FAIT DU SOIR Zazie : "Je vais me prendre une gifle d'émotions"

Tête d'affiche des Fous Chantants ces vendredi et samedi soir, Zazie s'apprête à vivre une expérience unique, entourée de 1 050 choristes, de 8 à 85 ans, qui vont interpréter avec et sans elle une portion de son répertoire aux arènes du Tempéras. L'artiste nous a reçus ce jeudi soir, après avoir rencontré les choristes, encore sous le coup des émotions.
Objectif Gard : Vous sortez d'une rencontre avec les 1 050 choristes qui partageront la scène avec vous ces vendredi et samedi soir, comment avez-vous vécu cet instant unique ?
Zazie : Je viens de me prendre une gifle totale. Je savais, mes copains Jean-Louis Aubert et Jean-Jacques Goldman m’avaient prévenu, ils m'ont tous prévenu. Mais je ne pensais pas que ce serait à ce point-là. Je suis comme dans un choc post-traumatique, mais dans un post-trauma de joie.
Qu'est-ce qui vous a le plus surpris et impressionné ?
Les choristes ne m'avaient pas prévenu de la chanson qu'ils allaient chanter, ils m’ont interprété Aux armes citoyennes, une chanson sortie il y a longtemps (2001) mais qui résonne beaucoup dans le monde en ce moment. Donc j'ai oublié le cerveau de la fille qui l'a écrite dans sa chambre la nuit à s'énerver toute seule. Là, c'est juste offert, comme une espèce de retour d'amour et de détermination. Entendre cette partie-là du répertoire, un peu plus 'fond d'album', me fait très plaisir, ce sont des choses qu'il fait bon de se redire les uns aux autres.
Je ne m'attendais pas aux enfants non plus, on ne m'avait pas prévenu. Les plus jeunes ont huit ans, ils n'étaient pas du tout nés quand j’ai écrit certains textes, donc c'est d'autant plus touchant... C'est juste un truc de dingue, surtout qu'ils ont vachement bien bossé. Être ensemble, à 1 000, ce n'est quand même pas une mince affaire. Et puis voir tous ces enfants c'est cool. Cool n’est pas le mot d’ailleurs, c’est plus un choc. Je vais me faire un maquillage amphibie pour être sûre de ne pas être en larmes toutes les cinq secondes. Ma maquilleuse ne va pas me quitter d’un iota.
Au vu de votre émotion déjà, les larmes risquent quand même de couler pendant le concert à un moment, non ?
Quand je suis sur scène, je me tiens, mais je vais encore me prendre une gifle. Je ne vais chanter que six chansons, les choristes feront le reste donc j'aurai le temps de bien de me fracasser le cœur en morceaux. Il va falloir que je trouve un truc pour m’enterrer, pour vivre cette émotion parce que ce sera fort.
Certains ont décidé que, comme c'était tellement bien chanté, ils ne chanteraient pas s'ils sont trop pris par l'émotion. Je ne vais pas faire cela aux choristes car pouvoir partager la scène avec eux, c'est aussi une manière de les remercier.
Qu’est-ce qui sera le plus intense pour vous ? Chanter avec les choristes ou les regarder chanter ?
On a l'habitude, nous, artistes, de partager avec le public. Mais là c'est très différent, c'est comme s'il y avait un public organisé. Et puis ce sont des voix. La voix, c'est quand même l'instrument le plus proche du cœur, c'est d'ailleurs un des plus compliqués à maîtriser puisqu'il n'est pas loin de nos émotions.
J'ai plus confiance en les moments où je vais chanter avec eux que ceux où je vais les écouter, c'est là que je vais en prendre plein la figure. Ce n'est pas le même cerveau en fait. Et puis si je suis émue, je suis émue, tant mieux c'est bien aussi. Et vu comment ils sont prêts, je pense que c'est plutôt moi qui ai du souci à me faire.
J’espère que les chorales et choristes vont comprendre ce qu'ils sont en train de me faire. Parce que c'est dingue, sincèrement, je ne m'attendais pas ça, et ce n'est que le début, alors je n'ose même pas imaginer les concerts. Surtout que quand on est un artiste, toujours en activité, on ne mesure pas le temps. Donc ça va être aussi un petit voyage dans une cabine temporelle. Je pense donc que l'exercice le plus émouvant, c'est évidemment de chanter avec eux, parce qu'on parle du chant, oui, mais ce sont aussi des respirations.
Si vous demandez à 1 000 personnes d’inspirer en même temps, c'est énorme, c'est du souffle, c'est de la vie, des émotions, des corps, des problèmes, etc. La respiration, le silence, dit aussi quelque chose, ça fait partie de l'interprétation. Alors multiplié par 1 000... C'est une gifle, il n'y a pas d'autres mots.
Ça valait donc le coup d'attendre après tant d'années de propositions par l'organisation !
Les années précédentes, j'étais toujours soit en tournée, soit en train de faire un album. Et pourtant, ce n'est pas faute d'avoir quelques copains célèbres qui m'ont dit, 'Vas-y trouve le temps !'. Là, je n'avais aucune raison de ne pas dire oui donc j'ai dit oui de suite.
Déjà, parce que chanter, sortir ses émotions, au travers de mes textes ou d'autres, fait du bien à l'organisme, physiquement et physiologiquement. C'est une forme d'expression corporelle et psychologique vachement importante.
Il y a deux ans, vous étiez aux arènes de Nîmes. Cette année, ce sont celles d'Alès. Que change ce genre de lieu dans votre expérience personnelle et professionnelle pendant la performance ?
Ces lieux étaient là avant nous, et il y a des chances pour qu'ils soient encore là après. Ils traversent le temps, c'est un morceau d'humanité qui était fait pour le théâtre et une acoustique sans micro, sans électricité. Ce sont forcément des lieux qui sont authentiques, chargés d'histoire, pas forcément joviaux, avec des petits combats de gladiateurs, par exemple. Mais il y a eu le théâtre et la musique, c'est bien de se réapproprier ces lieux-là.
Le hic des Arènes, c'est la chaleur, puisque les pierres prennent le soleil toute la sainte journée. À Nîmes, j'avais mis un thermomètre sur la scène, il avait pété en temps réel, on s'était arrêté à 48 degrés. Donc entre ça et l'émotion, il va falloir qu'on se tienne bien…
Est-ce que vous profiterez de votre passage à Alès pour faire un petit tour dans les Cévennes comme dans votre jeunesse ?
J'aurais bien aimé, mais je n’ai pas le temps. J'y allais quand j'étais très petite, j'étais dans des petits villages dans les parties plus montagneuses, bien après Alès, vers Ponteils. J'adorais, parce que pour une petite Parisienne, être lâchée de temps en temps dans la nature offrait une liberté folle. J’ai toujours bien aimé ces régions qui sont restées assez authentiques, vraies, populaires.
Hormis la belle météo prévue et l'absence de souci technique, que peut-on vous souhaiter, à vous et aux choristes, pour ces deux soirées ?
Il n'y a rien à souhaiter, il faut juste profiter, car c’est aussi ça la musique.
Billetterie ICI