sur un moratoire suspendant quatre mois ces surtaxes douanières. Bonne nouvelle officialisée ce mardi, les vignerons et caves français en seront encore dispensés pour cinq ans.

Du côté des vignerons exportateurs français, c'est le soulagement. Jérémie Castor, à la tête du domaine Château Saint-Nabor (Cornillon) avec son frère Raphaël depuis 2008, a exprimé sa joie et est revenu sur les conséquences qu'a eu cet incident diplomatique sur son affaire.

Objectif Gard : Exportez-vous beaucoup de vin aux États-Unis ?

Jérémie Castor : Oui, on a une portée internationale et on couvre une quinzaine d'états. Pour nous, la suspension de ces surtaxes est une très bonne nouvelle. On a passé de mauvais moments avec ces taxes Trump, et là, ça nous donne un peu d'air pour planifier l'avenir à moyen terme. Jusqu'à présent, on ne savait pas où on allait, les exportateurs non plus...

Combien de bouteilles produisez-vous par an ?

En moyenne, on produit 800 000 bouteilles. On exporte environ 10 % de notre production. Aux États-Unis, on est plutôt entre 40 000 et 50 000 bouteilles. Ce n'est pas rien.

Cette décision de cinq années sans taxe a vraiment dû vous soulager...

Pendant ce moratoire de quatre mois, les délais étaient très courts. Avec la crise actuelle, il y avait peu de containers, peu de bateaux partaient... Là, on va vraiment retrouver de la sérénité et pouvoir nous replonger dans notre véritable métier : la vente de notre vin, sans penser aux contraintes administratives, aux politiques qui nous concernent en rien... Il y a eu un gros ras-le-bol des producteurs car on était pris en tenaille dans un débat qui ne nous appartient pas. Mais il fallait taper fort sur l'image, et qu'est-ce que c'est l'image de la France ? C'est le vin. C'est comme cela qu'ils ont un peu pris en otage notre industrie.

Que ressentez-vous face à ces années "pénalisées" par ce conflit aéronautique qui, comme vous le dites, ne vous concerne en rien ?

On ressent beaucoup d'amertume sur ces années perdues. Ça a fait du mal à long terme. Il y a beaucoup de petits importateurs, petits distributeurs qui ont souffert de ça. Tout le monde n'a pas pu prendre en charge ces taxes.

Vous avez continué à importer malgré tout ?

Oui, on a une bonne relation avec notre importateur, et ça a été fait très intelligemment. On a pris en charge une partie de ces taxes. Le marché du vin aux États-Unis est complexe. Une bouteille qui se vend entre 10 et 15 $, c'est ce qui s'appelle le sweet spot, la fourchette dorée pour vendre. Ce que l'Américain moyen est prêt à mettre. Pour prendre un exemple, notre rosé d'été gris qui est très agréable était très apprécié là-bas. Il était autour de 13,50 $ et l'augmentation l'a fait passer au-dessus de 16 $. Et on a perdu des ventes à cause de ce prix psychologique dépassé. Ça nous a fait basculer dans une autre tranche de prix qui était beaucoup plus compliquée pour nos clients. Les Américains vont plutôt se rabattre vers des grandes marques connues. Les marques en cours d'établissement ou débarquant sur le marché ont subi la double peine.

C'est-à-dire ?

En plus du prix qui augmente et décourage les ventes, on ne pouvait plus aller là-bas promouvoir notre vin. Moi, ça fait deux ans que je n'y vais pas. Ça manque car le client américain aime bien voir le producteur. On n'y va plus, donc on ne nous voit plus, donc on ne pense plus à nous...

Depuis combien de temps exportez-vous aux États-Unis ?

Nous sommes présents aux États-Unis depuis 2008. J'y allais entre deux et trois fois par an, entre dix et quinze jours, avec un gros budget. Ça prend bien, dommage qu'on ait eu ce ralentissement. On est sur une bonne tendance, les gens aiment nos produits mais c'est long pour s'ancrer. Faut y être très souvent. Là-bas, c'est un marché où la loi Evin n'existe pas, donc il y a énormément de publicités pour les alcools. Les grands groupes français investissent beaucoup dans le marketing et dès qu'on ne nous voit plus, on nous oublie rapidement, car d'autres marques créent la tendance.

Avez-vous une idée du préjudice financier que ces taxes ont engendré ?

J'ai eu un container de moins en décembre 2019 et je pense en avoir perdu deux sur 2020. C'est dur à évaluer mais rien qu'avec ça c'est 30 000 bouteilles perdues. C'est frustrant. On connaît les problèmes du gel, des chaleurs et les caprices de la météo. En tant que paysan, on est rodé pour faire face à des challenges qui apparaissent tous les jours. Mais le gros problème ici, c'est qu'on a été touché par quelque chose qui ne nous concernait pas et on a ressenti une forte injustice. On a l'impression d'avoir été délaissés par les pouvoirs publics et pas écoutés assez tôt. On attend aujourd'hui un vrai soutien de leur part. Car notre filière n'a pas à souffrir des décisions politiques extérieures.

Propos recueillis par Marie Meunier

Marie Meunier

Economie

Voir Plus

A la une

Voir Plus

En direct

Voir Plus

Studio