Publié il y a 7 mois - Mise à jour le 28.09.2023 - Anthony Maurin - 4 min  - vu 280 fois

NÎMES L’amphithéâtre étudié une pierre après l'autre

Louis Nicolas de l'agence Goutal (Photo Anthony Maurin).

Louis Nicolas, architecte à l'agence Goutal, maître d’œuvre de la restauration de l’amphithéâtre, a tenu une conférence sur le chantier qu'il suit et qui touche à l'amphithéâtre de Nîmes.

Louis Nicolas de l'agence Goutal (Photo Anthony Maurin).

Construit à la toute fin du Ier siècle de notre ère, l’amphithéâtre de Nîmes n’a cessé d’être occupé durant ses 2000 ans d’histoire. "On doit connaître le monument le mieux possible, avant les études et les travaux, pour être le plus précis possible. La connaissance peut bien sûr progresser pendant le chantier de restauration, grâce au travail minutieux fait pierre par pierre, travée par travée." Il reprend : "Nous avons fait des diagnostics généraux avec une approche historique, archéologique et technique des problématiques que nous rencontrions par exemple avec la pierre de Barutel ou celle de Vers, deux matériaux utilisés pour la construction de l’amphithéâtre de Nîmes."

D’abord édifice de spectacle pouvant accueillir 24 000 spectateurs sous l’Empire romain, le monument devint successivement forteresse, résidence de l’administration féodale puis quartier de la ville jusqu’au XIXe siècle. Carlo Usaï, un professionnel qui fait l'unanimité dans le milieu, est le restaurateur que l'agence Goutal a choisi : "Le diagnostic des eaux est plus complexe encore. Les écoulements et le recueil de l’eau, le plan de sous-sols et des égouts romains, l’état sanitaire, la porosité des surfaces, l’arrachement des gradins, les infiltrations, le froid et le gel, le lessivage du mortier, les problèmes d’évacuation des parties basses du monument car en aval l’évacuation est coupée…"

Le chantier en cours à l'amphithéâtre (Photo Archives Anthony Maurin).

En tout cas, le fait de remettre les gradins à neuf permettrait sans aucun doute d’offrir une meilleure étanchéité à l’édifice afin de le préserver dans de meilleures conditions. En façade, le diagnostic s’est aussi fait pierre par pierre pour avoir une base de données enrichie par des photos et le système d'Information géographique.

"Sur la travée 60, on voit que des poteaux carrés doublaient des poteaux ronds qui servaient au velum. Une cloison devait fermer une tribune et devait accueillir une statue monumentale." Avec un petit sourire et quitte à jouer le jeu à fond, pourquoi ne pas y déménager la statue d’Auguste perdue au fond du trou de la quasi invisible porte éponyme ? Comme au théâtre d’Orange par exemple ! Il a alors fallu dévier les eaux du fronton de cette travée afin de protéger le protomé et les corniches qui sont quant à elles protégées par du plomb.

Le public passionné par les propos des experts (Photo Anthony Maurin).

"Y avait-il un édifice antérieur avant l’amphithéâtre de pierres que l’on connaît aujourd’hui ? Pas sûr, mais les archéologues ont retrouvé durant les fouilles, y compris celles de la salle cruciforme, du bois et des artéfacts comme des monnaies qui font penser à un chantier en date de 25 après JC. Le monument est sans doute resté en fonction jusqu’à la construction de l’amphithéâtre que l’on connaît. On voit dans la salle cruciforme l’empreinte d’une autre plus primitive. Une bonne partie des structures souterraines appartiennent au premier état puis la couronne extérieure a été agrandie en circonférence et en hauteur pour faire passer l’édifice de 10 000 à 25 000 spectateurs", note Richard Pellé, archéologue à l'Inrap et spécialiste de l'amphithéâtre.

Grâce à une occupation ininterrompue au fil du temps, l’édifice a échappé au pillage systématique de ses matériaux et à une destruction irréversible. Il est l’amphithéâtre le mieux conservé du monde romain. Richard Pellé poursuit : "Peu de monnaies, une quarantaine en tout et pour tout, ont été retrouvées. Surtout dans l’ancienne salle cruciforme avec un As de Nîmes en date du 10-14 après JC. On voit aussi que le bois qui est retrouvé est du bois d’aulne. Nous avons aussi quelques déchets de tailles contre les piliers antérieurs qui nous font dire qu’ils sont du premier état du monument."

Pour les JEA 2024, l’Inrap devrait sortir un dépliant donnant quelques explications sur le sujet parce que cette salle intrigue les Nîmois qui ne peuvent jamais y descendre.

C'était au Musée de la Romanité qu'avait lieu la journée (Photo Anthony Maurin).

N’oublions pas qu’à la fin du XVIIIe, la piste était recouverte par plus de 3,5 mètres de remblai et de terre. C’est d’ailleurs ce qui a protégé les premiers gradins. Côté Nord, des habitations étaient plaquées et encastrées à l’édifice laissant encore des traces parfaitement visibles aujourd’hui. On voit même les enduits d’une maison ou d’un entrepôt avec des marques de comptages ! "Le temps long de ce chantier de restauration permet de réfléchir aux problématiques différentes et auxquelles nous n’aurions pas pensé, comme l’hypothèse d’un premier amphithéâtre fait de pierres et de bois", assure l'archéologue.

Quid de la bulle qui n’est plus d’actualité ? Son coût, le coût de sa mise en place et de sa désinstallation, son entretien et les graves conséquences qu’elle a pu avoir sur le monument car elle rabattait les eaux vers la cavea et la galerie équestre. Comme il n’y avait déjà plus de système d’écoulement, elle aggravait le phénomène qui use le monument depuis des siècles.

Les fouilles livrent encore quelques aspects non connus de notre histoire comme ici sous la piste des arènes de Nîmes (Photo Archives Anthony Maurin).

Pour Daniel-Jean Valade, ancien adjoint à la Culture à Nîimes, ce sont deux architectes dont un des fils Michelin (de la famille des pneus) qui étaient, à l’époque, venus voir le maire Jean Bousquet pour lui proposer cette idée qui permettait alors d’avoir une salle de spectacle à l’année. « Cependant, la bulle s’est déchirée à deux reprises et ceux qui étaient dessous, quand cela s’est passé, ont oublié leurs rhumatismes ! », explique l’élu nîmois. Il semble évident que la structure démontable a détérioré le bâti.

Autre chose, "il faudrait penser à protéger les carrières du bois de Leins qui ont servi à ces nombreux chantiers antiques. On retrouve cette pierre de qualité de Nice à Narbonne !", conclut Jean-Claude Bessac, ancien chercheur au CNRS et spécialiste de cette pierre.

Anthony Maurin

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