Publié il y a 11 mois - Mise à jour le 15.05.2023 - François Desmeures - 5 min  - vu 822 fois

CÉVENNES À trois jours de son Printemps, le pélardon affiche une production élevée avec moins d'opérateurs

Président du syndicat des producteurs de pélardon, Frédéric Brasserie exploite un troupeau d'environ 70 chèvres

- (photo François Desmeures)

Depuis 2000 et l'obtention de l'appellation d'origine contrôlée, la production du fromage de chèvre d'origine cévenole augmente alors que le nombre de producteurs se réduit. Alors que le Printemps du pélardon sera fêté au Vigan ce dimanche, et que le cahier des charges de l'appellation d'origine est en cours de révision, rencontre avec le président du syndicat des producteurs, le Mialétain Frédéric Basserie. 

Président du syndicat des producteurs de pélardon, Frédéric Brasserie exploite un troupeau d'environ 70 chèvres • (photo François Desmeures)

Depuis 2000, n'est pas pélardon qui veut. Le terme, qui désignait génériquement un chèvre fermier des Cévennes, répond désormais à un cahier des charges, avec une zone de production, un temps d'affinage, et tout ce qui permet au produit d'obtenir l'appellation d'origine contrôlée - devenue "protégée" à l'échelle européenne, AOP. Avec un résultat quantifiable : une hausse de la production jusqu'à la crise de 2008, et un redécollage en 2019, avec une production qui augmente, à 282 tonnes en 2022 contre 178 tonnes déclarées en 2001. 

La santé de l'appellation "est très bonne", se réjouit Frédéric Basserie, président du syndicat des producteurs de pélardon, installé à la Ferme de Bellis sur la route de Saint-Paul-la-Coste, commune de Mialet. "Le seul point négatif, c'est qu'on a moins d'opérateurs. On produit plus avec moins de monde." Plusieurs raisons à ce constat, à commencer par "les gens qui partent à la retraite, les gens qui sortent de l'AOP et on ne sait pas pourquoi. Ou qui y entrent, se font connaître, et en sortent quand ils ont leur clientèle". L'unique salariée du syndicat des producteurs, Cécile Podeur, au plus près des données, y voit aussi un changement dans la typologie des producteurs. "Aujourd'hui, les producteurs en AOP ont une économie de leur exploitation basée sur l'AOP avec, à côté, d'autres productions." Tandis qu'auparavant, la production de pélardons apparaissait plutôt comme un complément à l'exploitation, ce qui explique qu'en 2001, 120 producteurs avaient fourni 178 tonnes. Ils sont un peu moins de 70, en 2022, pour 282 tonnes. Moins d'opérateurs, c'est aussi moins de moyens pour le syndicat qui les soutient, puisqu'il vit grâce aux commissions perçues sur les ventes.

Un produit du terroir élargi, majoritairement consommé sur place

Historiquement attaché aux Cévennes, le pélardon a franchi ses frontières initiales. Et l'AOC y a largement contribué. La zone d'appellation s'étend désormais de Saint-Étienne-du-Valdonnez et la Bastide-Puylaurent (Lozère), au nord, à Cucugnan (Aude) au sud, et de Villeneuve-lès-Avignon, à l'est, à Bugarach (Aude) à l'ouest. Le département qui produit le plus de fromages est la Lozère, tiré par la locomotive de l'appellation, la Fromagerie des Cévennes de Moissac-Vallée-Française, qui assure la majeure partie de la production de toute l'appellation. En revanche, c'est le Gard qui abrite le plus grand nombre d'opérateurs. Le pélardon est majoritairement consommé en Languedoc. Un cinquième de la production prend tout de même la direction de Rungis et des grandes villes françaises.

"Je me rends compte que les gens s'éloignent de la production, constate Frédéric Basserie. Je suis encore obligé d'expliquer ce qu'est une AOP. En même temps, quand vous entrez dans un supermaché où il est écrit "commerçant et producteur", ça participe de la confusion. Ce n'est pas parce que tu participes au financement de trois chalutiers que tu es producteur..." Pour l'exploitant de la ferme de Bellis, le Printemps du pélardon, ce dimanche au Vigan (voir encadré en fin d'article) est l'occasion "de rééduquer les gens à la production, de leur expliquer pourquoi ils paient un certain prix". Le pélardon dépasse souvent les 2 € quand le chèvre fermier reste parfois en dessous. Le Printemps permet aussi de rappeler l'histoire de ce fromage, historiquement des Cévennes, aujourd'hui étendu "aux garrigues languedociennes". "Un fromage qu'on laissait sécher et qui pouvait se déplacer dans la poche", rappelle Frédéric Basserie - quand l'activité s'effectuait majoritairement à l'extérieur - et qu'il est presque absurde de demander crémeux au mois de juillet, ou de le demander tout court en janvier (sauf, comme cela se fait de plus en plus désormais, en cas d'élevage fonctionnant en lactation lente). 

"Les terrains sont privés et les propriétaires ne donnent pas forcément le droit de passage"

Frédéric Basserie, président du syndicat des producteurs de pélardon

Si Frédéric Basserie constate, "il y a quand même pas mal d'installations qui se font, il y a des volontaires", les bonnes nouvelles volontés se heurtent parfois à une réalité montante dans les Cévennes : "Les terrains sont privés, et les propriétaires ne donnent pas forcément le droit de passage. Quant à l'accès à la propriété, c'est hyper cher désormais." Sachant qu'il faut pouvoir se loger mais aussi, bien souvent, construire ou racheter une fromagerie. Un investissement parfois trop important s'il s'établit au prix du marché de l'immobilier actuel. Le président du syndicat des producteurs y voit "un manque de volonté politique. Dans la vallée, il y a des terres et des prairies. Il y a deux générations, il y avait des vaches. Aujourd'hui, plus rien." Sinon, Frédéric Basserie verrait bien une solution, qu'il lâche dans un demi-sourire : "Le jour où le prix du terrain sera calculé sur le potentiel agronomique, ça changera tout..."

La ferme de Bellis, sur la commune de Mialet, au-dessus du hameau des Aigladines • (photo François Desmeures)

Lui avoue être "presque sans limite", de sa corniche, pour faire paître ses chèvres, "je n'ai personne d'autre autour". Un arme contre une deuxième année de sécheresse, "avec une surface couverte par la végétation de chênes verts à 90 %". Pour d'autres, le manque d'eau est plus cruel. "Je sais que près du Gardon, en Vallée Française par exemple, c'est plus compliqué. Tout comme en zone de conifères ou dans les garrigues. Par endroits, les gens ont réduit les troupeaux, ont acheté plus de fourrage."

Un fourrage qui est aussi au coeur de la révision actuelle du cahier des charges de l'AOP, qui ne devrait pas aboutir avant fin 2024. S'il devrait permettre l'introduction éventuelle de Trèves comme nouvelle commune dans l'aire d'appellation, alors qu'un couple de chévriers vient de s'y installer et en a fait la demande (relire ici), le nouveau cahier des charges répond avant tout à une directive de l'Union européenne "qui veut qu'on soit en autonomie à 100 % sur l'appellation. En conséquence, on demande à augmenter l'aire pour avoir des zones de fauche et de culture de céréales. Dans certaines zones, il faut augmenter le périmètre de pâturage."

Le dossier de révision a été déposé il y a un mois, le syndicat des producteurs attend désormais la commission d'enquête de l'INAO (institut national de l'origine et de la qualité) qui doit venir sur le terrain. Cécile Podeur ne pense pas voir aboutir le dossier avant fin 2024. D'ici là, pas loin de 600 tonnes de pélardons auront été engloutis... 

Un Printemps du pélardon familial, entre producteurs, mini-ferme et jeux pour enfants

C'est entre 10h et 18h qu'a lieu, ce dimanche 14 mai, la douzième édition du Printemps du pélardon au Vigan. Une dizaine de producteurs seront présents avec leurs fromages. Les tables seront dressées pour des grillades de chevreau ou pour déguster des préparations culinaires salées et sucrées. Salades et pélardons chauds accompagneront le chevreau. Des dégustations croisées vin/pélardon seront distillées. Travail de chien de berger, fanfare, mini-fermes... Une journée paisible sous les arbres du parc des Châtaigniers.

François Desmeures

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