FAIT DU SOIR Ligne à très haute tension : en attendant le 2 juin

À Beaucaire, le mercredi 30 avril lors de la réunion organisée par le CNDP.
- S.MaC'était une réunion très attendue, organisée mercredi par la Commission nationale du débat public au Casino municipal à Beaucaire. Au cœur des discussions, le projet de création d'une ligne aérienne 400 000 volts entre Jonquières-Saint-Vincent et Fos-sur-Mer. Les prochains rendez-vous sont fixés au 20 mai à Saint-Martin-de-Crau, puis au 2 juin à Arles, date à laquelle seront débattus les différents projets alternatifs, dont celui du collectif THT13-30.
Que peut-on attendre de ce débat ? La question a très rapidement été posée par un Fontvieillois, l’une des 350 à 400 personnes réunies au Casino municipal de Beaucaire. Parmi elles, des élus gardois dont le président de la communauté de communes Juan Martinez et l'eurodéputé, Julien Sanchez, bucco-rhodaniens (le maire d'Arles, Patrick de Carolis, le député Emmanuel Taché de la Pagerie etc), des agriculteurs, des spécialistes de la biodiversité, des industriels, des professionnels du tourisme, des associations, des citoyens… Des profils très différents, intéressés par un même sujet : le projet de création d’une ligne aérienne 400 000 volts entre Jonquières-Saint-Vincent et Fos-sur-Mer, porté par RTE. Une cicatrice diront certains, une colonne vertébrale pour d’autres.
Bien sûr, les avis divergent et c’est tout le sens de ce débat global mené depuis le 2 avril par la Commission nationale du débat public (*) où tous les points de vue seront entendus. Au cœur de ces concertations qui s’échelonneront jusqu’au 13 juillet, l’ensemble des projets de réindustrialisation et de décarbonation du territoire de Fos-sur-Mer et de l’étang de Berre et les effets cumulés. « C’est un moment démocratique inédit », avait souligné le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, Georges-François Leclerc, au tout début du mois d’avril. Ce dernier était au premier rang de l’assemblée mercredi, aux côtés du préfet du Gard Jérôme Bonet. La sous-préfète d’Arles, Cécile Lenglet avait également fait le déplacement.
L’approvisionnement en énergie est un facteur de compétitivité vital pour le secteur de la chimie afin de maintenir l’emploi en région et ce n’est pas un chantage à l’emploi comme j’ai pu l’entendre ; et poursuivre les projets de décarbonation pour réduire toujours plus les émissions de gaz à effet de serre et lutter contre le réchauffement climatique.
Sophie Viguié, secrétaire Générale de France Chimie Méditerranée
Alors en effet, chacun a pu s’exprimer sur le sujet précis de la ligne THT mercredi - l’ensemble des propos sera retranscrit sur le site de la CNDP - chacun à sa manière. Le maire de Beaucaire, par exemple, a très vite sorti les griffes pour réaffirmer son opposition au projet. Nelson Chaudon a d’ailleurs annoncé l’organisation d’une grande votation citoyenne, le dimanche 15 juin, en mairie. « Nous mettrons tout en œuvre pour défendre la voix des Beaucairois. Vous nous trouverez toujours sur votre chemin », a-t-il adressé à l’équipe de RTE.
Rappelons que le projet prévoit l’implantation de quelque 180 pylônes d'environ 60m de haut, sur une distance de 65 km, depuis Jonquières-Saint-Vincent en passant par Beaucaire, Bellegarde, Fourques, Arles et Saint-Martin-de-Crau. Tel est le fuseau "de moindre impact" validé le 27 septembre 2024. Et cela pour permettre la décarbonation de la production industrielle de Fos-sur-Mer, le maintien de l’emploi et l’arrivée de nouveaux acteurs industriels sur le site - entre 8 000 et 10 000 emplois supplémentaires d’après le préfet Georges-François Leclerc - ainsi que de faire face à l'augmentation prévue de la consommation électrique dans la région PACA, a défendu le préfet de région. « Croire que cette ligne THT est au seul bénéfice de Fos et de Berre est de mon point de vue une erreur. C’est aussi pour la sécurisation de l’alimentation électrique de tout le sud de la France, a-t-il poursuivi, faisant référence à la panne d'électricité exceptionnelle survenue lundi dernier en Espagne et au Portugal. Un problème qui doit nous faire réfléchir à la qualité de la sécurisation énergétique. » En s'appuyant sur une étude menée par la Chambre de commerce et d’industrie du Pays d’Arles, son président Stéphane Paglia a quant à lui démontré l’impact économique de la zone industrialo-portuaire sur le territoire en tenant compte des sous-traitants mais aussi des actifs soit « 4 000 personnes par jour qui se déplacent pour travailler sur la zone. »
Tout cela a été entendu. Mais pour les opposants, lesquels font grand bruit depuis un peu plus d’un an, le débat n’est pas là. « Nous ne sommes pas contre décarboner, a martelé Cyril Marès, président de la Copa 30 et de l'AOC des Costières de Nîmes, mais faisons-le proprement et intelligemment. » Et Luc Perrin, co-administrateur de l’ASTA d’ajouter : « La réindustrialisation de la région PACA ne pourra se faire aux dépens de l’Occitanie. » Rappelons là encore, qu’une solution alternative a été proposée par le collectif Stop THT 13-30, laquelle repose sur un tracé enterré sur une distance de 53 km contre 65 km pour RTE, à 96 % sur des terrains publics, le long de remblais, des bords de digues et de routes et comprenant une partie ensouillée dans le Rhône à Arles. La question a été posée à plusieurs reprises et par diverses personnes : « La ligne peut-elle être enfouie ? »
Monsieur le préfet, vous l’avez très bien dit, l’interconnexion c’est indispensable mais ce n’est qu’une partie de la réponse. Si tout vient du même lieu de production, ça ne fonctionnera pas. Il se passera la même chose qu’en Espagne. Donc pourquoi Fos-Berre qui a besoin de beaucoup d’énergie ne produit pas lui-même son énergie ?
Romain Collard, agriculteur à Beaucaire
Si quelques éléments de réponses ont été apportés par RTE, Christophe Berassen, directeur du centre développement et ingénierie réfutant l’hypothèse compte tenu des contraintes techniques et d’un coût « 10 à 12 fois plus élevé » que celui de la proposition initiale ; le préfet de région ne se prononcera sur le sujet qu’après avoir étudié les résultats de la tierce expertise sur les possibilités d'enfouissement partiel ou total de la ligne. Comme tous les documents, celui-là sera versé au dossier consultable sur le site de ma CNDP. Il faudra donc patienter jusqu’au 2 juin, date de la réunion publique organisée à Arles toujours dans le cadre du débat global, sur le thème des alternatives au projet de RTE.
Quelles données le représentant de l’État prendra-t-il en compte, puisque c’est lui qui devra signer l’arrêté d’utilité publique, lequel définira les modalités du transport de l’électricité ? « Le coût », « les délais » et « les impacts », a-t-il énuméré. Un tiercé tiré dans le désordre sous les huées des opposants. « Lorsque j’étudierai le dossier, ce sont tous les intérêts publics que je prendrai en compte, et je le dis sans démagogie, peut-être surtout l’intérêt du monde agricole. Il y a une notion fondamentale : l’impartialité », a ajouté Georges-François Leclerc au cours de la réunion.
S'inquiétant des impacts que pourrait avoir cette ligne aérienne sur les paysages, l'environnement, l'économique agricole et touristique du territoire, mais aussi sur la valeur des propriétés dont la décote est estimée entre 10 et 40 %, le collectif Stop THT 13-30 se prépare déjà à la bataille juridique, une convention d’honoraires a été signée avec deux avocats à la fin du mois de mars.
*Autorité indépendante chargée de garantir le droit à l’information et à la participation de toutes les personnes aux décisions qui concernent l’environnement.