FAIT DU JOUR La Fondation Escathon, trente ans de travail artistique à Barjac

Aux confins des Cévennes et de l’Ardèche, un paysage monumental surgit du sol : celui d’Anselm Kiefer. Sur plus de 40 hectares, la Fondation Eschaton dévoile l’univers tourmenté et fascinant de l’artiste allemand, entre ruines, tunnels et œuvres monumentales. Un lieu unique, entre mémoire historique et création contemporaine.
Un véritable musée à ciel ouvert, aux portes des Cévennes et de l'Ardèche. La Fondation Escathon réunit dans les hauteurs de Barjac trois décennies de travail de l'artiste allemand et contemporain Anselm Kiefer, pour "promouvoir son héritage artistique". Sur plus de 40 hectares sont ainsi disséminés tours, tableaux, aménagements, sculptures et structures reliés par un réseau souterrain et de tunnels, dont l'inspiration vient des origines de l'homme né en mars 1945 à Donaueschingen, "dans un champ de ruines" en pleine Forêt Noire, une région particulièrement fragile en ce temps d'après-guerre.
"Une urgence de raviver les mémoires"
Destruction et teintes sombres règnent ainsi sur ce domaine, devenu fondation en 2016, suite au déménagement du propriétaire, rendant possible l'ouverture au public à de rares occasions. "Une fois adulte, alors que l'Allemagne voulait effacer l'histoire, il s'est dit qu'il ne fallait pas oublier. Il sentait une urgence de raviver les mémoires", explique Émeline, guide de la fondation.
Le domaine, agrandi au fil des années, a été non seulement "l’épicentre du travail créatif d'Anselm Kiefer de 1992 à 2007", mais aussi son lieu de vie, prenant "avantage des espaces naturels qui lui importent tant". L'ancien propriétaire des lieux comparait ainsi ses ateliers à des "laboratoires, des raffineries ou des mines."
40 hectares indépendants mais interconnectés
L'élaboration du domaine a commencé en 1992 et comprend aujourd'hui une centaine de points de visite, entre sculptures et tableaux, soit en hangar, soit en plein air, comme les sept palais célestes.
"La fondation est une œuvre totale avec plusieurs œuvres en son sein. Pour Kiefer, une ruine est une nouvelle destinée", ajoute la guide. Le nom 'Eschaton' fait d'ailleurs référence à la nature cyclique de la vie et au concept selon lequel la création et la renaissance naissent des ruines et sont rendues possibles par la disparition et la destruction. C'est un "cheminement par hasard qui a mené" l'artiste dans cette friche industrielle, une ancienne magnanerie dénommée « La Ribaute », après avoir exposé à Chicago, Philadelphie ou Los Angeles.
"La ruine est en réalité au commencement, et donc au recommencement"
"Anselm a toujours été nomade. Que ce soit en Allemagne, en France ou au Portugal, il avait besoin que ça sente l'énergie", se souvient Édouard Chaulet, maire de Barjac. Cette énergie l'a amené à créer un univers sombre, tiré d'"un sentiment d'abandon". "Il est rattaché à la guerre et sa mémoire, il veut voir la guerre à travers les matériaux. L'idée de destruction est constante. Pour lui, c'est une question d'humains, d'humanité, ce qu'il s'est passé en Allemagne se passe partout. Tous les humains se demandent d'où on vient et où on va".
La noirceur de l'œuvre globale est renforcée par l'utilisation privilégiée de son matériau de prédilection le plomb, qu'"il a réussi, à l'inverse des alchimistes, à transformer en or", selon Édouard Chaulet. Ce dernier a vu "s'ouvrir de la nature et du bonheur" dans un projet qui s'est "désattristé" au fil des années : "Au départ, c'était plus que mélancolique. C'était triste et puis le tout est devenu des ciels étoilés, à la manière du roman 'Des nuits plus belles que vos jours'. La ruine est en réalité au commencement, et donc au recommencement".
Les premiers grammes de plomb utilisés par l'artiste proviennent par ailleurs du toit de la cathédrale de Cologne. L'édile relève aussi "vingt ans de solitude et de connotation sexuelle" à travers les sculptures des femmes de l’Antiquité.
Réservation obligatoire pour visiter sur Internet ICI