JUSTICE Militaires, agriculteur retraité, mères de famille : l’autre visage du trafic de drogue
Un procès se déroule, mardi 6 et mercredi 7 février, devant le tribunal correctionnel présidé par Jérôme Reynes. Un trafic de stupéfiants avec deux militaires, un agriculteur retraité, et des femmes qui jouent les "mules" et ingurgitent la cocaïne en Guyane pour la faire venir en métropole.
Les projecteurs sont rivés depuis de nombreux mois sur les trafics de stupéfiants, les règlements de compte, les fusillades dans les quartiers populaires nîmois et les victimes collatérales. Des zones de Nîmes devenues l’épicentre d’une guérilla sans fins autour de la drogue et de son juteux business. On compte les blessés, les morts, les interpellations, mais le trafic se poursuit inlassablement. Pourtant, loin des croyances habituelles, d’autres réseaux plus discrets ont investi ce domaine criminel. Des trafiquants qui présentent un autre visage... Et qui seront jugés demain devant le tribunal de Nîmes.
C’est le cas dans une affaire démantelée par les gendarmes de la section de recherches de Nîmes où huit personnes sont officiellement renvoyées devant le tribunal correctionnel de Nîmes : des mères de famille, un agriculteur aujourd’hui retraité, des militaires. C’est Monsieur et Madame Tout-le-Monde qui gravite dans l’univers impitoyable du trafic de drogue.
Lorsqu’il se présente devant la cour d’appel de Nîmes pour demander son contrôle judiciaire, ce militaire nîmois est détenu depuis 15 mois. Il a essayé, en vain, de fuir à la vue des enquêteurs lors de son interpellation. Les arrestations, une dizaine, ont été effectuées par les gendarmes de Nîmes. Le militaire est mis en examen en mai 2022 dans cet important trafic de stupéfiants et souhaite recouvrer la liberté pour s'occuper... de sa famille et reprendre son activité de militaire à Garons !
Pourtant il est suspecté d’être le pivot d’un trafic structuré de cocaïne. Des ''mules'' venues de Guyane avalaient et ingurgitaient la cocaïne avant d’effectuer le voyage en avion direction la Métropole. Un trajet sous garde rapprochée. Lorsqu’elles arrivaient à l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle à Paris, elles étaient prises en mains et acheminées en train ou en voiture en direction de Nîmes. Là, elles expulsaient les capsules ingérées au risque de perdre la vie dans des chambres d'hôtels loués par le réseau pour l’occasion.
Elles restaient entre deux et quatre jours à Nîmes, le temps de tout évacuer avant de repartir dans le sens inverse dans leur Guyane natale. Une femme a ainsi effectué 10 voyages aller-retour en un peu plus d’un an !
Près de 2 kilos de cocaïne retrouvés chez lui
Ce militaire de 39 ans, arrêté en mai 2022 avec son épouse, également militaire, est considéré comme le pivot du trafic. Des perquisitions à son domicile vont permettre aux enquêteurs, qui ont effectué des investigations pendant près de deux ans, de récupérer 157 capsules de cocaïne pour un total de près de 2 kilos. Il revendait ensuite le kilo près de 28 000 euros à deux hommes, un habitant de Vaucluse et un autre, un agriculteur cévenol surnommé ''l’ancien'', reconverti à la retraite dans la vente de cocaïne en rase campagne dans le secteur de Sauve.
Une perquisition de l’armoire personnelle du militaire dans le vestiaire de la caserne a aussi permis de retrouver un carnet bleu avec des pages qui reprenaient sa comptabilité de stupéfiants et des noms de personnes probablement liés au trafic.
Un militaire déjà condamné pour violences
Déjà condamné en 2009 à Bordeaux pour des “violences avec arme” et des "dégradations", ce soldat réclamait devant la cour d’appel de Nîmes d'être remis en liberté. Il est placé à l'isolement car, selon lui, il aurait fourni des renseignements capitaux aux enquêteurs et les autres mis en cause dans cette affaire lui en tiennent rigueur. Une version remise en cause par l'avocat général qui n'a pas la même lecture de la procédure : « Il reconnaît mais de façon très minimaliste dans un dossier particulièrement lucratif », a estimé durant l’audience estivale le représentant du parquet général, qui s'était opposé à l’époque à un élargissement au bénéfice du militaire. Ce père de famille prend la parole : « Je veux m'excuser pour tout ça. J'ai fait une connerie et je ne cherche pas à minimiser. J'ai tout dit aux enquêteurs. »
« Jusqu'à son interpellation, c'était un militaire exemplaire. Il a collaboré avec l'autorité judiciaire et il a un contrat sur sa tête à cause de ça », selon la plaidoirie de son avocat lors de cette même audience. « Tant qu'il n'a pas été définitivement condamné, il est militaire sous contrat et peut reprendre son activité. De plus, il a deux enfants et une épouse qu'il ne voit pas. » Un homme qui est finalement resté en prison en attendant d’être jugé en février 2024 devant le tribunal correctionnel de Nîmes.
Des mules payées entre 2 000 et 6 000 euros
Si lui et son épouse, une mère de famille sans histoire jusqu’à présent, sont renvoyés devant la juridiction répressive, ils ne sont pas les seuls impliqués puisque 10 personnes dont quatre femmes sont renvoyées devant le tribunal. Outre l’épouse du chef d’orchestre du réseau, il y a trois ''mules'', des femmes qui ont avoué pour la plupart avoir transporté dans leurs corps cette drogue en échange de 2 000 euros à 6 000 euros par transaction. Une somme qui variait, notamment en fonction de la nature des éléments ingurgités !
Un retraité aux cheveux blancs
Un autre militaire est également concerné par ce trafic, mais aussi un Gardois de 63 ans qui se présente comme « retraité et ancien agriculteur ». Il lui est reproché de s’approvisionner auprès du militaire. Il achetait la drogue 28 000 euros au kilo avant de la revendre au détail. Chez lui, dans les Cévennes, il a été retrouvé près de 11 000 euros en petites coupures et 550 grammes de cocaïne. Sur le marché, le produit est ensuite vendu près de 40 euros le gramme.
Auditionné à quatre reprises lors de sa garde à vue, cet homme aux cheveux blancs qui inspire confiance de prime abord a indiqué qu’il était consommateur et que le militaire était son fournisseur. Il a affirmé aux enquêteurs qu’il en faisait profiter son entourage « à titre gratuit » ou « à prix coûtant ». En revanche, il a nié avoir acheté un kilo par mois. Devant le juge d’instruction l’ancien paysan a finalement avoué sa participation et a été mis en examen pour ''trafic de stupéfiants'' de janvier 2021 à juillet 2022. Un réseau atypique qui agrège des personnalités surprenantes et qui officie bien loin du trafic des cités et de ses règlements de compte permanent
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