LE DOSSIER Mammouth de Durfort : rappel pédagogique, recherches sur place... et maintenant ?
Personnels du Muséum national d'histoire naturelle, équipe de restauration et chercheurs ont fait découvrir à une centaine de représentants de la presse le mammouth de Durfort, restauré et réinstallé, avant l'inauguration officielle qui aura lieu ce soir. Sur place, la commune envisage un parcours de découverte tandis que les chercheurs ont bien l'intention de revenir.
C'est une fin de mandat qu'il apprécie. Président du Muséum d'histoire naturelle, Bruno David quittera sa fonction cet été. Mais c'est bien lui qui a pu accueillir la presse pour dévoiler le mammouth de Durfort ce mardi matin. S'en aller sur un aboutissement, il ne cache pas sa satisfaction. "Le hasard de la vie a fait que j'ai aussi été paléontologue", s'est amusé Bruno David, en mettant en exergue "l'emboîtement de trois histoires" que représente le mammouth de Durfort.
Celle du squelette tout d'abord, "relativement bien conservé pour un animal de cette taille". La seconde histoire est celle de sa découverte, approfondie avec les documents récemment exhumés des archives de la famille Cazalis de Fondouce. Et, enfin, celle de l'arrivée du squelette au Muséum, dans une galerie "qui devait, au départ, faire 360 mètres de long". Ses "seulement" 98 mètres n'enlèvent rien à son aspect majestueux. Bruno David a tout de même dit son désarroi de ne pas avoir pu modifier la forme du crâne, dont la tomographie réalisée à Cadarache a montré qu'il ne restait que très peu d'os fossilisés. L'architecte des bâtiments de France s'y est opposé, les premiers spécimens exposés dans la galerie étant classés au même titre que la galerie. "Mais nous sommes avant tout un musée scientifique, a regretté son président, pas d'histoire".
Après les "trois histoires", la responsable de la galerie de paléontologie et d'anatomie comparée, Cécile Colin-Fromont, a conté ses "trois voyages". "Dans le temps présent d'abord, avec l'accompagnement du personnel du Muséum, qui a commencé par l'appel au don (...) Un voyage historique dans la découverte du mammouth (...) Et un voyage dans le temps géologique du mammouth." En tout, l'aventure qui a compris la restauration et la recherche scientifique a mobilisé environ cent personnes. Et une part se poursuit encore avec la datation du mammouth et les éventuelles recherches sur place.
Le 30 septembre, le documentaire de France 5 diffusé en avant-première à Durfort
Le mammouth a donc retrouvé son podium entièrement rénové, ciré de frais, dans une position scientifiquement plus juste, avec une démarche à l'amble. Mais l'émulsion que sa restauration a créé ne retombera pas tout de suite. D'abord sur place, à Durfort, le maire Robert Condomines, "envisage un appel aux dons pour faire exister un parcours" autour du mammouth. Un parcours qui bénéficierait de pièces prêtées ou moulées par le Muséum national d'histoire naturelle. La restauration du mammouth a d'ailleurs permis d'ouvrir, à côté dans la galerie, une vitrine dédiée à ce que fut retrouvé - jusqu'à septembre dernier - dans la zone marécageuse où le mammouth de Durfort a trouvé la mort. Pour les Journées du patrimoine, la commune exposera les panneaux que le Muséum avait installés dans la galerie le temps de la restauration. Ensuite, le 30 septembre, France 5 diffusera en avant-première, au village, le documentaire sur le mammouth réalisé pour l'émission Sciences Grand format, qui passera en octobre à la télévision.
"J'ai dit au président du Muséum que, si ça se trouve, il reste une dizaine de mammouths à découvrir sous terre", s'amuse le maire, Robert Condomines. Si une grande campagne de fouilles sur place n'est pas - et ne sera sans doute jamais - d'actualité, les recherches vont tout de même se pousuivre. "Ce n'est pas un financement gigantesque, confie Bruno David, dont la structure a pourvu au travail des chercheurs. On manquait de connaissances sur les condtions environnementales dans lesquelles vivait le mammouth. D'ailleurs, il est presque plus important de découvrir des pollens et des spores que de découvrir un deuxième mammouth."
Le paléogénéticien Régis Debruyne le confirme, lui qui a chapeauté l'opération à Durfort (relire ici). "On a trouvé des espèces typiques des forêts méditerranéennes : du pin d'Alep, différentes espèces de chênes, etc. Un environnement forestier qui pourrait être très comparable à la forêt méditerranéene d'aujourd'hui, s'il n'y avait pas eu d'incidence humaine dans le Gard". Une information confirmée aussi par la recherche sur l'émail des dents du mammouth, qui confirme une alternance d'années sèches et un peu plus humides, typiques du climat méditerranéen. Contrairement à ce qu'on trouve "sur les mammouths laineux, plus tardifs, poursuit Régis Debruyne. Là, il n'y a pas de variation saisonnière, il fait tout le temps froid et sec".
"Il faut qu'on établisse une feuille de route claire, poursuit Régis Debruyne, si on veut pérenniser une valorisation en local. Ma frustration a été, à quatre mois d'intervalle, d'ouvrir et de fermer deux fois. Outre le coût économique, c'est un non-sens, on ne peut faire qu'abîmer les choses en faisant ça. On sait qu'il y a virtuellement beaucoup de choses à faire, il y a de tas de restes que nous n'avons pas sortis. Le but serait de faire en sorte que ça puisse être valorisé localement, par une collaboration étroite entre mairie, Département, Région, qui ont la main pour valoriser et sécuriser un chantier comme celui-là. Et nous apporterions notre compétence technique." Un chantier-école annuel pourrait être un solution dans la durée.
En 2024, les dents d'hippopotame et de cervidés auront rendu leur verdict permettant d'affiner la période à laquelle le mammouth de Durfort a vécu. L'âge du pachyderme a lui été confirmé par les mollaires de celui-ci et les sutures des os qui sont apparues au nettoyage du fossile et "qui étaient fermés par des ajouts malencontreux de plâtre ou de restauration, ajoute Régis Debruyne. Aujourd'hui, on peut confirmer que tous les os sont compatibles entre eux au niveau de leurs sutures. Et comme ces sutures ne sont pas fermées, c'est bien la preuve qu'il continuait de grandir." Le mammouth de Durfort avait donc environ 25 ans quand il est resté embourbé dans ce marécage. Un jeune âge pour mourir, mais aussi un âge pour passer à la postérité...
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