Publié il y a 18 jours - Mise à jour le 11.04.2024 - Camille Graizzaro - 5 min  - vu 259 fois

L'INTERVIEW Nolliram, artiste beaucairoise : « Je ne m’attendais pas à recevoir une telle claque d’amour venant du public »

Nolliram, jeune artiste beaucairoise, devant son tableau Nintai, presévérance, basé sur la légende des carpes koi.

- C. Graizzaro

L’artiste Nolliram, Marillon Lucchesi de son vrai nom, presque 32 ans, expose avec « Éclats de Japon » ses œuvres inspirées du Japon à la salle des expositions jusqu’au 14 avril. Elle nous propose une visite guidée de ses toiles, entre sensibilité et onirisme.

Objectif Gard : Votre exposition s’inspire fortement du Japon, qu’est-ce qui vous a poussé à vous intéresser à ce pays ?

Nolliram : Il y a dix ans, j’ai perdu ma maman, et ça a été très dur pour moi. J’ai déprimé, je me suis éteinte, j’étais dans un travail qui ne me plaisait pas du tout… Je n’avais pas de but. Deux ans après son décès, je suis tombée sur un youtubeur franco-japonais qui parlait sur sa chaîne de son pays, et ça m’a passionnée. Plus j’en découvrais sur la culture japonaise, plus j’étais fascinée. Je suis passionnée d’Histoire, et je trouve qu’au Japon, ils vivent encore l’Histoire dans le moment présent, l’ancien et le nouveau se mêlent : c’est un pays qui vit vraiment entre tradition et modernité. Je trouve leur culture belle, avec des valeurs qui sont très proches des miennes.

"J'ai utilisé du papier de riz pour ces toiles. Elles ont été imbibées de thé, de thé matcha et de café. C'était un test, mais j'aime bien le résultat, qui est comme le Japon entre matériaux anciens et méthodes modernes." • C. Graizzaro

Et cela fait maintenant deux ans que vous êtes une artiste professionnelle.

Tout à fait ! Avant j’avais un CDI confortable, 35 heures, classique, qui me fournissait un salaire régulier à la fin du mois… Mais ça ne me plaisait pas du tout, je ne me sentais pas vivre : je me levais, je travaillais, je rentrais chez moi. Alors j’ai tout lâché, je suis partie en roue libre ! Pourtant j’aime la sécurité. Ici je ne l’ai plus du tout. Je fais mes toiles, mais aussi des commandes, des portraits… Mes revenus sont évidemment moins stables, certains mois je n’ai rien, mais c’est le jeu ! Alors, bien sûr, il y a des angoisses et des peurs, mais je me sens tellement vivante. Quand je vois les réactions de certains clients qui me commandent par exemple des portraits de leurs enfants, qu’ils fondent en larmes, je pleure avec eux ! Comment peut-on procurer autant d’émotion avec une feuille de papier et quelques couleurs ?

"Oni", démon en japonais. Il s'agit de l'oeuvre présentée sur l'affiche de l'exposition. "Je ne sais pas pourquoi je l'ai choisie spécifiquement, mais je trouve que son regard dégage quelque chose de fort". • C. Graizzaro

Vous représentez des symboles forts de la culture japonaise, pouvez-vous nous en parler ?

J’ai plusieurs séries thématiques. J’ai une série sur les toriis, de grandes arches shintoïstes, dont j’ai mis en scène les différentes formes, couleurs… C’est un emblème très fort du pays je trouve. Quand j’en regarde un, je me mets à voyager. J’ai aussi travaillé sur les végétaux symboliques du japon, comme les érables, les glycines, les sakuras (les fleurs de cerisier)… Je m’inspire beaucoup de légendes aussi, comme celle de la carpe koi, qui remonte la rivière et qui parvient à surmonter les obstacles jusqu’à atteindre une cascade où elle se transforme en grand dragon doré. Ou celle du daruma : la légende dit qu’un moine serait allé dans la forêt pour méditer, au point d’en perdre ses membres. Après sept années de méditation, il finit par s’endormir, et furieux, il se coupe les paupières et les jette au loin pour ne plus dormir. C’est de là que viennent les feuilles de thé qui empêchent de dormir ! J’ai aussi travaillé sur les 72 saisons japonaises ou l’higanbana, le lycoris, symbole d’amour impossible.

La série sur les toriis, en acrylique et pastels, représente ces portes shintoïstes sous toutes leurs formes. • C. Graizzaro

Et vous écrivez aussi !

Chacune de mes toiles est accompagnée d’un haiku, un poème japonais sur le modèle 5 syllabes, 7 syllabes, 5 syllabes. C’est un exercice très intéressant qui nous force à nous plonger dans l’instant présent, dans les 5 sens et ce qu’on ressent. Je les fais à ma sauce bien sûr ! Je conseille cet exercice à tout le monde, ça fait beaucoup de bien ! J’ai voulu proposer un exercice similaire aux visiteurs de l’exposition : sur le modèle des tablette ema qu’on retrouve dans certains temples, ils peuvent écrire sur des petites étiquettes un vœux, une citation ou une phrase qui véhicule du bonheur et de la positivité, et l’accrocher sur un arbre. Une enfant par exemple a écrit : « Avoir de la neige pour Noël » et je trouve ça tellement mignon ! Alors chaque fois que j’ouvre les portes de l’exposition, je lis les messages sur l’arbre, et ma journée s’illumine un peu plus.

Kansha, gratitude, le petit monde intérieur de Nolliram. • C. Graizzaro

On retrouve souvent les thématiques de l’introspection et de la résilience dans vos œuvres.

Montrer ses toiles, c’est montrer un bout de soi, c’est personnel et précieux. Donc certains de mes tableaux résultent vraiment d’un travail de développement personnel. Par exemple, j’ai réalisé un tableau qui s’appelle Kansha, gratitude. Quand je ne vais pas bien, on m’a toujours dit d’imaginer un monde intérieur et de lui donner un nom, pour que quand je pense à ce nom je me sente tout de suite mieux. Mon monde à moi ressemble à ce tableau. Il ne touche pas forcément tout le monde ! Il y a aussi Wabisabi to Kintsugi. Le wabisabi, c’est la beauté dans les choses simples, la beauté des choses qui ont vécu, comme les vieilles bâtisses par exemple. Le kintsugi, c’est la réparation d’objets cassés avec de l’or. La cicatrice de l’objet réparé va le rendre encore plus beau, et va raconter l’histoire de l’objet. On dit que lorsqu’on s’adonne au kintsugi, on répare son âme en même temps que l’objet.

Wabisabi to Kintsugi, une oeuvre qui parle de résilience. • C. Graizzaro

Comment s'est passé le vernissage de l’exposition le 5 avril dernier ?

Montrer mes toiles était pour moi un véritable challenge. Challenge réussi ! Je ne m’attendais pas à recevoir une telle claque d’amour venant du public. Je savais qu’il y aurait du monde grâce au soutien indéfectible de mon chéri et de ma famille, ils sont véritablement ma force au quotidien, parfois ils croient plus en moi que moi-même ! Et beaucoup de personnes que je ne connaissais pas sont venues aussi, et ont été sensibles à mon art. Dans la région, on aime beaucoup les taureaux, la bouvine… Je craignais un peu la façon dont mon petit monde asiatique allait être reçu. Mais les visiteurs étaient au contraire curieux, on m’a posé beaucoup de questions, j’ai eu des échanges très riches. Je ne pensais pas recevoir autant d’amour et de positivité.

Les visiteurs de l'exposition sont invités à écrire une pensée positive ou un voeu sur des étiquettes, avant d'accrocher cette dernière sur l'arbre. • C. Graizzaro

Et pour la suite ?

Je vais continuer mes live Twitch, je dessine en live sur Internet, mais surtout, je pars enfin au Japon le mois prochain pour trois semaines ! Je devais y aller il y a quelques années, mais le voyage a toujours été repoussé, mais cette fois c’est la bonne. J’aurai le temps de me réinspirer et de refaire d’autres toiles qui, je pense, seront beaucoup plus enrichissantes.

Kirin et Jizo: le premier représente une clochette en verre souvent accrochée au printemps, le second une statuette de moine Jizo, protecteur des voyageurs et des randonneurs.  • C. Graizzaro

Plus d'informations:

Nolliram expose ses œuvres jusqu’au 14 avril du mercredi au dimanche à la salle des expositions de Beaucaire, 27 quai du Général de Gaulle. Vous pouvez également la retrouver sur Facebook, Instagram, YouTube, Tiktok, X et Twitch, ainsi que sur son site internet nolliram.fr

Camille Graizzaro

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