Publié il y a 1 an - Mise à jour le 13.01.2023 - Propos recueillis par François Desmeures - 10 min  - vu 7455 fois

FAIT DU JOUR À La Grand'Combe, Patrick Malavieille dit adieu à son écharpe de maire

La mairie de La Grand'Combe devrait avoir, fin janvier, un nouveau locataire, qui sera sans doute Laurence Baldit

- (photo François Desmeures)

C'est ce soir que Patrick Malavieille prononcera ses derniers voeux en tant que maire, avant d'envoyer sa démission en préfecture ce lundi. Il restera conseiller municipal de La Grand'Combe, vice-président d'Alès Agglo et du Département. S'il gardera un mandat de conseiller départemental jusqu'en 2028, il se livre déjà à un premier bilan de l'action politique qu'il entama, comme militant communiste, en 1980. Entretien dans son bureau de maire (qu'il a occupé entre 1995 et 2001, et depuis 2008), entre un buste de Jaurès et les paroles de La Marseillaise encadrées et sous verre. 

Objectif Gard : Patrick Malavieille, à quand remonte votre engagement en politique ?

Patrick Malavieille : Je me suis engagé pendant la grève des mineurs de Ladrecht, donc en 1980. Il y avait encore plus d'un millier de mineurs qui travaillaient, c'était la période de préparation de l'élection présidentielle. C'est ce qui m'a amené à me rapprocher de la politique. J'ai fait la campagne de Georges Marchais en 1981. Puis, j'ai adhéré au parti communiste français. 

Le parti communiste, c'était une évidence ? 

On était toute une équipe de copines et de copains. Et, pour nous, l'engagement dans le mouvement politique était aussi une manière de vivre, une forme de vie active. On s'est donc mis à militer et on a mené de pair des engagements nationaux et plus locaux. J'ai adhéré au PC parce que c'est le parti qui m'aparraissait le plus proche de ce que je souhaitais pour les gens, c'est-à-dire plus de justice sociale, de solidarité, de lutte pour la paix et contre le racisme. Je n'ai pas du tout adhéré sur les idées du socialisme de l'Union soviétique. 

On était pourtant encore dans le contexte de deux blocs qui s'affrontent...

Effectivement, et c'était, d'ailleurs, l'objet de vives discussions en interne. Nous qui avions vingt ans à l'époque, on n'était pas en phase avec ça. On a mis du temps à remettre en cause tout ça, comme on l'a fait par la suite. 

"Je ne me suis pas engagé pour être mais pour faire"

1980, c'est aussi la phrase de Georges Marchais sur le "bilan globalement positif" des pays socialistes...

Effectivement, c'est le "bilan globalement positif" et même l'invasion de l'Afghanistan... Et, aussi, les années qui ont suivi avec le mur qui tombe à Berlin et les pays satellites qui s'effondrent les uns après les autres. Nous - l'équipe de copines et de copains - on a toujours été assez critique sur ça. Mais, le fait de vouloir changer la vie et le monde étaient plus forts. Et puis, j'ai trouvé au PC beaucoup de fraternité, c'était une grande famille. Mon histoire personnelle y a fait aussi : quand j'ai perdu mes parents, deux familles ont beaucoup compté pour moi, la famille Arcangioli et la famille Bauducco. Et, même si je n'ai pas été endoctriné - loin de là, au contraire - j'ai partagé beaucoup de choses. Ensuite, rien ne m'a poussé à partir du PC même si, par la suite, je n'ai pas toujours été d'accord avec un certain nombre d'orientations. Mais pas au point de quitter ce parti. C'est une forme de fidélité et de reconnaissance. On m'a souvent dit, "mais si tu avais été au parti socialiste, tu aurais été président du Département, ceci ou celà". Je ne me suis pas engagé en politique pour "être" mais pour "faire". 

Comment passe-t-on du militantisme à la candidature à un mandat ?

Ça m'est tombé un peu dessus. J'avais été "repéré" par le maire de l'époque, un maire socialiste d'ailleurs, qui s'appelait Maurice Larguier et qui, en 1983, créait une liste d'union de la gauche - chose qu'il n'y avait jamais eu à La Grand'Combe, ce n'était pas un bastion communiste : il a fallu attendre 1995 pour qu'il y ait un maire communiste. Maurice Larguier a donc proposé à Ferdinand Durand - mon prédécesseur comme conseiller général - de monter une liste d'union. Donc j'entre, le 23 mars 1983, au conseil municipal, il y a 40 ans. 

(photo François Desmeures)

Jusqu'à devenir maire...

Je suis donc conseiller municipal en occupant plusieurs fonctions. Et puis, en 1989, la Droite gagne la mairie face à deux listes socialistes et une liste communiste. Je suis donc dans l'opposition pendant six ans. Puis, maire en 1995.

"Je n'ai pas un caractère facile"

Vous avez été - ou êtes encore - maire, conseiller général, conseiller régional, député... (1) Quelle est la fonction élective qui vous a le plus satisfait ?

Le mandat dans lequel je me suis pleinement épanoui, c'est celui de maire. D'abord, parce que tu es le "patron". Et qu'entre le moment où tu décides et le moment où tu fais - même si c'est parfois trop long pour les concitoyens - c'est sans doute, au niveau d'une mairie, le plus rapide. Le mandat où j'ai pris beaucoup de plaisir, c'est le mandat régional. Parce qu'avec une vision sur les cinq départemens et une délégation importante (la culture), ça m'a permis de mieux comprendre le mouvement global d'un territoire, surtout aux côtés de Georges Frêche - dont on peut penser ce qu'on veut mais qui est un grand chef d'équipe. L'Assemblée nationale a été le mandat le plus compliqué (2) parce que j'étais à la fois député et maire, et donc il fallait passer des problèmes nationaux, voire internationaux, à gérer le lendemain le container qui est trop plein, l'herbe du cimetière, etc. Il faut avoir la capacité à le faire et c'est très difficile. Même si c'est utile ! Je sais qu'il y a beaucoup de débats sur le cumul des mandats mais on voit, aujourd'hui, comment parfois les parlementaires peuvent être hors sol par rapport à des réalités concrètes quotidiennes...

Et puis, le Département, c'est un peu mon socle, puisque j'y suis depuis 1988, avec plusieurs périodes de responsabilités : d'abord les transports scolaires ; puis les collèges - qui fut la période faste, avec Damien Alary, qui a vu la construction de nombreux établissements (Lédignan, Saint-Géniès, Bagnols, Uzès, etc.) ; et enfin, la culture et le patrimoine avec le Pont du Gard. Ce sont des mandats différents et j'ai eu la chance de travailler avec des personnes formidables. Parce que, comme je dis souvent, les élus font les fonctionnaires mais les fonctionnaires font aussi les élus. Partout, j'ai pu compter sur des collaboratrices et collaborateurs engagés. Je sais que je n'ai pas un caractère facile et que la doctrine de la maison est de ne jamais reporter au lendemain ce qu'on peut faire le jour même. Donc, je suis très exigeant mais je pense l'être aussi envers moi-même. 

"J'aurais aimé aller plus vite dans le domaine économique"

Dans tout ce parcours, quelle est la loi, la décision municipale ou l'engagement départemental dons vous resterez le plus fier ?

Au niveau législatif, deux me tiennent à coeur. D'abord, la reconnaissance de la guerre d'Algérie, qui a enfin été nommée par son nom, en 1999. Puis le Pacs (pacte civil de solidarité, NDLR) et tous les épisodes avec la mère Boutin et consorts. Et puis, chose intéressante que peu de personnes savent, l'instauration des EPCC (établissements publics de coopération culturelle, NDLR). Jamais je n'aurais pensé que, vingt ans plus tard, j'en aurais présidé un (l'établissement du Pont du Gard, NDLR). Au niveau du Département, ce sont l'ensemble des politiques publiques sous les différentes mandatures. Et au niveau municipal, l'objectif a toujours été de compenser l'image de la ville, en redorant son blason par une activité municipale continue et des projets à la fois du quotidien et structurants. Je pense à la maison de santé, à la médiathèque Germinal, au plan local de l'habitat et le passage à Habitat du Gard, la zone économique Humphrey-Davy, les nouvelles énergies avec le champ de panneaux photovoltaïques, le passage en zone de gendarmerie, le nouveau centre de secours, etc. 

A contrario, y a-t-il quelque chose que vous pensez avoir mal fait ou regrettez de ne pas voir aboutir ?

J'aurais aimé aller beaucoup plus vite dans le domaine économique. La préfète en place nous a aidés, récemment. Mais on a perdu beaucoup de temps, pas par notre faute, mais pour des problèmes juridiques, administratifs. Et puis, aujourd'hui, je regarde moins ce qui a été fait que ce qui reste à faire : l'avenir, pour cette commune passe par le développement économique. C'est pourquoi le projet Pise 2030 (3) est très important. L'enjeu, pour l'avenir de cette ville, est qu'on se dise "chouette, je vais habiter à La Grand'Combe". Et pas qu'on soit plaints. C'est pour ça qu'il faut faire évoluer les mentalités, travailler sur l'espace public, démolir ou rénover, construire de nouveaux projets... Il faut que les gens se sentent bien dans une ville, raison pour laquelle il faut se battre pour le maintien des services publics et continuer à soutenir le milieu associatif. 

"Quand je me suis engagé, c'était pour moi et pour les autres"

Qu'est-ce qui, dans la société française, a changé depuis 1988 et vous a forcé à adapter votre discours ?

Ce qui me semble avoir beaucoup changé, c'est cette société qui est beaucoup plus individualiste. L'engagement pour le collectif est plus rare, et ça pose question. On règle son problème, et tant pis si on le règle au détriment du voisin. Ça, c'est dangereux. Et moi, justement, quand je me suis engagé, c'était pour moi et pour les autres. Réussir sa vie ne passe pas simplement par avoir son boulot et sa maison, pour moi. Ou pas que. Mais aussi par "qu'est-ce que je fais pour le territoire où je vis, pour les gens qui m'entourent ?" Et la trace qu'on laisse, c'est plutôt celle-ci. 

Cette absence de sens collectif, cet individualisme dont vous parlez, ne vous fournissent-ils pas un regard pessimiste sur l'avenir de la gauche ?

Non parce que je pense qu'il peut y avoir du rebond. À la condition qu'on donne des signes. L'engagement, c'est très exigeant, ça peut faire peur. Mais, en même temps, il faut donner un peu d'espoir. Pour la gauche, c'est un enjeu de donner du sens, de la perspective et d'avoir des objectifs. Par exemple, la question de la réforme des retraites ne devrait pas être qu'une affaire comptable ou financière. Il faut donner des arguments, faire des contre-propositions. 

Pour un politique comme vous qui avez traversé les décennies, votre plus grand regret n'est-il pas de voir que moins de la moitié des gens se déplacent pour une élection...

C'est de voir qu'il y a de moins en moins de monde. Et de voir le poids que représente l'extrême droite. Quatre députés Front national (sic) dans un département comme le Gard, c'est terrible. Parce que même si Marine Le Pen a essayé de ravaler la façade et d'être plus présentable, les fondements du Rassemblement national sont basés sur des valeurs abjectes. Je suis assez satisfait que dans une ville comme la nôtre, on ait pu résister aux assauts répétés du Front national. 

"La Grand-Combe et Alès sont des communes soeurs"

Selon vous, quel avenir est réservé à une commune comme La Grand-Combe ?

Je crois beaucoup à l'avenir du nord du Gard. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'ai souhaité qu'on se rapproche d'Alès Agglomération, ce qui m'a parfois été reproché, y compris par certains de mes propres amis. Mais j'ai toujours pensé que La Grand-Combe et Alès sont des communes soeurs, historiquement. Le nord du bassin (La Grand'Combe, Bessèges, Génolhac...) est beaucoup plus diffficile à développer que la zone sud (Saint-Hilaire-de-Brethmas, Saint-Privat-des-Vieux, etc.) Rééquilibrer le bassin permet de faire avancer tout le monde. On l'a vu avec les effets du Covid, et les difficultés du foncier sur le sud : la demande remonte. Il y a aujourd'hui une nouvelle appétance pour des acquisitions, de gens qui s'installent, à la retraite mais pas que. Ce qui veut dire qu'on a désormais un regard sur la ville qui n'est pas celui des anciens. J'ai toujours essayé de tenir les deux bouts : ne jamais oublier le passé, mais en se projetant, il ne faut pas que la nostalgie soit un frein au développement. Je pense que le territoire connaîtra le rebond.

Et pour les Cévennes, ne craignez-vous pas un avenir proche du Luberon ?

Il faut développer tout ce qui peut l'être au travers du tourisme. Mais il faut absolument garder de l'activité économique à l'année et pas seulement une région de vacances où les volets sont fermés de septembre à mai. Ça pose la question des services publics. Sans maison médicale, aussi, on était un désert. Je crois vraiment que ce territoire a de l'avenir, et c'est aussi vrai pour l'agglomération. Parfois ça peut surprendre, mais à l'agglomération, on est vraiment dans une majorité de territoire. Et pas dans une majorité politique, comme à Nîmes, où il y a des groupes. Je ne suis pas aux Républicains et Rivenq n'est pas au Parti communiste. Mais nous travaillons pour le territoire. Et on n'est pas sur un territoire où on peut se quereller à des fins politiciennes, sinon on regarde passer les trains. 

"Avec Rivenq, une relation de confiance"

Quel travail d'un politique vous a le plus impressionné au cours de votre carrière ?

Sans hésiter, c'est Georges Frêche. Après, le positionnement politique des uns et des autres ne m'a jamais gêné. Avec Max Roustan, on a été adversaires et on s'est même bien "châtaigné". Mais je crois qu'on a un profond respect l'un pour l'autre. Puis, j'ai eu une longue période avec Damien Alary : on a été élus deputés en 1997, on a cheminé longtemps ensemble... J'ai aussi beaucoup travaillé avec Denis Bouad. Et puis, avec Rivenq, on a cette relation de confiance. Qui peut parfois un peu étonner mais - on l'a vu quand on a travaillé sur le dossier label capitale française de la culture - j'y ai été à fond, et ça ne me gêne pas. Ce n'est pas un problème de préséance, l'essentiel est le territoire. Sinon, je pouvais rester président de communauté de communes, on n'était pas tenu par la loi de fusionner. J'ai senti, dans mon for intérieur, que ce n'était pas ce qui était bon pour La Grand'Combe. 

Quelle impression aimeriez-vous qu'on garde de vous ? Le volontarisme politique ? La capacité à mener vos dossiers jusqu'au bout ? La recherche du dialogue, y compris avec le camp d'en face ?

(Il réfléchit) L'idée que j'ai fait ce que j'ai pu. 

Pour le coup, c'est presque trop modeste...

Mais je suis d'origine modeste... Oui, j'ai fait ce que j'ai pu. On aurait aimé faire plus, plus vite, mieux... J'ai fait ce que j'ai pu, en toute honnêteté. Ça ne m'est jamais monté à la tête : mon père était maçon, ma mère était mère au foyer, j'habitais aux HLM de Trescol, j'ai perdu mes parents tôt... Je suis plutôt redevable. C'est plutôt une belle histoire. J'aimerais aussi qu'on respecte ce pour quoi je me suis beaucoup battu, le respect de nos jeunes : qu'on ne les assigne pas à résidence, qu'on ne leur interdise rien parce qu'ils viennent de La Grand'Combe. Il y a des talents à déceler, des inteligences à raffermir. Mais il ne faut jamais faire une croix sur personne. 

(1) Patrick Malavieille restera, à la suite de sa démission du mandat de maire, conseiller municipal (jusqu'en 2026), vice-président d'Alès Agglo (jusqu'en 2026) et vice-président du Département (jusqu'en 2028). 

(2) Patrick Malavieille a été député de la 4e circonscription du Gard de 1997 à 2002, tandis qu'il était maire de La Grand'Combe jusqu'en 2001. 

(3) La Grand-Combe est intégrée au programme Petites villes de demain, qui doit aider au développement du sud-est de la commune, désenclavée par le pont Geogres-Frêche.

Propos recueillis par François Desmeures

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