Bagnols-Uzès
Publié il y a 1 an - Mise à jour le 18.11.2022 - Marie Meunier - 4 min  - vu 474 fois

L'INTERVIEW Pierre Campton : "La Cèze est l'un des affluents rhodaniens les plus colonisés par l'alose"

Pierre Campton association Migrateurs Rhône-Méditerranée

Pierre Campton est directeur technique de l'association "Migrateurs Rhône-Méditerranée". 

- photo association "Migrateurs Rhône-Méditerranée"

Au printemps et cet été, l'association "Migrateurs Rhône-Méditerranée" (MRM) était présente plusieurs jours dans le Gard rhodanien. Des prospections ont été réalisées sur la Cèze, en amont de Chusclan, pour déterminer si des secteurs étaient favorables à la reproduction de l'alose. Actuellement, ce poisson migrateur ne peut pas remonter le cours d'eau jusque-là à cause du seuil de Chusclan. Il le pourra bientôt grâce aux prochains travaux prévoyant l'aménagement d'une passe à poissons. Les données sont encore à l'étude mais Pierre Campton, directeur technique de MRM, livre les premiers résultats.

Objectif Gard : Que pouvez-vous nous dire sur ce poisson qu'est l'alose ?

Pierre Campton : C'est une espèce endémique du bassin Rhône-Méditerranée. C'est donc une espèce qu'on ne retrouve pas ailleurs en France et dans le monde. Il y a quand même un enjeu de conservation majeur. C'est une espèce qui se reproduit sur les cours d'eau et qui va grandir en mer. (...) Avec le réchauffement climatique, les besoins en eau de l'agriculture augmentent et il y a de moins en moins d'eau dans nos rivières. L'alose est un poisson très sensible au niveau d'eau, à la profondeur, à la thermie. Cela va donc influencer le succès de la reproduction. La gestion de l'accès à la ressource en eau a un impact direct sur les possibilités de résilience de l'espèce.

Quel était le but de votre étude conduite sur la Cèze ?

Le but était de localiser les habitats qui sont potentiellement favorables pour la reproduction de l'alose, entre le seuil de Chusclan et les cascades du Sautadet. Cela s'inscrit dans une vision beaucoup plus globale qui vise à identifier quels sont les secteurs à enjeux en termes d'accessibilité pour les poissons migrateurs. Pour ensuite ajuster nos suivis une fois que les principaux axes seront réouverts. C'est le cas sur la Cèze où il y a un projet de restauration de la continuité écologique sur le seuil de Chusclan.

Aujourd'hui, les aloses ne parviennent pas du tout à franchir le seuil de Chusclan pour se reproduire ?

Non, elles n'y arrivent pas. Aujourd'hui, on localise quels sont ces secteurs de cours d'eau en amont du seuil qui seraient les plus favorables à sa reproduction. On regarde les hauteurs d'eau, la vitesse de l'eau, la granulométrie (taille des cailloux au fond de la rivière, NDLR) idéaux. À partir de cette connaissance-là, quand le seuil sera rouvert, on pourra vérifier si les aloses y parviennent et s'y reproduisent de manière effective. 

alose poisson migrateur
L'alose est un poisson migrateur : il vit en mer Méditerranée et remonte dans les rivière par le Rhône pour se reproduire.  • photo association "Migrateurs Rhône-Méditerranée"

Quels sont les premiers résultats de l'étude ?

On a beaucoup d'habitats qui sont potentiellement favorables. Un des aspects remarquables de la Cèze est qu'il y a une absence d'ouvrage bloquant en amont sur le secteur et il n'y a pas d'usine hydroélectrique. Une fois que les aloses se sont reproduites, elles redescendent en mer et la présence d'une micro-centrale peut avoir un impact et provoquer de la mortalité sur les géniteurs, mais aussi sur les alevins qui sortent des oeufs et redescendent eux aussi en mer. 

Quels autres critères sont importants ?

Quand les aloses vont mettre leurs oeufs sur un secteur de reproduction, si on a des cailloux colmatés par des matières organiques ou des algues, la survie va être limitée. Cet aspect-là est plus difficile à appréhender. On est en phase expérimentale, on essaie de mettre en place des protocoles pour définir si une frayère (secteur de reproduction, NDLR) est fortement colmatée. La gestion globale des milieux par les territoires est donc aussi un enjeu. 

Ce secteur entre Chusclan et les cascades du Sautadet, vous l'aviez déjà étudié ?

Oui, on y avait déjà été il y a quelques années. L'idée était aussi de voir comment avait évolué le milieu. Parce qu'il y a eu de fortes crues entre temps. Des crues qu'on appelle "morphogènes". On se demandait s'il n'y avait pas eu des déplacements de graviers, de substrats qui auraient modifié l'habitat de l'alose. C'était davantage un travail de réactualisation. Mais globalement, on reste sur les mêmes quantités. Reste à voir s'il y a des déplacements de frayères. 

Il n'y a plus qu'à attendre les travaux.

On les attend avec impatience. Il faut savoir que ces dernières années, la Cèze est l'un des affluents rhodaniens les plus colonisés par l'alose. On a de très bons résultats puisqu'on fait du suivi de reproduction en aval de Chusclan et par capture de pêche à la ligne. Il y a un gros intérêt à ce qu'on donne la possibilité à cette espèce d'accéder à des secteurs de reproduction de grande qualité, afin que le maximum d'alevins puissent survivre. 

C'est pour quand les travaux sur le seuil de Chusclan ?

Actuellement, le seuil de Chusclan empêche les aloses de remonter le cours d'eau. Une passe à poissons doit être aménagée pour permettre à ce poisson migrateur de remonter la Cèze jusqu'aux cascades du Sautadet, 14 km plus loin. Le chantier prévoit aussi d'abaisser le seuil de 50 cm. Il y en aurait pour environ 750 000€ HT (financés à 80% par l'Agence de l'eau). Les travaux, portés par l'Agglomération, auraient dû débuter cet été, mais à cause de la sécheresse et du fort risque incendie, les engins de chantier ne pouvaient fonctionner. A priori, le chantier est reprogrammé à juin 2023 car il faut attendre une période où le niveau de l'eau est assez bas. Le projet

D'importantes sécheresses comme cet été peuvent-elles avoir un impact ?

Les aloses se reproduisent à un moment de l'année où on n'a pas ce problème de sécheresse. En revanche, les alevins, qui restent en place jusqu'au mois de septembre, peuvent être perturbés. On parle des conséquences de la sécheresse mais on doit aussi penser à la manière dont on gère ces périodes de crise. Il faut faire en sorte que le milieu soit résilient au réchauffement climatique : comment faire en sorte qu'il y ait un minimum d'eau dans nos rivières pendant ces périodes de crise ? On ne doit pas penser qu'en terme de continuité pour les poissons migrateurs mais de milieu. 

C'est quoi l'association "Migrateurs Rhône-Méditerranée" ?

L'association "Migrateurs Rhône-Méditerranée" a été créée en 1993, sous l'impulsion du ministère de l'Environnement et des fédérations de pêche, face au constat de régression des populations de poissons migrateurs sur le bassin Rhône-Méditerranée. Depuis elle veille à la préservation, à la restauration de leur milieu de vie. Leur action s'étend sur 21 départements, dont le Gard, et sur 11 000 cours d'eau. L'association est basée à Arles et emploie huit salariés permanents. Les 21 fédérations de pêche départementales sont aussi adhérentes.

Marie Meunier

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