Publié il y a 1 an - Mise à jour le 06.04.2023 - François Desmeures - 6 min  - vu 1206 fois

EXPRESSO Pierrot Pantel, à propos de la déviation de Saint-Christol : "Si les travaux commencent, il y aura une plainte au pénal"

Pierrot Pantel est délégué de l'association nationale pour la biodiversité

- (photo François Desmeures)

Mis en cause, dans nos parutions, par le président d'Alès Agglo, Christophe Rivenq, sur la véracité de ses découvertes faunistiques dans l'Alzon, le délégué de l'association nationale pour la biodiversité (ANB), Pierrot Pantel, lui répond. Pour lui, les manques de l'étude d'impact sur le contournement de Saint-Christol-lez-Alès, ne peuvent qu'aboutir à rendre le projet de déviation caduc. Plus largement, il souhaite un arrêt de tous les projets d'aménagement qui mettent en danger l'environnement.

Pierrot Pantel est délégué de l'association nationale pour la biodiversité • (photo François Desmeures)

La prédiction a été suivie d'effet : en décembre, Pierrot Pantel disait s'attendre à trouver des espèces animales non-répertoriées dans l'étude d'impact (relire ici). En février, il filmait une loutre sur l'un des seuils de l'Alzon. Une constatation aussitôt contredite par le président d'Alès Agglo, Christophe Rivenq, qui dénonçait "ce genre de procédé" en rejetant cette hypothèse (relire ici). Pour Pierrot Pantel, qui a installé le piège et relevé les vidéos, la mise en cause exige une réponse. 

"J'ai été dépité pour les Alésiens et les habitants de l'agglomération (dont il est, NDLR) de me dire que c'est cette personne qui représente l'agglomération, entame, en termes offensifs, le délégué de l'ANB. Quand il dit "on a fait des études"... Non, il a payé des études de plusieurs milliers d'euros pour un travail qui n'est pas allé au bout et un intérêt qui n'est pas démontré."

La loutre, filmée en début d'année sur un seuil de l'Alzon, à Saint-Christol-lès-Alès • (Capture d'écran document ANB)

Ou bien, revu à la baisse, selon Pierrot Pantel : "Au départ, le projet portait sur 5 ou 6 kilomètres, de la Luquette à la route de Montpellier. Sauf qu'aujourd'hui, la Région et le Département disent niet (*). Il ne reste que M. Rivenq. On sent venir le coup de ne faire qu'une tranche." Une éventualité effectivement favorisée, dans nos colonnes, par le maire de la commune, Jean-Charles Bénézet (relire ici). "Or, poursuit Pierrot Pantel, l'enquête publique repose, elle, sur un projet global. Des personnes ont pu donner leur accord parce que ça allait désenclaver leur habitat, mais ce n'est plus le même projet." 

"L'avis technique de l'Office français de la biodiversité est cinglant par rapport à ce projet"

Mais ce qui a mis Christophe Rivenq en colère, c'est la vidéo, publiée par l'ANB, d'une capture infrarouge d'une loutre dans l'Alzon, espèce qui ne figure pas dans les études environnementales, le président de l'agglomération laissant entendre que la loutre est apparue avec la caméra, dans un lieu où la rivière serait à sec six mois par an (lire aussi encadré). "J'ai lu l'avis technique de l'Office français de la biodiversité (OFB), poursuit Pierrot Pantel. Il est cinglant par rapport à ce projet. Il relève trois espèces : la loutre, le castor et le campagnol amphibien. Moi, j'en ai constaté une quatrième, la genette. Et je n'ai pas de zoo chez moi, sourit-il. Mais si je mens, ça veut dire que l'OFB du Gard ment, avance celui qui est un ancien inspecteur de l'office, dans un autre département. J'aimerais voir un débat entre les deux." 

La mise au point de l'association contre le contournement

Toujours à propos de ce même entretien avec le président d'Alès Agglo, l'association contre le contournement de Saint-Christol-lès-Alès et pour la défense de l'environnement entame, ironique : "Une poignée de sudistes ingénieux opposés à une rocade à travers Saint Christol lez Alès, ont, par une nuit d’hiver étoilée déposé une loutre – fournie sans doute par un trappeur cévenol - dans le lit d’une rivière généralement asséchée." Mais l'association s'offusque surtout du passage où Christophe Rivenq affirme que la rivière est "sec six mois par an". "On constate que nous avons un président qui ne connaît pas son territoire, poursuit Pierre-Gilles Coulet pour l'association. En effet, même en ayant habité Saint-Christol Monsieur Rivenq ne connaît pas l’Alzon (...) Car l’Alzon n’est jamais, n’a jamais été à sec . Tous les Saint-Christolens habitant à proximité depuis des lustres, les promeneurs, les pêcheurs, les chasseurs, peuvent le confirmer. Depuis sa source principale au château d’Arène (sa première source se situant à Saint-Jean-du-Pin) l’eau a toujours coulé sous le pont de la Vieille route d’Anduze, sinon le moulin de l’Olm n’aurait pas existé avec son canal de dérivation qui part de l’Alzon à partir du pont et il ne serait pas construit sur pilotis en bois de chênes."

"Christophe Rivenq m'avait dit que, pour lui, l'espèce humaine passerait toujours avant la biodiversité, poursuit Pierrot Pantel. Ça veut surtout dire qu'il ne comprend rien à comment fonctionne la biodiversité, parce que l'être humain ne vit pas hors sol." Pour le militant de la cause environnementale, c'est surtout sur le terrain du droit que l'agglo alésienne "ne pourra pas aller au bout. Si les travaux commencent, il y aura une plainte au pénal." Tandis que l'association locale, qui s'est montée contre la déviation, a porté deux recours au tribunal administratif, contre la déclaration d'utilité publique et l'autorisation environnementale. 

"L'OFB a deux "patrons", justifie Pierrot Pantel, le préfet et la police de l'environnement. Si elle n'allait pas au pénal, ça voudrait dire que le procureur de la République de Nîmes lui aurait dit de ne pas y aller ? Ça m'étonnerait. Mais dans ce cas, l'association demanderait au parquet de saisir les engins de chantier. Ce dossier est presque une bouffée d'oxygène tellement il est facile. L'air de rien, ils ont des juristes qui se sont rendu compte que ce que je disais n'était pas faux, croit pouvoir avancer Pierrot Pantel. Le contentieux est dangereux pour eux. Et, d'un point de vue financier, c'est loin d'être acquis."

"Je suis adepte du "Il ne faut plus rien faire"

Pour l'ancien inspecteur de l'OFB, l'enjeu environnemental, dans sa globalité, risque bien d'atteindre tous les projets routiers. "Pour faire une nouvelle route en 2023, il faut être culotté et assumer le fait de se foutre de la situation environnementale dans laquelle on est aujourd'hui. Et l'assumer politiquement." Plutôt qu'une nouvelle infrastructure, le délégué de l'ANB préfèrerait entendre parler de réhabilitation de la Vieille route d'Anduze. "Christophe Rivenq se déplace à vélo, je le mets au défi de faire Bagard-Alès à vélo, par la Vieille route. Depuis dix ans, son projet de réhabilitation est dans les cartons. Son élargissement serait à envisager."

Mis à part, donc, des ajustements, Pierrot Pantel élargit sa position à tout nouveau projet destructeur. "Je suis adepte du "il ne faut plus rien faire", lâche le militant. C'est la réalité. Ça dépend envers qui va notre loyauté, en fait. Le GIEC parle désormais de survie de l'humanité. Même si ce n'était pas le risque, ma loyauté va à tout le vivant." Pierrot Pantel définit ainsi la biodiversité, comme "un grand drap avec des chaînes trophiques qui s'entrecroisent. Si on y met des coups de canif, le drap se déchire." Et il souhaite bien souligner que tout le monde n'a pas la même responsabilité des coups de canif dans le drap. 

Un castor d'Europe, extrait d'une autre vidéo sur le même site de piégeage • (capture d'écran document ANB)

"Je suis le caillou dans la chaussure", se présente finalement Pierrot Pantel, qui explique que c'est dès le mois de septembre qu'il avait constaté la présence de la loutre, avant de joueur au chat et à la souris avec elle pendant quelques mois. Désormais, il aimerait "inviter Christophe Rivenq à venir dans l'Alzon, avec moi". Avant d'ajouter, ironique, en réponse à l'interview du président d'Alès Agglo : "Même s'il n'y a pas d'eau en été, qu'il prenne quand même ses bottes." 

(*) Les deux insititutions ont été solllicitées par Objectif Gard. Après une semaine, le Département n'a fait parvenir aucune réponse. Côté Région, on n'affirme pas de position de principe : "La sollicitation n'étant pas faite au moment où nous nous parlons, nous répondrons en fonction du dossier qui nous sera présenté et de ce qui sera demandé", répond Jean-Luc Gibelin, pourtant vice-président en charge des Mobilités et des infrastructures de transport et élu à Salindres. Une réponse qui ne reprend pas, ceci dit, fermement l'engagement de principe donné, à l'époque, par Georges Frêche. 

Contournement Ouest de Nîmes : pour l'ANB, l'enquête publique est incomplète

Logiquement, Pierrot Pantel, pour l'association nationale pour la biodiversité (ANB), a suivi le projet de contournement ouest de Nîmes, dont l'enquête publique a eu lieu entre le 6 février et le 9 mars. Et son avis reste tranché : "On a eu droit à une enquête publique où l'ensemble des éléments à disposition de l'État n'a pas été donné. C'est une violation complète des règles. Il manque notamment l'avis de l'Office français de la biodiversité. Il n'est pas dans les pièces soumises à enquête publique. Cela pose la question de l'honnêteté." Il a relevé, sur le dossier existant, que l'un des problèmes est "l'absence totale de mesures compensatoires. C'est un projet qui détruit mais on ne sait pas comment on va compenser. Comment, alors, se considérer comme informé ? Alors qu'on s'apprête à détruire 165 hectares pour gagner entre zéro et trois minutes... C'est une éternelle fuite en avant, comme si on savait pas que faire des routes augmente le nombre de bagnoles."

François Desmeures

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