SAINT-JEAN-DU-GARD Maison Rouge expose l'histoire des bas et leurs liens soyeux avec les Cévennes
Des chausses aux bas, il n'y a qu'un pas. Maison Rouge expose, depuis une petite semaine et jusqu'au mois d'août, 258 objets et 93 bas, en lien avec l'histoire de la bonneterie gardoise et cévenole. Une industrie qui fit la richesse du pays, quand la soie l'emporta, avant de quitter les vallées cévenoles et de ne laisser, à côté de Well, que quelques artisans qui perpétuent le savoir-faire. C'est cette histoire que retrace le musée dans son exposition temporaire.
"Une expo sur les bas, ça va de soi", lâche, dans un sourire, la conservatrice des musées d'Alès agglomération, Carole Hyza. Pour l'exposition temporaire Au bonheur des bas, à Maison Rouge, elle a attiré, comme commissaire, l'ancienne conservatrice du musée Pierre-André Benoît, puis du musée du Vieux-Nîmes - aux collections textiles fournies - Aleth Jourdan. Maison Rouge a laissé ses propres collections à leurs emplacement habituels, profitant de l'exposition temporaire pour bénéficier de prêts.
Si l'exposition s'intéresse particulièrement aux productions nîmoises et cévenoles, elle offre un historique de ce que furent les chausses, avant d'être dénommés bas. Notamment l'invention, par un anglais, d'un métier à fabriquer, en 1589, que Colbert fera imiter en 1656 pour la France. En 1672, la Manufacture de soie et autres ouvrages au métier répand la fabrication de bas dans tout le royaume.
Mais c'est en 1700 que la réglementation permet l'essor du bas dans le département : le 30 mars, un arrêt du Conseil d'État du roi limite à dix-huit villes la fabrication du bas de métier. Nîmes et Uzès sont, avec Toulouse et Aix-en-Provence, parmi les quatre communes concernées dans le Sud. L'arrêt attribue aussi la fabrication des bas aux bonnetiers, à la place des drapiers. Nîmes, place forte du textile depuis le Moyen-Âge, "domine la production régionale, explique Aleth Jourdan. Les Cévenols travaillent alors pour Nîmes, "même si, dans l'esprit des gens, le bas, c'est les Cévennes".
En 1854, "la producltion se libéralise, poursuit Aleth Jourdan, et les fabricants cévenols, sous tutelle de Nîmes, prennent leur indépendance. Si bien qu'au XIXe siècle, Nîmes ne fabrique pratiquement plus." Et les Cévennes développent alors les bas de soie. Entretemps, la Révolution a fait exiler de nombreux ouvriers, "en Espagne ou en Prusse", qui ont diffusé le savoir-faire, alors que, jusqu'ici, les Nîmois gardaient jalousement leurs métiers.
"À l'origine, le bas est essentiellement masculin", relate Aleth Jourdan. Ce n'est que lorsque le pantalon se diffusera qu'il deviendra un apanage des dessous féminins, tenu avec une jarretière, puis un porte-jaretelles, en 1876. Dans l'exposition, les pièces les plus anciennes datent du XVIIe siècle, en provenance du musée des tissus de Lyon. Nîmes tricote alors des bas à la péruvienne, "des produits de qualité moyenne, mais qui leur permet de vendre énormément".
Le musée de la maille de Troyes est un autre grand prêteur de l'exposition. Certains bas laissent voir les subterfuges esthétiques inventés à l'époque, comme du tissu en frou-frou cousu à l'intérieur du bas, pour accroître la taille apparente du mollet.
"Les bas apparaissent plus vers les années 20, quand les jupes raccourcissent, poursuit la commissaire de l'exposition. Et on commence à imiter la couleur de la peau." Introuvables pendant la Deuxième Guerre mondiale, les bas sont parfois remplacés par une teinture de jambe. L'arrivée du nylon, dans les années 60, achève de bousculer un marché, qui le fut aussi par le jeu de la mode, collants et pantalons remplaçant les bas traditionnels. La production chute, les manufactures ferment, la soie s'exporte déjà depuis un moment. "Les grands groupes arrivent, les entreprises cévenoles ne peuvent plus suivre et disparaissent entre les années 60 et 70."
Aujourd'hui, il ne reste que trois entreprises : Well au Vigan (*), Arsoie-Cervin à Sumène et Sotexmi-Clio à Saint-Bauzille-de-Putois. À découvrir alors que s'achève l'exposition temporaire, dans un couloir qui surplombe la filature reconstituée de Maison Rouge. Une suite logique, en quelque sorte.
(*) En 2014, le musée Cévenol du Vigan consacra, aussi, une exposition à cette industrie, "Bas et collants, tradition et avenir en Cévennes" qui se voulait plus technique et moins historique que celle de Maison Rouge, selon Aleth Jourdan.
www.maisonrouge-musee.fr/expositions/lexpo-du-moment/
Autour de l'exposition
Les dimanches 12 mai et 7 juillet, à 17 heures, visites privées de la commissaire de l'exposition, moyennant 2 € de plus sur le billet. Sur réservation. D'autres visites guidées ont lieu, sur réservation, les dimanches 2 juin et 4 août, à 15 heures.
Vendredi 24 mai, à 18 heures, "Le corps dans nos sociétés contemporaines", conférence de David Le Breton, professeur de sociologie à l'université de Strasbourg.
Vendredi 14 juin, à 18 heures, "Une certaine image de la femme", conférence d'Aleth Jourdan, conservatrice et commissaire de l'exposition.
Jeudi 27 juin et vendredi 28 juin à 16 heures, samedi 29 juin à 10h30, 13h30 et 16h, atelier de création participative avec l'artiste Rebecca (!), fabulatrice et architecte de formation.
Jeudi 8 août, à 18 heures, "Le prix de la soie", spectacle gratuit.
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