Publié il y a 59 min - Mise à jour le 26.11.2025 - Stéphanie Marin - 5 min  - vu 49 fois

GARD & ARLES Ligne THT : cinq espèces d'oiseaux protégées sont menacées selon la Dreal

Des pylônes dessinés sur un panneau de plexiglass pour imaginer ce que ce projet pourrait donner à Beaucaire. 

- S.Ma

Selon une note de la Dreal Occitanie datée du 6 novembre 2025, le tracé aérien envisagé par RTE pour la ligne à très haute tension entre Fos et Jonquières-Saint-Vincent — 180 pylônes d'environ 60m de haut — ferait peser des « risques significatifs » sur cinq espèces d’oiseaux protégées, dont le ganga cata, menacée de disparition à moyen terme. Un document qui a été adressé au cabinet d’étude Egis, chargé notamment de la maîtrise d’œuvre du projet.

Le 13 décembre approche à grands pas. À cette date, l'État ainsi que les porteurs de projet inscrits dans le programme de réindustrialisation et de décarbonation du territoire de Fos-sur-Mer et de l’étang de Berre, devront avoir répondu aux demandes de précisions et recommandations formulées par la Commission nationale du débat public. 

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Au coeur de ce programme, la création d'une ligne aérienne à très haute tension entre Fos-sur-Mer et Jonquières-Saint-Vincent. Un projet porté par RTE, gestionnaire du réseau de transport d’électricité, qui prévoit l'installation de 180 pylônes d'environ 60m de haut, sur une distance de 65km en passant par la Terre d'Argence, la Camargue et la plaine de Crau. Depuis deux ans, le sujet agite les esprits, il a d’ailleurs été longuement discuté durant le débat public organisé du 2 avril au 13 juillet. Reste toujours à connaître la décision des préfets du Gard, Jérôme Bonet, et des Bouches-du-Rhône - Jacques Witkowski succède à Georges-François Leclerc, nommé directeur de cabinet d'Emmanuel Macron - quant aux modalités de transport de l'électricité puisque ce sont ces deux-là qui signeront l’arrêté d’utilité publique. Depuis, deux clans s'affrontent, chacun jouant sa partition au sein de son collectif.   

Avec plus de 120 entreprises engagées, le collectif Provence Fabrique des Possibles et France Chimie Méditerranée soulignent l’importance de sécuriser l’approvisionnement électrique très haute tension du territoire. Dans un communiqué publié le 19 novembre, il indique que la ligne THT "est l'unique solution réaliste pour accompagner le doublement de la consommation électrique d’ici 2030 et soutenir les dynamiques industrielles en cours." Et le même d'appeller l'État "à confirmer l'approvisionnement électrique bas carbone très haute tension de la zone" afin de "permettre la concrétisation des 31 projets industriels et d’aménagements du territoire, représentant 20 Mds € d'investissements pour 10 000 emplois directs dans l'industrie et la décarbonation d’ici 2030"

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Les membres du collectif THT 13-30, défendent quant à eux un projet de ligne enterrée en courant continu. "Ces entreprises qui reçoivent des fonds publics, qui viennent saccager un territoire sur la base de ces fonds publics, et sont aussi peu respectueuses des habitantes et des habitants de ce territoire, on n'en veut pas. Ils font du chantage en disant qu'ils ne viendront pas, qu'on perdra des emplois... On est fatigués de leur dire qu'on peut trouver un équilibre entre l'énergie et le respect des territoires, ils ne veulent pas l'entendre, alors oui, ne venez pas !", s'agace Jean-Luc Moya du collectif THT 13-30. Leur contre-projet de ligne THT - qui coûterait 12 fois plus cher que le projet initial selon RTE - a été étudié dans le cadre d'une tierce expertise menée par Superlec qui a rappelé la cohérence de la solution technique alternative proposée.

Une toute autre, qualifiée de « tierce expertise biodiversité », est tombée ces derniers jours. Il s'agit d'une note de la Dreal Occitanie (Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement) rédigée dans le cadre de l’élaboration du dossier de demande d’autorisation environnementale relatif au projet de ligne à très haute tension Fos/Jonquières-Saint-Vincent. Le fuseau dit « de moindre impact », traverse des secteurs cruciaux pour cinq espèces d’oiseaux menacées, inscrites à la directive Oiseaux de la Commission européenne et faisant l’objet d’un Plan national d’actions. Selon l’analyse de la Dreal Occitanie, le tracé envisagé affecterait directement les habitats du ganga cata et de l’alouette calandre, espèces dont les populations françaises nicheuses se concentrent exclusivement en Crau, avec un risque d’extinction pour le premier.

Lors de la réunion organisée au mois de juin dernier, par la Commission nationale du débat public, à Arles. • S.Ma

L’outarde canepetière serait également exposée à une augmentation de la mortalité par collision. "Le projet, dans sa configuration actuelle, risquerait d’accentuer la fragmentation des deux noyaux de population - Gard (env. 1600 individus hivernants) et la Crau (env. 1700 ind. hivernants) - alors que celui du Gard a déjà subi une perte significative de capacité d’accueil depuis la mise en service, en 2014, de la ligne à grande vitesse Nîmes-Montpellier", peut-on lire dans la note. L’aigle de Bonelli et le faucon crécerellette verraient également leurs zones de dispersion et de reproduction perturbées par une barrière aérienne continue. Les mesures classiques de réduction d’impact, comme le balisage des lignes, sont jugées insuffisantes.

"En l’état, le projet ne paraît pas réunir les conditions légales permettant d’accorder une dérogation au titre de l’article L. 411-1 du code de l’environnement, compte tenu notamment du risque d’extinction qu’il ferait peser sur l’unique population nicheuse de ganga cata en France, indique la Dreal Occitanie. L’enfouissement d’une partie du linéaire (aménagement dit « par siphons ») sur les tronçons intersectant les voies migratoires et de circulation des oiseaux, serait à même de réduire significativement les risques de mortalité par collision ou électrisation, de ménager des corridors de circulation, notamment pour la zone d’erratisme des juvéniles d’aigle de Bonelli et, enfin, de diminuer le risque de dévaluation, par effet d’aversion, de la qualité des habitats de reproduction de l’outarde canepetière, du ganga cata et de l’alouette calandre."

Une conclusion qui va dans le sens des arguments défendus par les opposants au géant de fer. "On ne s'y attendait pas, réagit Jean-Luc Moya. Elle met en évidence les enjeux biodiversité très forts sur la Terre d'Argence, la Camargue mais aussi en Crau, ce qui était jusque-là plutôt rare." Pour le collectif THT 13-30, "cette note produite par un service de l'État avec une posture d'expertise indépendante lui confère un statut officiel mais techniquement neutre, renforçant son poids comme expertise neutre s’appuyant sur des données scientifiques et des travaux récents."

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De la matière supplémentaire donc "pour bâtir des recours sur des bases scientifiques, réglementaires et techniques solides, en démontrant que le projet dans sa forme actuelle pose un risque réel et non compensé pour la biodiversité, et que des alternatives techniquement viables existent. Cela donne un réel espoir fondé de succès dans une procédure contentieuse, notamment devant les juridictions administratives compétentes nationales et internationales", conclut-il. Pour rappel, France Nature Environnement Bouches-du-Rhône et Vigueirat Nature, membres du collectif THT 13-30, ont déposé deux plaintes contre X pour destruction d’espèces protégées, suite à la découverte de deux cadavres d’aigles de Bonelli au pied de pylônes de lignes à très haute tension exploitées par RTE. L'enquête est en cours.

Une opération de comptage ce dimanche 30 novembre

Une troisième opération de comptage des oiseaux menacés par la ligne THT sur 20 points répartis le long du tracé potentiel, aura lieu ce dimanche 30 novembre, au matin. Plus d'informations sur www.nacicca.org.

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