BAGNOLS/CÈZE Newcleo, nouvel acteur du nucléaire, vient présenter ses projets

Hier matin, à l'issue de la présentation des projets de Newcleo, à Bagnols
- Thierry AllardDeux mois après l’annonce de son arrivée à Chusclan, tout près du site nucléaire de Marcoule, la start-up Newcleo a présenté ses projets ce mardi matin à Bagnols, à l’invitation de la CCI Gard.
« Un apport pour notre territoire inscrit dans le programme du nouveau nucléaire, avec la création d’emplois qualifiés », souligne Élise Feja, élue à la CCI Gard, sur un territoire « le deuxième pôle industriel de la région Occitanie, où il est important d’avoir des projets industriels, d’ancrer ce territoire d’avenir dans le nucléaire », rajoute le directeur de cabinet du président de l’Agglomération du Gard rhodanien, Laurent Savary.
Si elle suscite de l’enthousiasme, l’arrivée de Newcleo sur le parc Marcel-Boîteux, tout à côté du site de Marcoule, soulève aussi quelques interrogations dans le tissu économique local, largement représenté ce mardi matin dans une salle de l’Office des entreprises pleine comme un œuf. « On sent une volonté de s’intégrer au paysage local », rassure le président du collectif, Vincent Champetier. Cette présence s’inscrit en tout cas dans un contexte favorable au nucléaire, « EDF a annoncé son programme de cinquièmes visites décennales (sur la centrale du Tricastin, NDLR) et il y a les projets d’EPR2 et de SMR », rappelle le président de l’association des entreprises du nucléaires, Cyclium, Yann Hiltcher.
Créée en 2021 en Italie, l’entreprise compte aujourd’hui plus de 1 100 employés et a déménagé son siège social à Paris l’année dernière. Elle compte des implantations à Paris, Lyon, Aix et Avignon, mais aussi en Italie, en Angleterre, en Slovaquie et en Belgique. Newcleo travaille sur le SMR, le petit réacteur modulaire, de 4ᵉ génération, « qui va être plus compétitif et permettra de recycler le combustible usagé, en complément des SMR de génération 3 », avance Aude Bouchet, directrice de l’ingénierie MOX chez Newcleo.
Newcleo a l’ambition de maîtriser aussi son approvisionnement en combustible en construisant une usine de fabrication de combustible MOX, fabriqué à partir de plutonium issu du combustible usagé. Elle compte utiliser la technologie de refroidissement au plomb et celle des neutrons rapides, « plus performante, qui va nous permettre de recycler le combustible au fur et à mesure, en multipliant les recyclages sans limite », affirme Aude Bouchet. La technologie utilisée à l’heure actuelle ne permet de recycler le combustible qu’une fois. Là, il resterait « une petite partie de déchets, plus faible, et nous utiliserons moins d’uranium des mines », complète-t-elle.
Newcleo a prévu de démarrer son « précurseur », un petit réacteur non nucléaire, en 2026, « pour tester et valider tous les concepts », assure-t-elle. Ce sera en Italie. En 2030, Newcleo veut avoir démarré son usine de MOX, en 2031 son démonstrateur de réacteur 30 MégaWatts, et en 2033 les premiers réacteurs de 200 MégaWatts.
Un peu plus de 100 emplois
Et le Gard rhodanien dans tout ça ? Ici, Newcleo va installer Faster, « notre installation de test, de formation, qui va alimenter la conception de notre usine de MOX », présente Aude Bouchet. Deux bâtiments le composeront, un premier déjà existant, et un deuxième qui sera bâti d’ici fin 2026. On y retrouvera « des bureaux d’ingénierie, de formation, la réalisation de prototypes, de l’entreposage et un showroom », présente Brice Augustyniak, de Newcleo. Un peu plus de 100 personnes devraient y travailler à terme.
Le budget du projet est « aux alentours de 10 millions d’euros, entre l’acquisition, la construction et l’aménagement intérieur », précise Gabriel Floch, directeur de la future usine de MOX de Newcleo. Il faut dire que la start-up fait appel à Pininfarina pour designer son bâtiment, avec « une ambition architecturale », note Gabriel Floch. Une ambition à laquelle l’entreprise compte associer le tissu local : « C’est un vecteur de réussite de s’associer aux entreprises locales, on veillera à vous associer dans cette démarche », dira-t-il aux entreprises présentes mardi matin. « On veut s’ancrer dans ce territoire, c’est un choix lié au tissu industriel local et aux compétences présentes », précise Aude Bouchet.
Quant à l’usine de MOX, « on adorerait l’implanter ici, mais toutes les conditions ne sont pas réunies », affirme Aude Bouchet. Le souci du site de Marcoule est que les terrains qui pourraient convenir sont la propriété du CEA, et « jusqu’à présent le CEA, EDF et Orano avaient pour ordre de ne pas discuter avec les start-ups », avance Laurent Savary. Si, depuis, la donne a changé, « il y a un décalage de calendrier », note-t-il, avant d’inviter Newcleo à participer à l’appel à projets que l’Agglomération lancera prochainement pour l’ancien site sidérurgique de l’Ardoise. De toute façon, s’il est « probable, possible, que le projet d’usine MOX ne soit pas dans le Gard rhodanien, les relations que nous allons bâtir avec les entreprises du territoire pourront se prolonger ailleurs en France », estime Gabriel Floch.
Reste une interrogation : le business-model de Newcleo, question soulevée par un chef d’entreprise dans la salle. Car l’entreprise revendique avoir « levé 537 millions d’euros de capitaux privés » pour son programme, annonce Aude Bouchet, mais compte bien sur ses activités pour dégager de la rentabilité à terme. « Notre business-model, c’est de fermer le cycle, affirme-t-elle. Le marché est énorme du combustible usé qui attend d’être valorisé, car la France a fait le choix de recycler son combustible, mais d’autres pays non. »