Publié il y a 2 ans - Mise à jour le 16.12.2021 - corentin-migoule - 3 min  - vu 1322 fois

FAIT DU JOUR Le livre se referme pour les deux boutiques gardoises France Loisirs

Clap de fin pour la boutique alésienne France Loisirs, rue d'Avéjan. (Photo Corentin Migoule)

Clap de fin pour la boutique alésienne France Loisirs située dans la rue d'Avéjan. À Nîmes, son homologue de la rue de l'Aspic, qui fait aussi partie des 108 boutiques sacrifiées du groupe, connaît le même sort. La fin d'une époque pour le club de livres qui a compté jusqu'à 4,5 millions d'abonnés à son apogée.

Suspendus sans grand espoir à la décision du tribunal de commerce de Paris, les 800 salariés de France Loisirs n'ont goûté qu'avec peu de surprise le verdict qui est tombé ce lundi soir. Placé en liquidation judiciaire le 25 octobre, le club de livres, jusqu'alors propriété du groupe Actissia, va être repris par la société par actions simplifiées (SAS) la Financière Trésor du Patrimoine.

Une bonne nouvelle pour la cinquantaine d'employés conservée pour faire tourner les 14 boutiques épargnées, tandis que 108 autres tireront définitivement leur rideau dans quelques jours. C'est notamment le cas à Alès, où la rue d'Avéjan s'apprête à perdre l'un de ses moteurs culturels. Camille Michel y était employée, et s'y attendait. Cette semaine, c'est le cœur lourd qu'elle prodigue ses derniers conseils aux clients étonnamment présents en nombre dans la boutique, à quelques jours de sa fermeture définitive prévue ce samedi soir.

Un changement de modèle économique insuffisant

"Chantal a donné 21 ans de sa vie à France Loisirs, Nadine 18. Donc c'est un peu dur à avaler de devoir finir leur carrière sur cette note", déplore la jeune femme de 24 ans, optant pour un hommage à ses deux collègues de travail plutôt que pour une lamentation sur son propre sort. À 45 kilomètres de là, à Nîmes, le centre-ville perd lui aussi une véritable institution avec la fermeture de la boutique France Loisirs, rue de l'Aspic, également programmée en fin de semaine.

Le message placardé sur la devanture de l'établissement il y a quelques semaines par les trois employées, Nelly, Adeline et Chloé, alors que le tribunal de commerce de Paris n'avait pas encore tranché, fait désormais partie du passé. En forme de "cri du cœur", le trio y appelait les clients et les élus locaux à se mobiliser, tout en vantant les mérites d'une "âme communautaire qui a grandi de ses erreurs en s'ouvrant à tous et sans abonnement".

Les trois employées faisaient référence au changement de modèle économique opéré - en vain - par France Loisirs au sortir d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) responsable de la fermeture de 36 de ses magasins en 2018. Quelques années plus tôt, en 2015, le repreneur Adrian Diaconu avait même injecté 30 millions d'euros de sa fortune personnelle pour remettre à flot les finances du club de livres fondé en 1970.

Le message sans équivoque placardé sur la boutique France Loisirs d'Alès. (Photo Corentin Migoule)

Tous les efforts consentis n'ont pas suffi à contenir l'évolution des usages, des pratiques culturelles, et l'émergence de plateformes comme Amazon raccourcissant toujours plus les délais de livraison entre le clic d'achat et la boite aux lettres. Le tout faisant chuter à 800 000 le nombre d'abonnés au service France Loisirs, qui en a compté plus de 4 millions à son apogée, à la fin des années 80.

Préférée à celle du groupe Reworld Media, l'offre de la Financière Trésor du Patrimoine, retenue par le tribunal de commerce, devrait permettre à France Loisirs de conserver ses filiales, à savoir le centre d'appel, de logistique, et son pôle édition, contribuant ainsi à faire perdurer une partie de son ADN. Une maigre consolation à l'heure où plus de 500 salariés s'apprêtent à recevoir une lettre de licenciement en guise de cadeau de Noël.

En tant qu'auteur édité par France Loisirs, le cévenol de cœur Christian Laborie, lauréat du Cabri d'or en 2013, "regrette cette situation". Via ses réseaux sociaux, l'écrivain déplore "le peu d'intérêt" exprimé par les responsables de l'économie face à ce "drame de l'emploi", et adresse ses pensées aux personnes "dévouées, compétentes et chaleureuses" qui ont travaillé pour cette "belle enseigne". Et Camille Michel de conclure, citant Henri Loevenbruck : "Une librairie qui meurt, ce n'est pas une page qui se tourne, c'est un livre qui se ferme, à jamais."

Corentin Migoule

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