La course contre la montre. Le projet de contournement autoroutier divise, mais un point fait consensus : l’importance, l’urgence même, de déposer son avis et ses questions en mairie d’Arles ou de Saint-Martin-de-Crau, ou en ligne, avant la fin de l’enquête publique. Une clôture initialement prévue le 19 décembre, mais finalement reportée au 2 janvier, a annoncé, lundi en fin de journée, la préfecture de région Provence-Alpes-Côte d'Azur. "Cette enquête publique est conduite par une commission d’enquête désignée par le tribunal administratif de Marseille, indépendante du maître d’ouvrage (État - DREAL PACA). À la demande de la commission, deux réunions d’information et d’échanges avec le public, présidées par le président de la commission, sont organisées le lundi 15 décembre à 18h à St-Martin de Crau, salle Mistral et le mercredi 17 décembre à 18h à la CCI Pays d'Arles, salle Van Gogh", peut-on lire dans le communiqué.
Un communiqué reçu dans les boîtes mail, alors que le collectif "En travers de la route" organisait sa propre réunion publique à Saint-Martin de Crau, ce même lundi soir. Face à une centaine de personnes et s'appuyant sur les documents de l'enquête publique et de la sécurité routière pour le volet accidentologie, les opposants au contournement autoroutier ont déroulé leurs arguments, concernant ce dossier, dans les tiroirs depuis plus de 20 ans et soutenu par la majorité municipale actuelle. D'une longueur de 26 km, le projet de contournement autoroutier est composé de deux sections entre Arles et Saint-Martin de Crau. La section est avec l'aménagement sur place de la RN113 sur 13 km et la section ouest avec la construction d'une nouvelle infrastructure en tracé neuf sur 13 km également. Il comprend huit échangeurs, une aire de services étendue sur 19 hectares et une aire de repos. Une opération estimée à près d'1 milliard d'euros en 2020. Est également prévue, dans un second temps, la requalification de la RN113, dont la pertinence des deux scénarii à l'étude est remise en cause le collectif "En travers de la route", craignant une surfréquentation, sur le pont de Trinquetaille notamment et par rebond un centre-ville congestionné.
"Près de 80 000 véhicules par jour franchissent le pont de la RN113 dans la traversée d’Arles (dont 7 000 poids lourds)", est-il inscrit dans la synthèse de l'enquête publique. "Lors d'un comptage en juin 2024, la Dir Med indiquait un trafic de 71 000 véhicules par jour au niveau du pont d'Arles et selon les différentes estimations, il y a environ 10% de poids lourds (dont près de la moitié en provenance de la ZIP de Fos-sur-Mer, une croissance peut d'ores et déjà être anticipée en lien avec les projets industriels en cours, Ndlr)", reprend François Cavallo, l'un des membres du collectif. Dans le discours officiel, les objectifs avec ce contournement sont de réaliser et d'assurer le dernier maillon de la continuité autoroutière entre l’Espagne et l’Italie ainsi que de libérer la ville d’Arles du trafic de transit qui la traverse actuellement et bloquerait son développement.
Pour les opposants à ce projet, "la seule chose à laquelle il répond, c'est contribuer à faire passer toujours plus de camions sur nos routes", a indiqué Cyril Girard, également élu d'opposition "Changeons d'avenir" à la mairie d'Arles. Le groupe ne nie pas les situations problématiques liées à une circulation très dense dont les nuisances sonores, le facteur estimé comme le plus impactant. "Depuis 25 ans, il y a eu un consensus sur le territoire, aucun aménagement n’a été réalisé sur la RN113. Les services de l’État et les décideurs ont pris les habitants en otage, de manière à ce que la RN113 devienne le bouc émissaire de tous les problèmes", tacle Cyril Girard. La qualité de l'air par exemple, "dans le rapport d’ATMO Sud, il est précisé que la RN113 n’est pas le lieu le plus pollué du centre d’Arles, poursuit-il pointant les boulevards urbains (Gambetta, des Lices, Victor-Hugo etc). Toujours selon le collectif, la requalification de la RN113 devrait entraîner une détérioration de la qualité de l'air.
Des alternatives au contournement autoroutier
François Cavallo a insisté davantage sur la question du caractère payant de ce contournement - hormis la partie entre entre Arles-ouest et Saint-Martin-de-Crau-ouest - avec l'installation de quatre portiques nouvelle génération. "Sa gratuité était une utopie", a-t-il commenté. Pour le collectif, cela aura des conséquences sur la mobilité du territoire, et entraînera un report du trafic notamment à Saint-Martin-de-Crau, sur le réseau secondaire. "On estime à 3 600 véhicules supplémentaires - une hypothèse basse - qui traverseraient Saint-Martin pour éviter de payer et 4 000 véhicules qui traverseront Raphèle", abonde François Cavallo. Mas-Thibert ferait aussi partie des zones sensibles avec une augmentation des véhicules légers de l'ordre de 20% et "350 % concernant les poids lourds", insiste Cyril Girard. Et le même d'ajouter : "Quand on sait que 85 % des accidents graves ont lieu sur le réseau secondaire, il n'y a aucune raison qu'on nous mette en sécurité avec cette autoroute."
Pour le collectif "En travers de la route", le contournement sud n’est pas une réponse aux défis du territoire : il en est un symptôme. Il dénonce un projet incompatible avec le contexte climatique et écologique, pointe des impacts sur les zones humides, sur la biodiversité et des terres agricoles. "35 exploitations agricoles seront impactées sur le territoire, dont un tiers, très fortement, jusqu'à remettre en cause leur activité. L'économie agricole sera impactée à hauteur de 1,9 million d'euros", énonce l'élu d'opposition pour contrecarrer l'argument du développement socio-économique défendu par les partisans de l'autoroute.
"Ce n'est pas parce qu'on est contre ce projet qu'on n'a rien à proposer, qu'on est pour le statu quo et qu'on voudrait que les problèmes se perpétuent et s'empirent", a déclaré Virginie Maris en introduction de la dernière partie de cette réunion publique. Pour le collectif, plusieurs leviers doivent être maniés : s'appuyer sur la continuité autoroutière existante en améliorant certains aménagements, mais également sur les transports fluvial et ferroviaire pour acheminer les conteneurs, installer des murs anti-bruit, des revêtements sur la RN113, mettre en place une gestion dynamique des vitesses, une meilleure connexion entre quartiers pour limiter les flux inutiles ou encore un plan local de mobilité.
Le contournement autoroutier, "un outil politique"
Face à l’opposition exprimée lundi soir, un autre collectif, celui-là nommé "Arles 2028" défend avec constance la réalisation du contournement autoroutier. Ses membres, une partie rencontrée au lendemain de la réunion publique, assument un discours radicalement différent. Pour eux, le projet, "le moins mauvais", est le seul possible pour sortir la ville d’une situation jugée "insoutenable" pour les Arlésiens. "Il nous apparaît comme une urgence absolue de sortir ce trafic de transit, qui passe sous les fenêtres des gens de Trinquetaille ou La Roquette, des poids lourds dont certains transportent des matières dangereuses ; et de l'éloigner", rappelle Robert Rocchi. Le collectif dénonce également une congestion chronique qui paralyse régulièrement le centre et empêche par exemple l’accès aux secours, tous situés au sud d’Arles. "Cette RN113 est une véritable plaie qui isole tous les quartiers sud, poursuit Robert Rocchi. Donc pour une cohérence urbaine, il est bon de supprimer cette fracture de ville, en la transformant en boulevard urbain."
Le collectif pointe une voirie inadaptée à ce trafic autoroutier qui se mêle au trafic urbain. "Un mélange de circulation qui provoque des accidents, qu'ils soient graves ou pas, ou des incidents, lesquels bloquent et polluent à la fois la RN113 et la ville", insiste Odile Crombé. Et la même de poursuivre : "Certains se battent sur les chiffres, nous, nous nous battons sur le principe, sur le vécu, des incohérences, des choses qui sont inadmissibles." Quant aux alternatives techniques proposées par les opposants, ils réfutent leur crédibilité. "Le problème ne concerne pas que les riverains - environ 6 000 personnes - mais il y a aussi les gens qui travaillent, les écoles qui subissent des nuisances sonores, une pollution constante sur une séquence de 10h dans la journée", abonde Michel Le Meur. Si les opposants s'intéressent davantage aux émissions de gaz dans leur argumentaire, le collectif "Arles 2028" se concentre sur les particules fines, "largement au-delà des normes européennes."
En ce qui concerne les péages, le groupe concède qu'il s'agit "d'une faille" dans le dossier, mais qui peut être soumis à des négociations et ne peut justifier une opposition à ce contournement autouroutier, "puisqu'il n'y a pas d'autres alternatives", renchérit Odile Cromblé. Sur le sujet du report du trafic sur le réseau secondaire, "il appartiendra au Département et à la commune d'Arles d'interdire le transit des poids lourds, il y a une réglementation qui existe", répond Robert Rocchi. Dans le même sens que les opposants cette fois-ci, le collectif se positionne en faveur des transports fluvial et ferroviaire. "Rien ne nous empêche de demander la réalisation de ce contournement et dans le même temps de nous mobiliser pour demander une réduction du transport routier." Et le président du CIQ Pont de Crau de finalement tacler : "Il y a quand même au fond de tout ça et comme levier principal une idéologie qui s'empare du sujet du contournement autoroutier d'Arles pour l'instrumentaliser et en faire un outil politique." Si les vaches regardent passer les trains, les partisans du contournement, eux, ne comptent pas laisser défiler les poids lourds sans rien dire, ni faire.
Par l’intermédiaire de Jean-Luc Moya, le collectif « En travers de la route » a, quant à lui, déjà fait savoir qu’il envisage de lancer une action en justice pour contester la future déclaration d’utilité publique, "si le projet reste en l'état."