NÎMES EN FERIA Quatre oreilles pour un solo « Luquesque »
Solo de Daniel Luque (oreille, silence, silence, oreille, deux oreilles, applaudissements) sur un lot de La Quinta. Une vuelta al ruedo pour le cinquième de la tarde.
Un solo est un exercice à part entière. Pour y prétendre, il faut une force mentale particulière, une prégnance physique impeccable, des recours techniques spécieux et une envie à toute épreuve. Daniel Luque a du caractère, rappelons qu’il a pris son doctorat ici même et que Nîmes l’aime.
Une corrida en solitaire n’est jamais anodine, le maestro peut imaginer six faenas différentes et des événements typiques mais ce sont les toros qui décideront de la temporalité et de la faisabilité de ces détails.
Un solo, c’est une aventure contre six toros mais surtout contre soi-même.
Les toros choisis par luque sont ceux de La Quinta. Du sang de Conde de Santa Coloma via Buendia, des toros présents dans les ferias nîmoises depuis 14 ans et qui déçoivent rarement.
Avec le vent qu’il fait depuis le début de la feria on s’attendait, on redoutait le pire. Mais Luque est Luque et le maestro a détourné le souffle d’Éole pour pouvoir sortir en triomphe.
Premier bicho et première oreille, quasi logique au vu d’un solo pour Daniel Luque qui est sorti saluer les tendidos à l’issue du paseo. Le visage fermé mais avec en lui l’envie de triompher, Daniel Luque est un peu Nîmois et il avait à cœur de montrer des choses à son public. Face à un bravito le natif de Gerena exécute une faena typique de son toreo avec un final des plus sérieux alliant temple et douceur.
On croyait la course bien lancée mais le vent et un deuxième toro des plus insipides auront raison de l’aficion refroidie par un réel manque d’intérêt. Luque n’a pas grand-chose à se reprocher, un solo, c’est long, et il faut aussi savoir s’économiser. Silence.
Le problème commence à se poser au troisième de la tarde. Un La Quinta qui est presque aussi sans goût que le compagnon qui le précédait. S’économiser, sur celui-là, Luque ne le fera pas. Il essaiera, tant bien que mal, de passer à droite, à gauche, en haut, en bas mais ne trouvera pas la clé du bonheur. Nouveau silence, la course baisse d’un cran.
Les applaudissements reviennent vite avec Daniel Luque ! Il coupera une belle oreille au quatrième de la course. Devant un toro qui coopère mais qui avertit le piéton de temps à autres, Luque se démène mais c’est l’un de ses sobresalientes, El Califa de Arangua qui assure le show. Décidé à prendre les bâtonnets, le maestro s’avance, s’élance et rate la cible en se claquant par la même occasion. Les arènes sourient, passage à l’infirmerie et nul ne reverra le calife. Cela ne désarme pas Luque qui reprend la lidia du bon petit toro et toréer avec pouvoir dans les bons terrains. Suave et rond, le toreo de Luque sait aussi être vertical et poderoso. Il le prouve une nouvelle fois.
Enfin deux oreilles ! Et pas imméritées non plus ! L’excellent palco présidé par Laurent Burgoa a permis un réel triomphe. Et puis il y a eu ce toro de vuelta, un certain Beduino, le plus léger de l’après-midi avec ses 491 kg. Et puis il y a eu Luque qui, après une paire de banderilles, s’est mis à poser les deux dernières dans un élan joyeux plein d’allégresse et agrémenté d’un sourire ! Voilà un maestro qui done alors qu’on ne s’y attendait pas. Encore un toreo des plus précis, chirurgical. Luque fait dans la naturelle à droite, dans la naturelle classique, dans l’aguante total pour une alchimie quasi parfaite, vibrante souvent et qui sera bonifiée par une belle épée et deux oreilles.
Dernier toro des six que l’Espagnol devait tuer et premier constat avant la fin, la mission est accomplie, le défi relevé. Passons maintenant à cet ultime combat. Luque n’entendra que les applaudissements mais ils étaient sincères. Le toro, fade comme les deuxième et troisième, fait retomber la sauce. Cependant, Luque continue, se régale et distille encore des dizaines de passes en offrant une variété peu commune chez lui. Celles et ceux qui, à juste titre, craignaient la monotonie de ce solo auront de quoi discuter.
Un solo réussi !
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