Publié il y a 1 an - Mise à jour le 19.12.2022 - Stéphanie Marin - 3 min  - vu 442 fois

L'INTERVIEW Docteur Mohamed El Rakaawi : "En-dessous des huit jours de stock de sang, le pire est à craindre"

Le docteur Mohamed El Rakaawi, directeur de la collecte et production des produits sanguins d’Occitanie.

- (Photo DR/)

Le docteur Mohamed El Rakaawi, directeur de la collecte et production des produits sanguins d’Occitanie, se montre volontairement alarmiste car les stocks de sang sont extrêmement bas, soit dix jours de réserves. 

Objectif Gard : En Occitanie, nous sommes à dix jours de stock de produits sanguins. Comment qualifiez-vous cette situation ? 

Docteur Mohamed El Rakaawi : Nous devrions être à 12 jours minimum, voire 14 jours, en cette période précédent les fêtes. La situation est critique notamment sur les groupes sanguins A, les O, positifs et négatifs, c'est-à-dire les plus courants. Pour vous donner un exemple, ce matin (jeudi 15 décembre, NDLR) pour les 0+ nous étions à 6,8 jours de réserves alors que nous devrions être à 12 jours minimum. Nous préférerions être à 14 jours parce que nous allons entrer dans une période de perturbation. Pendant les fêtes, les donneurs sont moins disponibles. Et puis, les virus hivernaux sont là, donc le taux de contre-indication est plus important. Mais au-delà de cela, depuis la semaine 35, à savoir fin août, nous n'avons pas réussi à atteindre nos objectifs, nos prévisionnels de collecte hebdomadaires. 

Comment l'expliquez-vous ? 

Il y a plusieurs phénomènes. D'abord, je pense que le covid a joué un rôle dans la démobilisation des donneurs. Il y a un facteur sociétal. La société est en train de bouger et selon moi, c'est aussi lié au covid. La philosophie de vie n'est plus la même. Ensuite, il y a eu la crise du carburant, puis la crise énergétique et le délestage qui nous attend par la suite. Autant de facteurs qui font que les donneurs se démobilisent. Pour vous donner un exemple, la semaine dernière nous devions collecter 4 600, on en a fait 3 980 à l'échelle régionale.

Quelles sont les conséquences de cette situation ?

La transfusion est nécessaire pour soigner de nombreuses pathologies, de nombreuses maladies. Nous n'avons pas de médicaments qui pourraient remplacer le globule rouge, la plaquette sanguine ou le plasma sanguin. Donc nous avons besoin de la solidarité des citoyens pour répondre aux besoins des patients dont le pronostic vital pourrait être engagé si on ne peut les transfuser. Traditionnellement, nous sommes une région exportatrice de produits sanguins. Nous aidons nos collègues d'Île-de-France, de PACA-Corse, dont le résultat des collectes n'est pas à la hauteur des besoins. Figurez-vous que l'année dernière et pour la première fois en 30 ans, j'ai fait importer 680 globules rouges vers notre région. Et je crains de devoir le faire à nouveau en janvier, mais cette situation dramatique étant généralisée à l'ensemble du pays, je ne suis pas sûr qu'on pourra nous aider.

POURQUOI LA MOBILISATION POUR LE DON DE SANG DOIT-ELLE ÊTRE QUOTIDIENNE ?

La durée de vie des produits sanguins est limitée : • 7 jours pour les plaquettes • 42 jours pour les globules rouges Pour garantir à chaque patient le produit sanguin dont il a besoin, le niveau de prélèvement en collecte doit être régulier. https://dondesang.efs.sante.fr


 Vous parlez d'une situation dramatique, est-ce au point de ne pouvoir assurer des transfusions ou du moins de devoir sélectionner des patients prioritaires ?

À titre d'exemple, en Île-de-France, dont la situation est un tout petit peu plus critique que nous, ils sont en train de déprogrammer des opérations plus ou moins hémorragiques pour ne pas prendre le risque de devoir transfuser des personnes opérées et sauvegarder ainsi le peu de poches qu'ils ont pour les femmes enceintes, les enfants, les bébés, etc. Et c'est ce qui nous attend si nous ne remontons pas nos stocks de produits sanguins. Si nous descendons en dessous des huit jours de stock de sang, le pire est à craindre. Il faut vraiment que toute la population s'inquiète de cette situation alarmante.

Stéphanie Marin

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