C'est le fruit d'un "long travail de concertation", selon Alexandre Vigne, premier vice-président de la Communauté de communes Causse-Aigoual-Cévennes, qui s'exprimait ce mardi soir en ouverture de la réunion publique sur le pacte de viabilité agro-territoriale. Un travail entamé alors que le pacte pastoral touchait à sa fin, a rappelé Irène Lebeau, vice-présidente à l'environnement. Celui-ci avait été conçu il y a dix ans et, depuis, les enjeux ont changé. Et le besoin de réflexion a grandi.
Ce qui mène "le territoire à un tournant", selon le chercheur de l'Institut de recherche pour le développement (IRD), Olivier Barrière, qui a supervisé le travail de préparation et assuré la rédaction du pacte. La réunion publique avait ainsi pour but de "présenter ce que nous avons construit pendant trois ans", explique Olivier Barrière et de répondre à la question, "Comment vivre demain?"
Quatre-cent habitants ont pu être interrogés à travers des entretiens en direct, des questionnaires, anonymes ou pas - dont 60 producteurs du territoire de la communauté de communes - des élus, de simples habitants, anciens ou récents, etc. Puis, neuf ateliers ont eu lieu, répartis entre Trèves, L'Estréchure et Val d'Aigoual pour construire le pacte en commun. Le chercheur a pu compter sur l'aide de son épouse Catherine Barrière, anthropologue pour l'association Passeurs de culture, passeurs d'image, l'expertise territoriale de la Filature du Mazel et le soutien financier de la Fondation de France.
"Le pacte apporte une médiation foncière et des règles négociées pour les usages"
De ces études, entretiens et ateliers, Olivier Barrière distingue "trois enjeux majeurs". L'eau, avec une trop grande variabilité, "trop d'eau d'un coup et pas assez ensuite. Les anciens avaient trouvé des solutions (béals, lavognes, etc.). Et le pacte reprend ces idées. On en a oublié la valeur." Le chercheur a tenu à rappeler que l'eau est une ressource "à gérer en commun".
Deuxième enjeu, "le foncier" qu'il est "difficile de transmettre, et donc, difficile d'installer un jeune producteur. Le pacte apporte une médiation foncière et des règles négociées pour les usages." Enfin, troisième enjeu distingué par le pacte, la viabilité agro-territoriale. Alors que "la biodiversité s'effondre. Et en même temps on manque de producteurs pour assurer une autonomie alimentaire." Une question qui ramène également au foncier, agricole cette fois-ci, et à la possibilité d'accéder à des terres ou de réhabiliter des terrasses. Mais sans retirer la culture forestière au territoire.
On ressent d'ailleurs la parole des producteurs dans le pacte, à travers l'énoncé des besoins en matière de retenues collinaires ou d'aide dans la lutte contre la prédation du loup. Le texte final enjoint aussi au soutien du développement des filières courtes, tendant vers l'autonomie alimentaire, très limitée dans la région.
"Le pacte n'est pas une fin en soi, a insisté Olivier Barrière, c'est un document pour travailler ensemble. Il n'impose pas, il accompagne." Raison pour laquelle le chercheur a mis en avant le "droit négocié", qui doit permettre de faire plier quelques règles strictes pour faire vivre le territoire.
Un volet entendu par Philippe Boisson, président de la coopérative Origine Cévennes, présent à la réunion avec Gaël Martin, président de l'AOP Oignons doux des Cévennes, qui s'est dit satisfait que le pacte ait "permis de se retrouver autour de la table et de discuter. Rien que pour cela, je vous remercie parce qu'on arrive souvent avec des a priori. Et on a besoin de se comprendre."
Il a aussi commenté le besoin énoncé de changement de modèle agricole. "Si on a le climat de l'Andalousie en 2050, le problème ne se posera pas qu'avec les oignons. En général, on change de modèle agricole sur des générations. Et c'est compliqué de s'adapter." Et a logiquement rejoint le pacte quant à sa volonté d'étendre l'activité agricole. Car "ce n'est pas avec des résidences secondaires qu'on va faire vivre le territoire".