Publié il y a 5 h - Mise à jour le 02.09.2025 - © Sabrina Ranvier - 4 min  - vu 120 fois

LE DOSSIER Christophe Mauny : « Même si cela a été dur, je les remercie »

Christophe Mauny, inspecteur d'académie, est Dasen du Gard depuis septembre 2023. Il a enseigné en collège, lycée et à l'université.

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Celui qui effectue sa troisième rentrée comme Dasen du Gard a débuté comme professeur d’EPS dans les académies de Créteil et de Lille.

En éducation prioritaire, les élèves cumulent les difficultés. « C’est difficile, parfois décourageant », mais « les petites réussites » deviennent « énormes », reconnaît Christophe Mauny, et « on a l’assurance que l’on ne les oubliera jamais ». Cet agrégé d’EPS se souvient parfaitement de ces élèves de « seconde pédagogie du contrat » du lycée Thiers dans l’académie de Créteil qui ont « chamboulé ses repères ». Dans cette section, les effectifs étaient « allégés » avec 32 élèves par classe pour préparer le bac, éventuellement en 4 ans. Il explique que les élèves du lycée professionnel de Vitry-sur-Seine ont aussi permis à celui qui était handballeur de haut niveau de progresser à « une allure forte » : « Rien n’était anodin, la moindre composition de groupe, la moindre tâche. Même si cela a été dur, je les remercie, cela m’a permis d’accéder à une certaine rigueur. » En Seine-Saint-Denis, il se souvient de ces trajets vers les installations sportives, et où on traverse des zones de conflits entre bandes et où des élèves demandent de faire un détour. Il se remémore aussi de ces collégiens de Calais qui « habitaient à 5 km de la mer et n’y étaient jamais allés ».

Performances

En parallèle, Christophe Mauny joue et entraîne à haut niveau. Il navigue entre la recherche de performance en club et les cours d’EPS où l’enjeu est tout autre. Il se souvient de ce lycéen qui, un jour, « explose les records » en athlétisme en jean et baskets de ville. Insuffisant. Il n’avait rien fait durant les six séances précédentes, il récolte un 7 sur 20. Christophe Mauny a aussi été marqué par le courage des étudiants de l’université de Côte d’Opale qu’il a préparés aux concours de l’Éducation nationale. Romain Barras a, par exemple, passé les épreuves du Capeps, blessé à la cheville. Champion d’Europe 2010 du décathlon, il est directeur de la haute performance à la fédération française d’athlétisme.

Carole Drucker-Godard, est rectrice de l’académie de Montpellier depuis mars 2025. Titulaire d'un doctorat en sciences de la gestion, elle a notamment enseigné pendant 19 ans à l'université Paris-Nanterre. • © Sabrina Ranvier

« J’ai toujours voulu encourager les élèves méritants »

Carole Drucker-Godard, rectrice de l’académie de Montpellier, est restée en contact avec des étudiants qu’elle a eus à l’Université.

En juin, Carole Drucker-Godard a fait une promesse à un élève. « J’ai vu à Perpignan un élève gitan s’accrocher. Il allait passer son DNB (diplôme national du brevet, NDLR). Je lui ai dit, si tu l’as, je reviens te voir. » Les enfants de familles gitanes passent rarement ce diplôme. Dans l’académie et notamment à Perpignan, des dispositifs spécifiques ont été mis en place. « Ce jeune garçon a eu son brevet avec mention assez bien. Donc à la rentrée, je vais le revoir », assure la rectrice, fin juillet.

Soutien humain

Carole Drucker-Godard a commencé sa carrière comme enseignante-chercheuse en sciences de la gestion à l’université Paris-Nanterre. Le 13 juin, un de ses anciens étudiants était présent lorsqu’on lui a remis la Légion d'honneur à Paris. Elle se souvient de ce jour où, à pile 20 ans, il a frappé à la porte de sa salle. Il lui annonce qu’il sera absent plusieurs mois à cause d’un cancer. « Je n’arrivais plus à parler. C’est lui qui m’a dit « Ne vous inquiétez pas, ça va aller ». » À l’époque, il n’y a pas de dispositifs numériques d’enseignement à distance. Elle se débrouille pour qu’il ait les cours, pour qu’il ne décroche pas. Malgré six mois d’absence, il ne redouble pas et poursuit jusqu’en master 2. Il travaille aujourd’hui dans un « grand cabinet de conseil ». Carole Drucker-Godard estime que son « plus beau compliment professionnel », c’est la mère de cet étudiant qui le lui a fait. « C’est une manière de travailler avec les étudiants qui m’a marquée et qui a fait qu’après j’ai toujours été proche d’eux quand ils avaient besoin de moi sur un plan scolaire, social, psychologique… », confie-t-elle.

Laisser leur chance aux méritants

À l’Université, Carole Drucker-Godard a été responsable d’une licence sélective. Les élèves venus de BTS y étaient admis uniquement s’ils étaient majors de leur promotion. Un jour, un étudiant de BTS frappe à son bureau. Elle est en ligne, le fait patienter et l’oublie involontairement. Quarante-cinq minutes plus tard, il frappe à nouveau. Steve présente son histoire de vie. « Je lui ai dit : "je vais vous prendre parce que je sens que vous avez mérité que l’on vous donne un tremplin" ». Mais elle le prévient, il doit jouer le jeu, elle va le suivre tous les jours, regarder ses notes, ses absences, tout. Après son master, il intègre un cabinet de conseil. Cinq ans plus tard, Carole Drucker-Godard reçoit un magazine spécialisé. Steve est en une. Un petit mot l’accompagne : « Vous m’avez donné ma chance et j’avais promis de ne pas vous décevoir. » Cette rencontre l’a « façonnée », lui a montré que quand on sentait que quelqu’un était méritant, il fallait lui laisser sa chance. Elle était « intraitable » avec ceux qui ne travaillaient pas. Mais quand elle croisait des élèves méritants, mais qui ne réussissaient pas forcément, elle indique les avoir toujours encouragés. Devenue rectrice à Limoges en 2020, elle rencontre des élèves qui ont été exclus de différents collèges. Ils étaient quatre. « Je leur ai raconté mon parcours, que j’avais redoublé une classe, que je n’avais pas confiance en moi, que l’on n’avait pas confiance en moi, mais que cela m’avait fait me battre, relate-t-elle. J’avais une carotte devant moi : être professeur à l’université. » Elle leur demande quelle est leur carotte ? L’un veut être cuisinier, un autre chauffeur poids-lourd, un avocat. Elle leur trouve des mentors dans ces professions. « Je leur ai dit : "si vous ne vous accrochez pas, je ne peux rien pour vous." » En septembre dernier, elle retourne en visite dans le collège où elle les avait rencontrées. Un élève l’interpelle : « Vous me reconnaissez ? La carotte ! » Un sourire se faufile : « Il était resté dans le collège, il avait tenu. J’aime aider. C’est pour cela que j’aime le métier de rectrice. »

© Sabrina Ranvier

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