Publié il y a 1 mois - Mise à jour le 21.09.2025 - Coralie Mollaret - 4 min  - vu 580 fois

FAIT DU SOIR Du Gard à Gaza : le soutien à l’État palestinien divise

Lors de la mobilisation du 18 septembre, près des Jardins de la Fontaine à Nîmes

Lors de la mobilisation du 18 septembre, près des Jardins de la Fontaine à Nîmes  

- Coralie Mollaret

Ce lundi 22 septembre, la France reconnaîtra officiellement l’État de Palestine, par la voix d’Emmanuel Macron aux Nations Unies. Dans le Gard, cette annonce provoque des réactions contrastées chez les élus, partagés sur la posture à adopter.

« Ce qui se joue, c’est l’avenir de l’humanité », plaide Victor, 71 ans, drapeau palestinien sur les épaules. Le retraité, qui rédige des piges pour un magazine de moto, a manifesté à Nîmes les 10 et 18 septembre. Son mot d’ordre est le même : la paix. « Nous sommes tous des enfants de Gaza ! », ont scandé, jeudi dernier, une poignée d’autres manifestants, au milieu des drapeaux de la CGT et des pancartes « Macron démission ». Les images de leur mobilisation ont été relayées sur les réseaux sociaux. Très vite, elles font l’objet de violentes réactions, de commentaires virulents.

Emmanuel Macron face à la télévision israélienne

Ce lundi à 21h30 (heure de Paris), le président de la République, Emmanuel Macron, reconnaîtra officiellement l’État de Palestine à l’occasion de la 80ᵉ Assemblée générale de l’ONU. Une reconnaissance alors que la guerre entre Israël et le Hamas fait rage depuis 22 mois, date de l’attentat du 7 octobre 2023 où le commando terroriste a fait 1 200 victimes. Il y a un mois, le bilan du ministère de la Santé de Gaza faisait état, lui, de 60 000 morts. Parmi ces chiffres, considérés comme fiables par les Nations unies, 80% seraient des civiles, selon les médias israéliens britanniques, repris par Courrier international.

Drapeau palestinien sur le dos, Victor appelle au respect du droit international
Drapeau palestinien sur le dos, Victor appelle au respect du droit international  • Coralie Mollaret

Jeudi dernier, dans une interview à la télévision israélienne, Emmanuel Macron n’a pas hésité à condamner l’offensive israélienne et la colonisation de la Cisjordanie : « Vous causez tellement de victimes civiles et de pertes humaines, que vous détruisez complètement l'image et la crédibilité d'Israël ». L’offensive israélienne « est un projet politique dont l'objectif n'est pas de démanteler le Hamas, mais de tuer la possibilité d'une solution à deux États et de nier au peuple palestinien le droit de vivre en paix dans la région. » Aujourd’hui, 148 pays sur 193 reconnaissent l’État palestinien. Au sein du conseil de sécurité permanent de l’ONU, la position de la France et du Royaume-Uni porte à cinq le nombre de pays membres. Seuls les États-Unis ne l’ont pas fait.

Drapeau palestinien : ces maires qui disent "non"

À l’occasion de cette reconnaissance, le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, a suggéré aux communes « de faire flotter le drapeau palestinien sur nos mairies ». Réelle conviction ou volonté de s’adresser à son aile gauche, qu’importe… Son appel a provoqué un tollé, preuve — s’il en fallait encore une — que le conflit divise. Sollicitées par notre rédaction, la plupart des communes nous ayant répondu s’opposent à cette idée : « Je ne le ferai pas. Mon équipe et moi-même ne souhaitons pas participer à la récupération politique de drames humains », a commenté Philippe Ribot, maire de Saint-Privat-des-Vieux et président de l’association des maires du Gard.

« Nous ne le ferons pas », répond également le maire de Saint-Gilles, Eddy Valadier. Même les maires de gauche, dont des socialistes comme le premier magistrat d’Arrigas, Régis Bayle, ne suivront pas leur chef : « J’approuve totalement la reconnaissance de l’État palestinien (…) Mais le devoir d’un maire est de mettre en avant ce qui rassemble les Français et non ce qui est susceptible de les diviser dans un contexte déjà explosif. » Dans cette même veine, à Montpezat, Jean-Michel Andriuzzi explique qu’ici, « nos préoccupations quotidiennes sont celles d’une commune rurale : services publics, vie associative… La mairie doit rester un lieu qui rassemble pas un espace de clivage sur des enjeux internationaux. »

Ces maires qui disent "oui".

À quelques mois des élections municipales, ces élus sont-ils adeptes du « pas de vagues » ? Lors d’une réunion publique en mai, le candidat aux municipales et membre du PCF, Vincent Bouget, déclarait : « Si nous ne pouvons pas résoudre les problèmes de la planète, nous pouvons tout de même faire grandir les consciences, que ce soit sur la question climatique ou la guerre. » À Cendras, le maire PCF et président de l’Association des maires ruraux du Gard, Sylvain André, a consulté son conseil municipal : « C’est un moment historique auquel nous avons décidé de nous associer. Alors que les massacres n’ont que trop duré, il s’agit d’un premier pas concret vers une solution à deux États, dans la perspective d’une paix durable. »

Opposé à cette initiative, le ministre démissionnaire de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a demandé aux préfets de s’opposer à la pose du drapeau en saisissant le tribunal administratif. « Je soutiens totalement cette mesure », appuie Richard Tibérino, président des Républicains du Gard, « Le PS avait-il demandé la pose de drapeaux lorsque le Kosovo a été reconnu comme État ? Non ! Olivier Faure agit comme La France insoumise, en important ce conflit chez nous. » À Saint-Martin-de-Valgalgues, Claude Cerpedès n'a pas peur de cette nouvelle directive : « J’ai mis le drapeau ukrainien lors de l’invasion russe et on ne m’a pas envoyé les gendarmes. Depuis 2014, j’ai engagé mon conseil municipal pour une solution à deux états et que les peuples puissent vivre en paix. »

Davis, Mandela, Ukraine…

La France a-t-elle « perdu » sa conscience internationaliste ? La fondatrice de la maison d’édition Au diable Vauvert, Marion Mazauric, se souvient des mobilisations « pour des grandes causes internationales » en France, dont celle, dans les années 70, d'Angela Davis, militante des droits de l’Homme aux États-Unis. « Moi, je me souviens des rassemblements pour Nelson Mandela dans les années 80 », abonde Sylvain André. Lors du début de la guerre entre l’Ukraine et la Russie, les mobilisations dans les rues n’étaient certes pas très importantes. Toutefois plusieurs communes ont fait preuve de solidarité en arborant le drapeau ukrainien et même en accueillant des familles.

« C’est pour ça que ça me fait sourire, leur histoire de drapeau… », poursuit, ironique, Sylvain André. Marion Mazauric voit dans cette atmosphère le reflet d'une société individualiste : « Il y a moins d’éducation populaire… Les partis et les syndicats ont perdu de l’influence. Avant, dans les familles, on parlait politique à table. C’était un enjeu citoyen. » L'éditrice va loin en évoquant la question coloniale française : « Il y a beaucoup de racisme. Nous n’avons pas tranché la question coloniale, qui n’a jamais été abordée ni résolue. » Comme si ce qu’il se passe à Gaza, nous parle finalement plus que ce qu’on ne peut imaginer.

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