Objectif Gard : La semaine dernière, La France Insoumise a quitté l’organisation Alès Maison Commune, qui n’a pas réussi à faire l’union avec le Printemps Alésien, alors que les deux organisations affirmaient tous deux la vouloir. Comment expliquer cette situation ?
Armand Crépin : Lorsqu’on a cocréé Alès-Maison Commune avec le Parti Socialiste, les Écologistes, Ensemble, Génération.s. et L’Après, en fin novembre 2024, l’analyse de départ était simple : l’union est une condition nécessaire à la victoire, mais pas suffisante. Il faut aussi un programme de rupture qui réponde aux problématiques des Alésiens. Malgré la scission, on a essayé de mener l’union de la gauche à son terme avec le Printemps Alésien, dans la dynamique de la Nupes et du NFP, qui avait fondé pas mal d'espoir, même si les circonscriptions ont été remportées par le RN.
Mais aujourd’hui, il y a deux candidatures, Basile Imbert et Paul Planque, qui sont à traiter pour réussir l'union. Nous, à LFI, on ne met pas la tête de liste comme condition préalable à l'union. Que les autres partis fassent de même, et il suffira de trouver une méthode de désignation qui permette à tout le monde de s'y retrouver.
On ne désespère pas de débloquer la situation, mais c'est c'est là que ça coince pour l'instant. S’ils sont sincères dans leur démarche d'union, et je pense qu'ils le sont, il n'y a rien d’indépassable.
Officiellement, personne n'a quitté Alès-Maison Commune. Mais, chez les Insoumis, nous suspendons notre participation car on ne veut pas suivre l'aventure personnelle de Basile (Imbert). Et de ce que m’ont dit l’Après et Génération.s., ils ne semblent plus vouloir participer non plus.
Au-delà de la tête de liste, le fonctionnement interne semble aussi poser problème, d’autant plus que ce n’est pas la première fois…
Beaucoup disaient que la solution se trouvait dans un juste milieu, dans une autre façon de fonctionner. Surtout qu’on a un héritage depuis 2020.
"Un spectacle de tambouille"
Les Insoumis, nous disons depuis longtemps : ‘Tant qu'on ne changera pas le fonctionnement, on sera incapable d'impulser une dynamique, incapable de faire l’union et de remporter la mairie.’ Alors l’idée, c'est d'avoir un travail collégial, un fonctionnement écrit, cadré, qui définit les rôles, comment animer les réunions, comment décider les Assemblées Générales, les ordres du jour, etc.
La proposition d’Alès Maison commune était un comité d'animation à parité égale entre Printemps Alésien et Maison commune, pour organiser tout ce qui est technique et créer la proposition de composition de la liste à terme.
Je comprends bien que tous les partis défendent leurs intérêts, mais il ne faut pas perdre de vue qu’on est là pour l’intérêt général avant tout. Au final, ça donne un spectacle de tambouille, c'est absolument ce qu'il faut éviter. En plus on perd un temps fou, alors qu'on a déjà du retard.
Quels sont vos espérances, vos objectifs à partir de cette situation ?
Il faut conclure cette phase de négociations au plus vite. Que tout le monde soit en responsabilité et se dise : ‘c’est le moment de faire quelque chose’, car l’aspiration pour la ville est la même. On a des nuances bien sûr, sinon on serait dans le même parti. Mais s’il n’y a rien d’indépassable sur le programme, il faut dépasser les egos.
On a une occasion en or de reprendre la mairie, de faire rentrer Alès dans le XXIe siècle, on doit être à la hauteur de l'enjeu. Les commerçants et citoyens ne nous parlent pas des histoires de partis, ils veulent des solutions pour la ville. 80% des électeurs veulent l'union, il faut les entendre et qu’ils se fassent entendre.
Quel programme La France Insoumise souhaite-t-elle porter à Alès pour 2026 ?
Les Alésiens attendent une réponse, un projet, une rupture, un renouvellement politique. Dans les grandes lignes, on a commencé à travailler sur la jeunesse et l’emploi, les transports, l'école et le commerce, la revitalisation du centre-ville, le logement, l’eau et la gestion des eaux usées. Ce ne sont pas des sujets sexy, mais ils sont nécessaires et importants.
Chez les moins de 25 ans à Alès, on frôle les 40 % de chômage, c’est au-dessus de la Seine-Saint-Denis. Le revenu médian n’est qu'à 18 000 € ici, quand il est presque à 22.000€ nationalement. Les gens souffrent, il y a une vraie colère sociale.
"Un programme de rupture à disposition de toute la gauche"
Pourtant, on a des atouts : L'IMT Mines est la septième école d’ingénieurs de France, d’accord. Mais comment on l'associe, comment on la fait vivre dans la ville ? Les étudiants restent beaucoup dans leur campus, on ne leur propose rien. Ça nous ferait du bien de la jeunesse dans la ville pour la redynamiser. Pareil pour Les Halles : elles sont belles et étaient nécessaires, mais que met-on en place pour les faire vivre ? Il y a peu d’évènements, on se retrouve avec un marché couvert en fait, il faut un réel suivi.
Il faut aussi repenser et simplifier le système de parking, comme celui des lignes de bus qui n’ont pas été modifiées depuis les années 90. Les lignes partent d'endroits où les gens n’habitent plus pour aller où ils ne travaillent plus. Les horaires sont aussi trop scolaires et cela manque en milieu de journée pour le reste de la population. Les petites navettes gratuites Ales’Y sont une bonne idée, mais elles sont quand même très vides et les pistes cyclables sont souvent très mal sécurisées… On manque aussi d’espaces communs pour se retrouver.
On va lancer plusieurs assemblées communales et mettre notre programme de rupture à disposition de toute la gauche. On veut mener une campagne où les citoyens sont acteurs, moteurs et force de proposition. Une campagne renouvelée, large, unitaire et de rupture radicale.
Et dans l’agglomération ?
Il faut utiliser le Plan Alimentaire Territorial pour redévelopper une activité agricole, ce qui nous permettra, à la fois de développer le tourisme, de faire de la lutte contre l'incendie et bien nourrir localement, dans les cantines notamment. Il y a aussi la question de l'abattoir : si on abat la viande de l'abattoir, on répond rapidement aux problèmes de tonnage et cela relancera l'économie, on y arrivera par la consommation locale.
Côté transports, même ceux qui sont à 4-5 kilomètres d’Alès doivent venir en voiture, il n’y a pas d’alternative. Et puis même, les gens empruntent la rocade, mais n’entrent plus dans le centre-ville, il faut y remédier.
Sur un volet à la fois local et international maintenant, quelle est votre vision sur le pavoisement du drapeau palestinien par différents maires communistes gardois lundi dernier ?
Je trouve l’initiative super. C’est une manière de montrer sa solidarité, comme on l'a fait pour l’invasion de l’Ukraine. Aujourd'hui, il y a un génocide à Gaza, il y a des massacres, c'est affreux. Ils sont condamnés par la communauté internationale, l'état de Palestine a été reconnu, mais désormais il faut passer à l'étape suivante, suivre l'exemple de l'Espagne qui montre le chemin diplomatiquement, ne plus être complice du génocide en arrêtant les ventes d’armes et prendre des sanctions comme on a su le faire avec la Russie.
"Macron est le cœur du problème"
Il en va de la crédibilité du pays à l'international, nous devons prouver que nos principes sont bien universels.
Et d’un point de vue national, soutenez-vous la position de votre direction de parti de vouloir déjà censurer Sébastien Lecornu ?
Tout à fait, la politique reste la même, donc notre position reste la même. La situation reste bloquée, c'est le dernier fidèle de Macron. Je ne veux pas taper sur le PS mais je ne sais pas comment ils peuvent croire qu'ils vont négocier avec lui. Cela fait huit ans qu’il fait le coup de ‘ je vais discuter, faire des compromis, etc’, mais rien ne bouge pas d’un iota.
Le nœud du blocage, ce n’est pas le Premier ministre, c'est la politique menée par Emmanuel Macron et son absence complète de majorité qui l’oblige à chercher l'alliance avec LR et le RN. Il faut que Macron parte, c’est le cœur du problème.